Pierrourssière
Il s’était enfui à longues foulées dans la forêt. J’entendais encore le bruit de ses pas et ses cris lorsque je pris ma décision de le suivre. Un pas après l’autre, j’atteignais la lisière, suivant ses traces. Je n’avais jamais été une bonne traqueuse. Pas assez persévérante. Je m’accroupissais pour observer le sol, humant l’air à la recherche d’une piste. La terre était encore humide de rosée, les empreintes s’y multipliaient, m’offrant une multitude de chemins possibles. J’observais les traces, incapable de différencier les marques les unes des autres, arrivant à peine à déterminer le nombre de doigts sur chacune. Définitivement, ce n’était pas pour moi.
Il est passé par là, c’est sûr !
Je me redressais, fière d’avoir trouvé son chemin. L’arbre nouvellement déraciné juste à coté de moi y était pour beaucoup. Il m’aurait été difficile de ne pas le voir. La terre à son pied était tout juste retournée, les racines s’exhibaient au grand air. Ça grouillait tout autour, une nuée d’insectes tout juste délogés me prouvant la fraicheur du méfait. Mais j’avais deviné la direction qu’il avait ensuite suivi toute seule. Et cela suffisait à me faire retrouver un peu de confiance en moi pour la suite de mon chemin.
La forêt devenait de plus en plus profonde et j’entendais ses grognements au loin. Il m’était plus facile de le suivre ainsi. La lumière se faisait plus rare, la végétation plus touffue, et je peinais à suivre un chemin sans subir de multiples écorchures. Je sentais déjà le sang perler à quelques endroits sur mes épaules, preuve d’un passage un peu trop étroit, ou trop proche d’un buisson épineux.
Encore quelques enjambées et la piste s’arrêtait face à une rivière. Véritable saillie dans la verdure, elle laissait les rayons entrer dans une explosion de reflets argentés. Après l’obscurité du sous-bois, cette franche clarté m’éblouissait. Je plissais les yeux pour m’adapter progressivement à ce changement. Il me fallait traverser ce nouvel obstacle, mais l’eau me faisait bien moins peur qu’une forêt trop dense pour que je puisse y discerner mon chemin. Je délaçais mes bottes, nouais ma robe et m’avançais dans l’ondée. Tout n’était que douceur dans ce premier pas. L’eau, tout juste tiède, qui me poussait à poursuivre ma route, les galets, ronds et lisses, qui m’offrait une piste stable au milieu du courant.
Ma première impression était bonne, l’eau ne montait pas au-delà du mollet. Je pouvais continuer à avancer lentement. Une clairière se devinait un peu plus loin, semblant être le point de passage obligé avant d’entrer dans des montagnes bien plus agressives. Je devinais les escarpements rocheux, me masquant surement mille cachettes pour quelqu’un qui connaissait la région. Pour moi, ce n’était que des amas de cailloux qui surplombaient une trouée de lumière au sein d’une vaste étendue d’obscurité. Les détails, ce n’était pas mon truc.
Je sortais de l’eau. Un grognement se faisait entendre. Il n’était plus loin. Sans même penser à remettre mes bottes, je traversais la petite étendue d’herbe qui me séparait du pied de la masse rocheuse, la foulée preste, un petit sourire se dessinant sur mes lèvres.
La rencontre n’était pas celle que j’attendais. Ce n’était pas lui qui se trouvait face à moi, mais une bête énorme, dont le grondement envahissait maintenant l’air. Je m’étais précipité juste à portée de ses griffes avant même de réfléchir. Typique de moi, tout cela, d’agir trop rapidement. Je sais pourtant ne pas être très résistante, et encore moins réactive. Mes sorts étaient puissants, certes, mais je n’avais que rarement l’opportunité de les exécuter. Et si je fonçais directement, j’amenuisais encore plus mes chances de survie.
Je levais les yeux vers le monstre qui me faisait face. Un ours, qui me dépassait de plusieurs têtes. Des crocs acérés, des pattes énormes, une haleine insupportable. Je devais fuir. Je ne faisais clairement pas le poids. Je me retournais, cherchant la protection de la forêt, mais il était plus rapide que moi. En une foulée, il avalait deux de mes enjambées. Je regardais les premiers arbres avec envie lorsque je sentis la première lacération. Un simple coup de patte avait suffi à me projeter au sol. Je sentais le goût métallique du sang dans ma bouche, j’avais dû me mordre la langue. Je ne ressentais plus rien. Toute ma douleur se concentrait sur mon bras, là où l’impact avait été le plus puissant.
Je n’osais regarder, ni mes blessures, ni derrière moi. Je voulais juste me relever et avancer encore un peu. La lisière n’était plus très loin et je la regardais avec avidité. Je me redressai tant bien que mal et avançais. Mon bras n’était que peine, mais je focalisais mon esprit totalement sur les premiers arbres. Ils semblaient si proches, et pourtant les derniers mètres étaient si difficiles. J’atteignis finalement le premier tronc et me glissai derrière. C’est alors que le second coup arriva. L’arbre, fidèle protecteur, assura son office. L’attaque était tellement puissante que le bois se fendit. Dans un horrible craquement, aussi lugubre que plaintif, la cime s’échoua sur le sol. Nous eûmes, la bête et moi, quelques secondes de surprise, la stupeur nous envahissant.
Je me blottis derrière les vestiges de mon bouclier végétal. Je sentais les larmes m’envahir. La première sinua difficilement sur ma joue, mais ouvrit largement le chemin pour les autres. Silencieuse, tapie dans l’ombre, je tremblais de peur, incapable du moindre mouvement.
Herant…
Ce n’était qu’un murmure, à peine audible. Mais je n’avais pas forcément plus de puissance. J’étais prostrée et incapable de quoi que ce soit. Il fallait que je retrouve mes esprits et que je rassemble mes forces. Ce fut un cri bien plus puissant qui s’échappa de mes lèvres.
HERANT !!!
Puis, dans un sanglot.
Aide-moi…
hrp : *lui attribue le titre de rédacteur du Rp le plus court et le plus nul de l'histoire des terres argentées*