Les temps changeaient… Auparavant encore, nous nous battions les uns contre les autres. Et là, motivés par le danger de la Confrérie, ainsi que par l’appât de ce trésor que tous convoitent, nous faisons front commun contre le Grand-Maître. Mais d’abord, que dire du cadre de cette bataille ! On murmurait que l’Anima Templi avait demandé les services architecturaux de deux artistes de l’Eden pour réaliser ces nouveaux bâtiments. Les plus folles rumeurs allaient même jusqu’à dire qu’un troll et un alcoolique récidiviste s’étaient chargés des dessins. Les forges des templiers permettaient de découvrir le fonctionnement bien curieux de cet ordre, les herboristes du keytek apportaient leurs potions d’un autre monde, et les Princes-Marchands veillaient jalousement sur la banque de la ville, comme à leur habitude.
Mais de tous les monuments, c’est le mémorial des Gulr qui était le plus beau, et le plus fréquenté. Cet autel de la science, qui contenait les livres de l’histoire de Nebullia, était aujourd’hui, et pour cause… Ce trésor qui miroitait, à l’horizon, avait donné envie à des gens de se plonger dans la littérature nébullienne, pour découvrir ce qu’était ce trésor, cette arme dont voulait se servir la Confrérie. Le port du laissez-passer, ou de la bannière Illuminati était en grande majorité respecté. Mais parfois, les frères bannis de l’empire tentaient une percée, menés par ce fourbe de Grand-Maître. Ces escarmouches n’avaient d’autre but que de nous affaiblir, car tout comme le maître de la Confrérie, je savais que la guerre ne se règlerait pas ainsi.
Non, car ce combat durait depuis des siècles. Il avait entraîné de nombreux assassinats, des manipulations de l’opinion publique. Il avait même amené une guerre, celle en Eden. La prétendue sainte croisade n’était qu’un prétexte pour retrouver ce trésor, déjà… Et nous avions jadis réussi. Malheureusement, je n’avais pas pu prévoir qu’Okas était en réalité un traître. A vrai dire, j’étais encore sous le choc de la révélation du Sénéchal Egrâk. Okas avait toujours été un ami fidèle, et sa sagesse m’apparaissait autrefois comme incommensurable. Aujourd’hui, je réalisais que tout n’avait été en fait que flatteries et tromperies. Ses judicieux conseils, de perfides manipulations. Si j’avais su… il serait mort de mon Autorité, après l’avoir torturé pendant des jours et des jours !
Et pour me venger, pour faire ce que je n’avais pu faire autrefois, je devais arrêter le Grand-Maître, à jamais. Il était le descendant du Hardi, le descendant des assassins d’Erès l’Architecte, d’Erst Gulr, de Guillaume de Beaujeu, et de ces milliers, ces millions d’anonymes victimes de leurs guerres et de leurs massacres. Il devait paraître au tribunal du Keya, et répondre, comme ses aïeux morts avant lui, de ses actes et de ceux de ces ancêtres. Hier, lors de l’assaut du Grand-Maître et de ses frères, nous avons réussi à riposter aux blessures qui me furent infligées. Car nous sommes un tout.
Nous sommes la quantité. Nous sommes la qualité. Nous sommes les Illuminati.