De vive voix

Maelyss
Elevatis Ombrae Filius


Déconnecté
 Message
Posts : 40
Threads : 7
Il y a 5 ans | Le 13 Jun 2018 18:06:32
..

Au sortir de Sante Keya, les Ombrae s'éparpillèrent rapidement après s'être salués. Seul le Censor, accompagné de deux soldats resta sur le parvis avec Maelyss. Levant la tête vers la cathédrale, il sembla rassembler ses esprits pour s'adresser à cette Ombrae dont il ignorait tout. Son esprit tournoyait dans un maëlström de formules diverses qui repassaient en boucle une à une sans jamais trouver celle qu'il aurait voulue. Touché dans son orgueil, devinant le regard de Maelyss qui attendait qu'il se passe quelque chose, il lança un peu abruptement une première question.

- Quel est donc votre nom ?

Le ton impératif de sa voix fit se crisper tout le corps de Maelyss qui se demanda dans quelle posture elle finirait la journée. Il avait l'air agacé, elle n'avait encore rien fait, que d'être venue là. Intérieurement elle pria le Keya de lui donner le courage de répondre alors que des milliers de questions se mirent à danser devant ses yeux. Peut être qu'une femme n'avait pas sa place ici, peut être que le Censor la détestait par avance de cette condition, peut être pensait-il qu'elle avait de mauvais desseins...
Ravalant sa salive, elle s'entendit citer son nom sans un accroc dans la voix, sur un ton assuré, calme et serein, elle osait même regarder le Censor en face.

- Maelyss, Censor, je m'appelle Maelyss.

Elle esquissa une très légère révérence, sourit et attendit que d'autres questions se présentent. Parler sans qu'on ne lui le demande ne serait peut être pas bien perçu et elle n'avait présentement pas grand-chose à avancer en l'état de la situation. Elle aussi ignorait trop de choses pour être à l'aise.
Elle pensa à Earyl, à Shiraï, à sa mort, comprit qu'en définitive le Censor n'aurait d'autre possibilité que de la reconnaître puisque le Keya l'avait emmenée jusqu'à lui, dénuée de tout ce qui fut son passé. Non pas qu'elle avait tout oublié, au contraire, mais elle avait accepté de tout perdre pour être ce qu'elle était devenue, ce qui avait rendu ses souvenirs un peu moins difficiles à garder.
Comment convaincre le Censor qu'elle avait été élue par le Keya lui-même ? Si lui ne la croyait pas, personne ne la croirait jamais... Elle baissa la tête, soupira et songea encore des prières sans remarquer que le regard intense qui s'appuyait sur elle se liait d'une couleur identique. Était-ce cela qu'il regardait si profondément ? Ou bien était-il seulement perdu dans de nombreuses pensées plus ou moins contradictoires ? Pour tout dire, en l'instant, le Censor s'était senti redevenir un simple homme, décontenancé devant cette chose très belle qui était plus qu'une femme, parce qu'elle avait gravé son nom sur son coeur, il le savait déjà avec certitude. Mais il ignorait tout le reste.. Que faisait-elle en ces lieux ? Pourquoi ? Quels desseins ? Serait-elle cette âme qu'il n'avait plus ?
À la fois méfiant et fasciné, il décida qu'elle répondrait à toutes ses questions avant la tombée de la nuit car il détestait ce sentiment de ne pas maîtriser la situation, autant qu'il détestait ressentir son coeur battre un peu trop fort. Certain qu'il trouverait des raisons d'écraser par le mépris tout ce que Maelyss lui inspirait, il l'invita à avancer avec lui.

- Eh bien, si vous en avez le temps, je vous invite à m'accompagner jusqu'à ma demeure, le Palais de Cristal. Vous me raconterez comment vous êtes parvenue jusqu'ici, Maelyss.

Sa voix semblait guindée, sans doute souffrante entre la froideur de sa bouche et la chaleur de sa gorge et Maelyss n'entendit que ce trouble qui lui apparut tel le Keya.. Elle sourit et accepta de bonne grâce de se plier à toute demande que formulerait le Censor, elle n'avait rien à cacher mais elle gardait en elle la crainte de ne pas être digne des exigences du Souverain.

Peut être que son destin était là, peut être serait-il un peu plus loin...

" Quae Keya Protego Ombrae "


Sur le chemin qui les menait au Palais de Cristal, le Censor et Maelyss entamèrent la discussion, marcher détendait les esprits et libérait les bons mots.

- Mon histoire n'est pas très compliquée, Censor, vous risquez de la trouver fâcheusement morne. Si j'avais imaginé un jour me retrouver ici... Voilà ce qui est formidable voyez-vous, ÊTRE... Et être ICI, rien n'est comparable !

Et rien n'entachait jamais cet enthousiasme qui la faisait vibrer, mais qu'elle atténua rapidement en se rendant compte qu'elle s'adressait au Censor. Il devait être une personne sérieuse, que les atermoiements d'une jeune femme si belle soit-elle rendraient nerveux. Sauf qu'il était tout sauf nerveux en cet instant, il se sentait illuminé d'un bonheur rarement connu, son coeur incandescent se retenait de l'embraser. Il était le Censor et il ne connaissait même pas cette femme. Il ne se comprenait plus en vérité. Elle arrivait de nulle part et faisait de lui, Censor de Nébullia, une marionnette..
Très intrigué, il ne put retenir un sourire que le col de sa veste garda secret. Il décida de la laisser parler comme elle le voudrait, peut être trahirait-elle ainsi ses mauvais desseins, emportée par ce bel enthousiasme.

- Continuez je vous en prie, Maelyss.

Il citait son nom à chaque fois qu'il lui adressait la parole, ce qui rendait ses mots comme menaçants. Maelyss était perdue, ne sachant comprendre s'il était avenant ou rebutant. Elle ferma les yeux très fort, juste quelques secondes, le temps de puiser sa force en elle-même. Être seulement ce qu'elle est et advienne que pourra.

- J'ai passé ma vie à rechercher l'élévation, celle de l'âme comme celle des capacités physiques et il est arrivé un jour que je parvienne au terme de cette recherche, par solitude, par véritable terme, je me suis sentie parvenue, mais imparfaitement... Je ne me sentais pas aboutie, comprenez-vous ? Ma foi n'avait pas reçu ce dont elle avait besoin, je ne comprenais plus pourquoi je vivais, tout avait un goût de pauvreté et d'amertume. Alors j'ai voulu mourir pour ne plus vivre ce cauchemar éveillée.

Maelyss se tût, replongeant dans son passé, celle qu'elle avait été et dont elle était fière était toujours en elle-même et lui souriait, l'encourageait.
Le Censor essayait de comprendre cette immensité que seul le Keya avait pu contenir. Marchant silencieusement côte-à-côte, elle avec son immensité et lui avec sa fascination.

- Et j'ai réussi.

Elle parlait si légèrement de son lourd passé, elle portait en elle tant d'espérance que le Censor se sentait bercé de plaisir. Elle était morte et pourtant personne d'autre ne portait autant de vie, elle brûlait la curiosité d'Arminas qui malgré tout commençait à comprendre :

- Et donc vous voilà ici ? N'est-ce pas ? Le Keya a vu en votre âme une valeureuse Ombrae, c'est cela ?

Il la regarda comme subjugué, sans doute était-ce un effet de ces yeux de rubis qui semblaient toujours fixes ou bien était-ce très pratique pour étouffer toute émotion qui l'aurait trahi. Maelyss tenta de percer ce regard, s'y brûla et répondit :

- C'est cela, Censor Arminas, j'ai voyagé avec le Keya et j'ai enfin trouvé ce qui me manquait. C'est pourquoi je suis ici, afin de me soumettre à votre autorité.

La grande phrase était dite.. restait à voir la réaction du Censor devant cette femme claire-obscure qui proposait ses services aux Elevatis Ombrae.

Mais les réactions du Censor ne s'observaient que rarement, surtout quand elles n'étaient pas à son avantage. Il s'interrogeait sur l'utilité que pourrait avoir un frêle esquif comme celui-là sur l'océan des Elevatis Ombrae. Elle avait l'air convaincant, un peu trop sans doute pour que son esprit n'en soit pas dérangé. Il avait déjà commencé à la porter aux nues, de fait, la seule explication probable qu'il envisageait était que Maelyss était là pour le mettre à l'épreuve.

De quelle autorité avait-elle besoin ? Même le Keya aurait pu jalouser sa droiture. De quoi serait-elle capable dans ce monde ? Le Censor réfléchissait tant qu'il le pouvait, imaginant le pire par défaut de croire à ce qui ne l'est pas, sauf qu'imaginer le pire devant Maelyss n'est pas chose aisée. Ainsi il échaffauda des idées complètement rocambolesques qu'il était le seul à pouvoir inventer, parce qu'il s'était rebellé contre le pouvoir en place, parce qu'il avait libéré la Légio Ombrae de ses entraves, il était quasi certain qu'à un moment la vengeance s'abattrait sur lui et que Maelyss pourrait bien être cette épée de Damoclès qui lui trancherait le cou afin de rendre au Keya une Légio Ombrae ancestrale.

Maelyss ne faisait pas de politique, la seule occasion qu'elle eut de s'y essayer avait tourné au drame, depuis elle était retournée à sa nature d'être, comme le soleil, présente ou absente, lointaine et proche à la fois, lumineuse et difficile à voir dans sa réalité.. Comme l'astre, elle existait pour tout le monde et pouvait être aussi utile qu'inutile, selon ce qu'on en attendait. Quant à ce qu'elle attendait, elle... ça n'avait aucune importance, ses espoirs ne trouvaient pas d'incidences parce qu'elle vivait désormais dans l'absolu.

Brisant le long silence qui s'était installé, le Censor s'arrêta de marcher et leva le bras devant lui, pointant son index :

- Regardez, Maelyss, voici le Palais de Cristal. Je ne me lasse jamais de voir cette image lorsque j'arrive à cet endroit.

En effet, le Palais était un spectacle presque à lui tout seul, son toit d'opale embrassant le ciel pourpre donnait l'impression qu'il vivait, tant qu'on ne regardait que ça..
Ils arrivaient et Maelyss, se retournant vers les deux gardes qui les suivaient depuis Sante Keya, s'inquiéta légèrement de la suite des évènements. Sans rien laisser paraître, sa raison tentait de la rassurer et faisant mine d'admirer le paysage elle répondit :

- On ne dirait pas qu'il est plus ancien que Sante Keya, Erès était un visionnaire, je pense.

Le Censor fut surpris par cette remarque, comment pouvait-elle sembler savoir tant de choses qui pourtant étaient nouvelles ? Jusqu'où allaient ses connaissances ? Il en aurait le coeur net avant la tombée de la nuit et le destin de Maelyss serait définitivement scellé, du moins en ce qui le concernait.

Elle était fière de faire savoir qu'elle savait, de se sentir appartenir à part entière à ce monde, sans se rendre compte que ce savoir semait le doute dans l'esprit du Censor qui avait peine à croire en sa sincérité.C'était trop parfait pour être honnête pensait-il, malgré qu'en son for intérieur il se sentait déjà conquis.Mais il lui fallait des réponses.

- Depuis quand êtes-vous... ce que vous êtes ?

Enfin, il arrivait à accrocher ensemble quelques morceaux de cette histoire qu'elle lui servait, il commençait à comprendre l'ampleur qu'elle avait et l'importance qu'auraient ses décisions. Sa question resta en suspend, résonnant dans l'âme de Maelyss. Depuis quand ?

Elle croyait avoir oublié.. La question serait plutôt, depuis quoi ?

Depuis qu'elle avait croisé la route de Shiraï...

Earyl...

- Plusieurs années, Censor, j'ai appris tout ce que je sais dans les livres et dans les murmures du Keya.

Elle sentit fondre son âme, comme si elle s'était mise à pleurer. Rien ne paraissait, tout était juste. Elle n'aurait qu'à être ce qu'elle était et tout irait bien. Pourtant Maelyss craignait que tout ce qu'elle était ne soit pas digne aux yeux d'Arminas qui laissa tomber une question comme un couperet :

- Je ne vous ai jamais vue, pourquoi vous présenter seulement maintenant ?



Est-ce qu'il existe des Ombrae abandonnées ?
Est-ce que le Censor peut tuer une Ombrae ?
Que devient une Ombrae qu'on abandonne à son sort ?


Que répondre, sinon la vérité ?


Earyl...


Maelyss tenta d'esquiver:

- Parce que j'apprenais Censor Arminas Oronar, j'ai étudié longuement pour vous servir dignement, rien ne me pressait, à ma connaissance.

Le Censor réfléchit un instant, puis émit un son explicite.

- Stststt..

Il avait compris. C'était mal le connaître que de tenter de lui cacher quelque chose, encore plus, ce genre de choses.

..


Maelyss
Elevatis Ombrae Filius


Déconnecté
 Message
Posts : 40
Threads : 7
Il y a 5 ans | Le 13 Jun 2018 18:07:53
..

- Vous auriez appris davantage à nos côtés, vous auriez su bien plus tôt que vos idées sont faussées, je le vois très bien. Maintenant, dites-moi, QUI vous a pris tout ce temps ?

Maelyss essuya ses deux mains sur son visage, s'abandonnant à l'une de ses dernières vérités. Parce qu'il en restait une autre après celle-ci, bien pire encore.

- Mon fils, Censor, Earyl. Puisque le Keya m'avait redonné conscience j'ai voulu que mon enfant vive, je l'ai nourri jusqu'à ce qu'il puisse vivre sans moi.

Et elle se réfugia dans ces années bénies pendant lesquelles elle avait bercé son fils tout en étant elle-même bercée par les murmures du Keya. Ce fils qu'elle avait laissé aux bras de Loenie ce matin même, prête à ne plus jamais le revoir si le Keya en décidait ainsi. Elle avait déjà fait ce geste quand Earyl venait de naître, elle l'avait apporté à Loenie, puis elle était partie mourir de froid dans les terres gelées de Dusso... parce que cet enfant n'était pas tout.

Reprenant sa marche, le Censor regardait droit devant lui vers le Palais de Cristal qui n'était plus très loin. Il rassemblait les morceaux d'histoire de Maelyss et d'autres questions lui vinrent.

- Qui est le père de cet enfant ?

L'ennemi sans doute.. l'Hôstile, celui qui peut tout et qui scellerait dans le néant le destin de Maelyss dès l'instant où elle aurait prononcé son nom...

- Il s'appelle Shiraï.

Sans réagir à cette étonnante réponse, le Censor posa immédiatement une autre question:

- Où se trouve votre fils maintenant ?

- Earyl est en Eden, Censor, je l'ai confié à une personne sûre.

- Pensez-vous le revoir un jour ?

- Je l'espère, Censor, mais si cela n'arrive pas je m'en accommoderai.

Devant le silence qui revint, Maelyss pensa que ses réponses avaient été suffisantes. Mais suffisantes pour qui ? Loin de se douter de ce qui traversait l'esprit du Censor, elle adressa très brièvement une prière vers le Keya afin qu'Il lui permette de revoir Earyl.

Ils arrivèrent devant le Palais de Cristal, Maelyss se retourna vers les flèches sacrées de Sante Keya et vit les deux gardes les contourner, ils allaient ouvrir le portail en grand afin de les laisser passer.
Dans la vaste cour, des gardes disséminés et des soldats en armes saluèrent l'entrée du Censor. Quelques edreïs piaffaient dans un coin en attendant leurs cavaliers pour la relève des rondes habituelles.

En haut des larges marches de pierre blanche, une bordée de colonnes gardait l'entrée du palais sous un porche rectangulaire tellement fastueux que les superbes chapiteaux en paraissaient ternis. Des gravures et des décors d'une grâce incomparable qui retenaient le regard par leur finesse dans laquelle Maelyss s'égara jusqu'à ce que le Censor, levant son bras vers l'entrée, la ramène à la réalité.

- Entrons je vous prie.

Il laissa Maelyss contempler ces somptueux vestiges du passé que rien n'égalerait sans doute jamais. Combien de bienheureuses âmes avaient eu ce bonheur de pouvoir admirer telles choses en ces lieux ? Habituée à vivre loin des fastes, Maelyss éprouvait une réelle fierté d'être autorisée à connaître cet endroit et après qu'elle eût empli son regard de tout ce qu'elle avait pu regarder, elle se tourna vers le Censor en souriant.

- Une bien belle demeure que ce Palais de Cristal, Censor, je vous sais gré de m'avoir permis de connaître cela.

La remarque flatta l'orgueil du Censor et lui démontra l'intérêt de Maelyss envers la connaissance, ce qu'il traduisit par un intérêt malsain envers ses richesses. Qu'espérait-elle obtenir de tout cela ?

Sur un geste discret de leur Souverain, les gardes refermèrent la porte d'entrée sur eux, laissant le Censor et Maelyss seuls dans le vaste couloir brillant de verre, d'or et de lumière.
Ils longèrent un moment les fenêtres étincelantes puis le Censor s'arrêta, traversa le couloir jusqu'à une porte, extirpa une grosse clé des replis de sa soutane et l'introduisit dans la serrure. Il ouvrit la porte en entrant dans son bureau et se retourna vers Maelyss :

- Entrez.

La pièce exalait des parfums de parchemin, de cuir et de cire brûlée, associés aux riches décors et parures, elle étalait une assise puissante, inspirant une grande sérénité, du moins dans l'âme de Maelyss. Tandis que le Censor allait s'asseoir dans le fauteuil derrière son bureau, Maelyss fut littéralement attirée vers la grande fenêtre bordée d'un gros rideau de velours qui offrait une vue sur l'arrière du palais, on voyait les cîmes d'arbres légers s'inscrire dans un large demi-cercle. Elle avait senti sous ses pas les tendres tapis et les sons étouffés et déjà devant le tablier de la fenêtre elle découvrait la ronde des arbres d'ornement qui entouraient un étang verdâtre dans lequel elle vit des carpes oranges danser lentement, dessinant des arabesques entre des nénuphares, lui faisant occulter momentanément les raisons qu'elle ignorait d'ailleurs, de sa présence en ce lieu.
Elle était là pour se faire connaître et même peut-être, valoir. Elle était là pour servir le Keya, à travers le savoir du Censor Arminas Oronar Gulr. Elle était là pour apprendre.

Il la regardait encore, de son regard de rubis, fixe et intraduisible, tout en lui riait de cette désinvolture apparente, sauf sa raison qui restait toujours sur ses gardes.. Maelyss ne saurait jamais ce qu'elle avait écrit dans l'histoire de cet homme et cela n'avait aucune importance car cela n'aurait rien changé. Elle était parvenue à ce qu'elle avait tant espéré. Restait à savoir de quelle manière elle vivrait son éternité d'Ombrae et cela dépendrait sans doute des décisions que prendrait le Censor. Combien d'Ombrae étaient passées par là ? Combien en étaient sorties indemnes ?

Maelyss le regarda à son tour, entre admiration, respect et crainte. Son visage reprit un aspect sombre, elle entendait les murmures du Keya qui lui semblaient briller dans ses yeux, elle espérait que le Censor les lisait dans son regard.
Il songeait, immobile, les mains jointes sur ses cuisses, comme s'il entendait lui aussi les mêmes murmures. Il songeait à des tas de questions sans importance que son statut ne lui permettait pas d'exprimer. Il songeait qu'il aurait pu l'aimer si... Il l'aimait c'était certain, à son corps défendant, ce n'était pas important et il ne restait plus tellement de temps.
Que faire d'elle ?
Il trancha dans l'épais silence.

- Comment pensez-vous être utile aux Elévatis Ombrae ?

Il espérait la faire parler longuement, se bercer de sa voix sereine en la regardant, sûre d'elle. Il chercherait une faille sans jamais déceler dans son regard autre chose que sa passion pour le Keya et la connaissance ou sa crainte envers lui-même. Ainsi se devaient d'être les choses, ainsi furent-elles. Le Keya protège les Ombrae.

- Par ma dévotion absolue pour le Keya, je me soumets à votre autorité, Censor Arminas Oronar Gulr. Par le passé j'ai expérimenté la patience, j'ai appris le savoir des Hommes, j'ai appris les arts de la guerre sur les champs de bataille et auprès d'Avatarius, j'ai maîtrisé les arcanes auprès d'Evyndir, j'ai traversé le miroir de la mort, je sais tuer, je sais être sans pitié, je connais le pardon, je sais prendre autant que je sais offrir, je suis autonome. Je suis, tout simplement, aboutie comme je l'ai toujours souhaité, grâce au Keya, ce qui fait désormais de moi une arme d'excellence pour les Elévatis Ombrae.

- Convaincue comme vous êtes, il est certain que vous saurez convaincre. Mais êtes-vous sûre que RIEN ne pourrait vous détourner de ces belles paroles ?

Le Censor sous-entendait probablement que l'amour pour Shiraï ou Earyl pourrait rendre son arme d'excellence non fiable, à moins qu'il n'envisageait qu'un pot-de-vin conséquent aurait eu le même résultat.. Maelyss n'eut pas le temps de penser à ces outrageuses supputations.

- Je suis l'âme du Keya, Censor, Lui seul me guide et vous pouvez croire en moi comme vous croyez en Lui.

Faisant soudainement exploser ses craintes face au Censor, elle réalisa à haute voix :

- Je puis être ou ne pas être, ici ou ailleurs, ce sera votre décision, Censor.

Elle se tut, gardant pour elle le reste de ses pensées qu'elle jugeait à risque offensant et pria de toutes ses forces le Keya de lui donner une chance de prouver sa valeur aux yeux d'Arminas.

Sa raison eut été folle de laisser partir telle offrande. Le Censor ferma les yeux le temps d'adresser au Grand Keya une longue prière de grâce. Maelyss le regardait, immobile, sombre, qui rejoignait son immensité. Ils échangeaient, mêlaient et unissaient des liens invisibles que seul le Keya pouvait rendre réels en eux-même.
Maelyss ferma les yeux à son tour, un instant, alors que le Censor les rouvrit et déclara:

- Soit, Maelyss, soyez. Soyez en Nébullia. Mes gardes vont vous raccompagner en ville afin que vous ne vous mettiez pas en péril seule en cette fin de journée.

Sa garde avait à peine baissé et pourtant ces mots-là furent très expressifs. Maelyss fit une légère révérence devant le Censor qui se leva pour raccompagner vers ses gardes celle qui ne quitterait jamais plus son regard.

..


Maelyss
Elevatis Ombrae Filius


Déconnecté
 Message
Posts : 40
Threads : 7
Il y a 4 ans | Le 31 May 2019 17:23:10
..
Sa joie était vive, il apparaissait que cette vie que lui proposait le Keya lui convenait à merveille. Certaine qu'elle ne faillirait jamais à sa tâche, elle entreprit de trouver un lieu sécurisé où se reposer avant que le crépuscule n'efface le spectacle de Nébullia pour la nuit. Le bâtiment protecteur se matérialisa par l'Hôstellerie des Edreïs, située dans une rue discrète non loin de Sante Keya. Guidée jusque là par les gardes du Censor qui la laissèrent devant la porte, Maelyss paya d'avance et pour plusieurs jours une chambre élégante bien que de toute simplicité mais surtout de bonne tenue, dans laquelle elle s'enferma avec ses secrets et sa foi. Après avoir récité une prière de remerciement pour le Keya, elle prit place dans un fauteuil confortable et commença à réfléchir, son esprit était calme, même en songeant à Earyl, même en réalisant qu'elle ne le reverrait peut-être jamais, tout comme Shiraï.
C'était déjà le passé. Oui, c'était arrivé, mais ça n'était déjà plus. Le Keya avait balayé derrière Maelyss, ne lui laissant que sa mémoire et ses devoirs, portant l'amour ostensiblement comme un délicat parfum, sans âme. Le seul véritable amour était désormais sa dévotion pour le Keya qui lui avait donné une vie meilleure et éternelle, une unité distincte de toute autre et incomparable. Elle avait gagné sa dernière bataille, toute chose avait enfin trouvé une place et victorieuse en son âme, elle s'endormit du sommeil du juste, tout proche du Sanhédrin.
Elle rêva de celui qu'elle n'avait encore jamais nommé, celui qui pourtant tenait une place essentielle dans le monde de Nébullia et même au-delà : Nuseh de Guspay, l'Alchimiste, le plus parfait des êtres après le Keya lui-même. Entre mythes et légendes, les écrits qui en parlaient lui donnaient une grandeur incommensurable et à défaut de le connaître, Maelyss le rêvait souvent.

[...]

L'aube rougeoyante accueillit son premier regard du jour, ce jour nouveau qu'elle consacrerait encore à l'étude, peut être retournerait-elle dans le ventre de Sante Keya découvrir d'autres perspectives, peut être marcherait-elle dans la ville le nez au vent, peut être ferait-elle tout cela ou d'autres choses.
Sans avoir pris de décision précise, Maelyss sortit de sa chambre, ferma la porte à clef et alla la donner à l'accueil. Elle souhaita une bonne journée à l'hôtelière qui en fit de même et sortit dans ce même matin grenat que la veille, frais et serein. Elle décida de descendre la rue sur le côté gauche, tournant le dos à la cathédrale de Nébullia, pour simplement percevoir, découvrir, regarder se révéler l'intérieur de la ville. Il était encore tôt et peu de gens étaient dehors, les étals et les échoppes prenaient place et s'ouvraient tranquillement, commençant à vanter leurs marchandises. Maelyss ne put échapper à la gouaille des marchands et bien qu'elle n'avait prévu aucun achat, se laissa charmer par un joaillier qui possédait un pendentif très symbolique appelé " Dévotion des Justes ", elle n'hésita pas longtemps et bien qu'il lui coûta une petite fortune, elle pensa qu'il remplacerait avantageusement ces petits grelots de cuivre qui tintaient à son cou depuis si longtemps, ici, leur sens n'avait plus lieu d'être désormais, Maelyss les rangerait avec tendresse dans la boîte à souvenirs qui prenait parfois des airs de boîte de Pandore.

Poursuivant son chemin, elle prit une petite rue adjacente sur la droite et s'arrêta devant une librairie, la devanture était jonchée de papier en tout genre et la porte ouverte laissait émaner une vieille odeur de moisi, on aurait pu comparer cela avec GoodQ. Maelyss pensa qu'elle trouverait sans doute quelque ouvrage à étudier dans ce boui-boui et entra fureter dans les étalements de livres, d'affiches, de tracts, de journaux, en vrac. Rien ne retint son regard malgré le temps passé et devant l'oeil déçu du libraire, elle repartit vers l'air pur des cieux pourpres, marchant vivement tout en observant ce monde qui prenait vie comme dans tout autre monde, sauf que les autres n'avaient pas ce ciel rouge, Sante Keya et le toit d'opale du Palais de Cristal.
Soupirant d'aise, Maelyss reprit le chemin vers Sante Keya, craignant d'être haranguée dans les rumeurs du plein jour, la solitude de quelques heures de prières lui conviendrait davantage. Ainsi elle passa pour la deuxième fois le narthex et remonta l'allée jusqu'à la croisée du transept pour s'asseoir sur le banc de la dernière travée, fixant l'abside obstinément jusqu'à ce que les murmures du Keya lui fassent baisser les yeux, puis la tête.

[...]

Elle resta là jusqu'à la fin du jour puis partit pour l'Hostellerie des Edreïs où elle comptait changer ce pendentif qu'elle portait depuis des lustres et poursuivre sa lecture des chroniques d'Ebereka à la manière d'un défi personnel.
A l'accueil, l'hôtelière lui tendit sa clef en disant :

- Ah et quelqu'un a laissé un message pour vous, le voici. Il a dit qu'il reviendrait demain chercher la réponse. Bonne soirée.

Souriante, elle tendit les objets à Maelyss qui lui rendit son sourire et son bonsoir, intriguée. Elle rejoignit sa chambre pensivement, ferma la porte à clef et posa la lettre sur la petite table de bois à l'entrée, la regardant dans sa sobriété de papier brun sur lequel quelqu'un avait écrit son nom en lettres élégantes, sans sceau, sans rien d'autre de significatif. Abandonnant là ses observations, elle dénoua le lacet qui retenait le souvenir de Zend à son cou, sourit, puis chercha le morceau de tissu qui l'avait caché autrefois et qui le cacherait pour le reste des temps, au fond de ses seuls bagages qu'étaient sa besace et sa mémoire.

Alors, elle déballa sa Dévotion des Justes, délicat et subtil aigle d'or tenu par un fin lien de cuir noir, le porta à son cou et lia les extrémités sur sa nuque.
Ainsi parée, elle alla reprendre la lettre qu'elle avait reçue dans la journée, l'ouvrit doucement pour ne pas la déchirer et tout en commençant à lire, alla s'asseoir dans le fauteuil.

<< Très chère Maelyss, comment te portes-tu ? >>

D'abord dubitative, chaque ligne lui faisait hausser les sourcils et s'agrandir ses yeux,

<< J'aurais voulu te voir, que dis-je, te revoir. pourrions nous trouver un coin tranquille où se rencontrer ? >>

Jusqu'à la signature qu'elle reçut telle une gifle magistrale et lui fit détourner la tête sur le côté comme si elle l'avait réellement reçue.

<< Avatarius >>

Elle accusait le coup, puis dans le même temps, d'autres suivirent, une rouée de coups s'abattit sur elle, ricochant les uns derrière les autres. Serrant les poings, étreignant la lettre, elle ferma les yeux et laissa ses émotions se tempérer, respirant lentement.
Tout cela revenait de tellement loin, d'une autre vie, d'un autre monde même.
Elle n'avait jamais eu la simple idée d'abandonner, c'était étrange et cela la fit sourire.

Restait une question d'importance : Comment Avatarius pouvait-il la joindre ici, en Nébullia ? À moins qu'il n'y fut lui-même...Ou qu'un cas de force majeure ne lui ait permis de faire parvenir le message depuis l'Eden. Pourquoi lui ? Lui qui fut un pilier au temps des Enfers et qui l'avait abandonnée dans la débâcle d'une renaissance ratée. Lui qui était un maître de guerre, qu'avait-il à dire de plus à celle à qui il avait infligé la pire des leçons ? Elle avait eu largement le temps d'analyser les choses, elle avait compris les erreurs qu'elle avait faites, pourtant, il subsistait une part de mystère, sans doute que le départ assassin de son mentor réclamait son lot d'explications et elle ne serait pas déçue.

Alors, elle se leva et alla écrire une réponse à ce fantôme du passé, malgré tout curieuse de savoir ce qu'il était devenu.

<< Mon cher Ava', la surprise m'ôte quelque peu les mots qu'il conviendrait d'écrire ici, mais si nous devons nous rencontrer je pense qu'ils me viendront plus spontanément. Je ne sais où te trouver mais sans doute que la douce cascade de Baduk te sera accessible disons, à la tombée de la nuit.
Je m'y rendrai chaque soir jusqu'à celui où tu viendras. >>


Elle cacheta sa lettre, écrivit le nom d'Avatarius en son milieu et la posa sur la lettre froissée de celui qu'elle se préparait à affronter, murmurant des prières.

Quae Keya protego Ombrae

..


Maelyss
Elevatis Ombrae Filius


Déconnecté
 Message
Posts : 40
Threads : 7
Il y a 4 ans | Le 31 May 2019 17:24:56
..

Elle reprit son livre sur Ebereka, s'assit dans le fauteuil et resta songeuse si longuement qu'elle finit par s'endormir sans même avoir ouvert l'ouvrage. Elle dormit d'un sommeil sans rêve jusqu'au petit matin.

[...]

L'aurore déployant les ailes du jour, Maelyss s'éveilla, immobile et resta ainsi un moment, prenant conscience qu'une de ses plus grandes blessures était peut être sur le point d'être guérie, celle pour laquelle elle avait donné sa vie en échange d'un peu de répit.
Il fallait déjà qu'elle donne son message à l'hôtelière afin qu'Avatarius sache quoi faire. Alors elle se leva, pris sa lettre qu'elle regarda comme une chose impossible, la porta à l'accueil et regagna sa chambre, décidée à attendre jusqu'au soir en compagnie de sa lecture, le moment de retourner en Eden.
Les récits d'Ebereka étaient très captivants et le temps passa encore plus vite qu'elle ne l'aurait cru. Refermant l'ouvrage qui lui demanderait encore du temps pour en achever la lecture et davantage pour en assimiler toutes les significations, elle se leva, le posa sur le fauteuil et se prépara à sortir. Sa besace en bandoulière, son regard fit le tour de la chambre puis elle la quitta presque à regret, bien qu'elle sache qu'elle y reviendrait. Elle rendit sa clef à l'hôtelière en lui annonçant qu'elle partait pour plusieurs jours, au bas-mot, puis la remerciant pour son accueil elle s'en alla, remontant la rue vers Sante Keya.

Le ciel grenat sombrait dans une opacité pervenche qui vira au bleu marine en même temps que Maelyss foula les terres de Baduk. Sur un chemin de terre elle s'en allait rejoindre la cascade, lieu idyllique et serein qui faisait remonter des souvenirs lointains. Écoutant le bruit de l'eau, un léger sourire aux lèvres, elle attendrait que la nuit fut tout à fait noire pour s'en aller. Elle ignorait si Avatarius viendrait, ou s'il avait déjà regretté ses mots, peu importait, venir là lui était agréable et elle respectait la parole donnée, cela durerait ce qu'il faudrait.
Il s'écoula peu de soirs ainsi, Avatarius ne tarda pas à se faire entendre, ses pas chuchotaient dans l'herbe humide et s'arrêtèrent à sa hauteur.
Elle avait fermé les yeux, inspirant longuement. Peut être n'était-ce pas lui.. Mais qui d'autre ?
Elle savourait l'instant, humant l'air, puis il la salua. Son sourire s'agrandit, elle l'écoutait, sans rien attendre et c'était fort agréable.

- Bonsoir Maelyss. Une belle nuit étoilée n'est ce pas ? Cela faisait si longtemps et pourtant nous sommes si proche depuis un moment déjà.
Pourquoi n'est ce pas ? Pourquoi maintenant? Pourquoi pourquoi pourquoi? J'ai du temps à rattraper si tu veux bien et je pense simplement qu'il est temps une fois enfin, de parler.


Le son doux de la voix d'Avatarius lui faisait du bien, même si ses souvenirs trouvaient cette voix dissonante. Tout peut être différent, elle avait compris. Elle avait compris beaucoup de choses tout ce temps et elle n'avait rien oublié. Il était temps en effet...
Elle faisait l'effort de ne pas ruminer la dernière phrase qu'il lui avait plantée dans le coeur, pourtant elle restait là, attendant le moment opportun pour aller se planter dans le sien. La grandeur de l'incompréhension était immense, mais ne devait pas prendre une place imméritée. Alors, les yeux toujours fermés, elle lui répondit simplement d'un ton très calme :

- N'est-ce pas. Il m'est agréable de te savoir là, maintenant. Qu'est-ce qui te ramène à moi ? De quoi veux-tu parler ?

À ce moment-là, elle tourna la tête vers lui et ses yeux s'ouvrirent pour voir ce qu'il était devenu, s'il avait changé, comment il allait la regarder. Elle fut interloquée, tout son visage fondit en un masque de surprise.
Avatarius s'approcha d'elle et déposa ses mains sur son visage, il souleva sa capuche pour laisser ses yeux la parcourir...

- Tu es toujours toi, tout comme moi apparemment. Je suis heureux de te revoir très chère, sincèrement. Mais dis moi plutôt ce qui te chagrine? Je ne suis pas aveugle, j'ai certes un peu changé, mais je suis toujours capable de reconnaître quand l'esprit est un tant soit peu tourmenté.

Il lui parlait comme si de rien n'était, comme s'il n'y avait rien de surprenant à se retrouver tout les deux en tant qu'Ombrae.. Comment telle chose fut imaginable ? Comment avait-il pu en arriver là ?
Maelyss le regardait paisiblement avec sa tendresse, pensant aux points extrêmes que les Hommes peuvent atteindre tant dans l'amour que dans la haine, ou dans l'indifférence.
Elle songea en cet instant qu'Avatarius ne la quitterait plus jamais, que c'était même le motif de sa présence. Il venait retirer le poignard qui avait traversé son coeur quand il avait quitté le chaos des Enfers, l'abandonnant comme un enfant arraché aux bras de sa mère, avec cette question qui hurlait sans fin dans son esprit " Qu'est-ce que je dois faire ? Que dois-je faire ? " Ignorant si elle était une réponse aux problèmes ou bien si c'était elle le problème. Elle s'était battue si fort et tout avait fondu entre ses doigts, TOUT, tout avait explosé dans un fracas innommable puis le silence avait tout envahi et son regard éperdu continuait de hurler sans fin " Qu'est-ce que je devais faire ? Qu'est-ce que j'aurais dû faire ? Et elle devint cette infinie tristesse, brisée, insurmontable, insupportable, qu'elle finit par tuer de ses propres mains.
Elle connaissait les réponses à ses questions désormais, elle savait qu'elle avait fait de son mieux, toujours et qu'Avatarius n'était pas un Dieu salvateur, toute son expérience lui avait dicté sa conduite, c'est ce qu'elle aurait dû comprendre, au lieu de le vivre comme une trahison. Un tragique concours de circonstances... Elle avait été si pathétique, tellement bouleversée dans ce chaos. C'était la guerre. Avatarius était un maître.

Balayant la suite de ses pensées, elle soupira comme on respire un bon air de printemps, avec un franc sourire. La certitude ne la quittait plus, elle ne la quitterait plus jamais, Avatarius était et serait toujours ce pilier, il détenait une force peu commune qui ferait toujours de lui un être sûr. Il suffisait de le comprendre, c'était là toute la tâche ardue des âmes un peu moins pures.

- Disons que te revoir me rappelle des choses..Mais oui, tout va bien à présent, je pense que tu peux le comprendre puisque même éloignés nous avons parcouru un chemin qui nous réunit ici, dans l'ombre des Ombres. Comment en es-tu arrivé là ? Ce monde est bien différent de tout ce qu'on a pu connaître autrefois..

Elle le vit sourire, comme si elle aurait dû deviner la réponse, comme si elle le connaissait suffisamment en son coeur pour le pouvoir, mais compréhensif, il lui raconta toute son histoire.

- Tout chemin menant à une réussite est parsemé de combat du coeur et de l'âme qui finissent par découler suivant la force de chacun à une paix de soi.

Il posa une main sur son sein, sentant ce coeur et il ne put s'empêcher de sourire.

- Être mort apporte aussi son lot d'avantages que seuls les vivants craignent. Tu n'as pas été abandonnée, tu t'es sentie comme telle, mais au final comme tu le dis si bien tu te retrouves ici, avec le Keya, de nouveaux compagnons et moi te sachant toujours plus proche..

Il commence à être tard, voire tôt. Je t'emmène là dans un lieu de quiétude et de repos qui est mien... Il me permet de méditer et d'observer le monde sous un autre jour.
J'aimerais que tu m'accompagnes afin de te reposer. Es tu d'accord ?


Il lui tendit sa main.

Elle ne lui dit pas combien son attitude lui avait été inconnue avant ce soir-même, soit parce qu'il ne s'était jamais permis de la suggérer, soit parce qu'elle n'avait jamais su la voir.. Les sentiments qui l'habitaient étaient étranges à cette heure tardive, faits d'une admiration qui ressemblait à de la fascination et elle enviait son savoir-faire, son savoir-être aussi, elle voulait partager avec lui leurs convictions et leur nouvelle vie, apprendre toujours du maître qu'il avait toujours été et lui apporter la douceur d'une femme, créer ainsi un équilibre solide dans lequel chacun est incomplet sans l'autre.

Doux rêves, que vous reste t-il à nous apporter quand la réalité n'a plus besoin de vous ?

Sans répondre de vive voix, elle lui donna sa main en guise d'accord, se laissant transporter sans crainte.

..


Maelyss
Elevatis Ombrae Filius


Déconnecté
 Message
Posts : 40
Threads : 7
Il y a 4 ans | Le 01 Aug 2019 09:24:29
..

Un doux sourire aux lèvres, Avatarius savourait déjà ce pas franchi qu'il attendait depuis si longtemps. L'instant d'après, ils se retrouvèrent sur une plage d' Edora, non loin du Navire Ombrae. Tout était calme. Avatarius avait fait de cet endroit son lieu de quiétude, un rocher pour méditer, un dôme d'esprit pour n'être dérangé que par le doux bruit des créatures avoisinantes et la mélodie des vagues tantôt bercées par la marée paisible, tantôt en colère s'écrasant sur les récifs.
Dans ce lieu qu'il ne partageait que rarement il allait montrer à Maelyss de quelle manière se déroulait son apprentissage dans le Royaume des Ombres, en espérant qu'elle apprécierait.

- Dans ce coin caché des récifs volcaniques j'ai appris à vivre avec mon élément, il m'a fait changer et m'a montré la voie, la seule, la vraie. J'avais besoin d'un lieu de quiétude, caché aux yeux du monde, libre de mauvaises pensées. Ce lieu, je désire le partager avec toi ma belle. Es-tu prête à apprendre de moi, ce que je suis ?

Une appréhension le poussa à prendre Maelyss dans ses bras, l'enlaçant tendrement, posant sa tête dans le creux de la sienne, observant le rivage comme pour oublier dans le bruit des vagues tout ce qui n'était pas cet instant.

[...]

Il était le ciel orageux qui un jour l'avait foudroyée. Il avait réussi à trouver ce qui ferait de lui la riposte parfaite à cette guerre qu'elle portait en elle, avec une simplicité tellement déconcertante qu'elle en restait décontenancée mais curieuse. Sa philosophie la séduisait à un point tel que toute autre idée l'avait abandonnée, momentanément. Elle savait de toute façon, que le temps ne voulait rien dire. Ses sens éveillés croyaient savoir, mais sans doute que le doute ne quitterait jamais sa raison car elle ne comprenait pas ce qu' Avatarius voulait lui apprendre de plus. Ils avaient déjà longuement discuté et son esprit s'était ouvert à sa vastitude dans laquelle elle s'était laissée aller.

- Qui mieux que toi pourrait me l'apprendre ? Je suis prête.

Avatarius se détacha pour s'asseoir en tailleur devant Maelyss et l'invita à en faire de même. Face à face, proches, il commença son récit.

-Ce n'est pas facile tu sais ma belle, d'avoir été, d'être et de devenir. L'image que tu as de moi est belle et bien réelle. Mais il y a de ça plusieurs années maintenant, après mon passage chez les Enfers et avant de revenir dans les rangs des RATS, J'étais las de tout ou presque.

J'avais probablement tout perdu: Ma raison de vivre étant la guerre, ne m'apportant plus la jouissance d'antan lorsque je coupais la tête de mon adversaire, perdait en saveur. La femme que j'aimais vivait ses derniers jours sur nos terres et je n'arrivais pas à encaisser cela.
J'ai choisi de m'isoler de tout... Pour faire le point sur ce que je voulais vraiment par la suite.Le temps passant, de nouveaux guerriers puissants virent le jour et moi je ne faisais que me ramollir...

J'ai donc décidé de remédier à cela. La seule façon pour moi de combattre cette solitude qui me brûlait toujours plus ardemment était de mourir. J'ai donc participé à l'Arène des Légendes de ces terres pour l'anniversaire des 10 ans afin d'achever ma vie comme elle avait commencé: Dans la souffrance et les meurtres.

Fier de moi j'ai combattu jusqu'au dernier rang contre mon ami Shirai. Seulement voilà il était supérieur en tout point et j'espérais tomber ce soir là... Je lui demandais donc d'en finir avec ce combat et de venir à bout de mon être quand nous serions seuls. Le combat fut une partie de plaisir pour nous deux et nous nous reculions de la foule pour nous isoler. Ce soir là débuta ma délivrance et ma nouvelle vie.


Avatarius marqua un temps d'arrêt et incanta les Ombres. Une représentation de Shiraï et lui-même apparut, animant le coup dévastateur qu'il avait demandé à l'époque à son frère d'arme, de lui asséner. Puis l'image montra Shiraï soulevant le corps gisant au sol dans ses bras et le porter jusque dans les montagnes du nord-est de Sato, déposant la dépouille dans le sable chaud.

- Comme tu l'as compris je ne suis plus vraiment le même ma bien aimée... Lors de mon acceptation dans le Royaume des Morts j'ai fait la rencontre avec la Mort elle même: Elle savait qui j'étais, je ne savais absolument pas ce dont elle était capable. Elle m'a laissé le choix de la vie à son service ou de la Mort tourmentée enfermé à jamais dans les Âmes tourbillonnantes de son Royaume. J'étais venu en espérant pactiser avec le Diable pour ne rien te cacher. Servir celui ci sans plus aucun état d'âme, lassitude ou hésitation me faisait rêver. Mais voilà j'ai eu plus que cela. La Mort a plus de bonté d'âme que le Diable.Elle me laissa donc le choix de conserver mon enveloppe charnelle, de conserver mes souvenirs mais de la servir suivant sa logique et surtout suivant ses techniques.

Avatarius se leva et brandit ses armes forgées dans le Royaume des Ombres. Cette aura noire qui en découlait était le symbole même de la puissance octroyée par la Mort. Son armure, son talisman, tout était forgé dans le même moule.

- Tout ceci me représente maintenant,le casque me permet de cohabiter avec l'au-delà et de dialoguer avec eux depuis la surface des vivants. L'armure protège tout mon être des blessures physiques, mentales et psychiques. Les bottes permettent de traverser chaque zone d'Ombre sans être vu. L'Amulette est aux yeux de la Mort ce qu'il y a de plus précieux: Collecteur des âmes damnées servant à alimenter le Royaume des Ombres. Quant aux armes, elles puisent leur force dans ma force, mon âme et celle de tous les morts d'ici bas. Tout ce qu'elle attend de moi c'est que je moissonne, infatigable, discret et fidèle tout en continuant de jouir de la vie que je voulais.
Mais j'avais besoin de plus encore, d'être éclairé sur le champs de bataille. J'avais besoin de repères encore plus précieux. Ceux du Keya et d'Arminas. Je savais qu'en passant pour un mercenaire j'allais aisément m'approcher du Keya. Je t'ai déjà raconté ce qu'il s'était passé et comme cela a fini...


Maelyss avait écouté, les yeux plissés de curiosité et d'intérêt devant cette sagesse qu'elle ne lui connaissait pas. Compatissante car elle ne reconnaissait que trop bien ce parcours. Réjouie surtout de sa finalité qui ne pouvait guère lui correspondre davantage.
Elle avait ressenti une forte onde d'émotions lorsqu'il avait invoqué l'image du coup fatal que lui avait porté Shiraï, avec toute la violence dont il était capable. Elle avait baissé la tête un instant, fermant les yeux pour apercevoir une fraction de seconde ce regard d'azur lui sourire et lui offrir ce sourire qu'elle afficha sur son visage en relevant la tête vers Avatarius brandissant ses armes de l'Ombre. Cette aura noire lui allait si bien et la concordance entre les apparats de la Mort et ceux du Keya était saisissante. Maelyss comprit alors la distinction qui les rendait incomparables tant dans l'individualité qu'ensemble et elle n'imaginait aucune force capable de porter atteinte à ce lien. Elle comprit aussi qu'Avatarius n'aurait rien de plus à lui apprendre, qu'il n'était pas revenu pour lui donner des leçons mais pour partager les temps passés, présents et futurs.

Il s'approcha d'elle et lui tendit une rose des Ombres... De prime abord elle n'avait rien d'exceptionnel, noire, immortelle, douce et belle comme n'importe quelle rose. mais une fois dans les mains de Maelyss, elle sentit le pouvoir de cette rose, protégeant son âme contre tout ce qu'elle craignait, apportant de la quiétude en elle.

- Tu n'es pas obligée de l'accepter, je conçois que c'est beaucoup d'acceptations en une seule fois. Mais cette fleur te protégera et te fera sentir si je vais bien, en tout temps. Elle est une partie de moi. Je suis maintenant devant toi, sans aucun secret pour toi, tu sais tout de moi. Je suis devenu ce que je voulais être et je t'aime.

Quand Maelyss saisit la rose dans ses mains, son profond coeur noir vibra d'un rouge incandescent qu'elle eut peine à quitter du regard. Il lui avait donné en un jour plus que n'importe qui en une vie et l'éternité leur appartenait. Elle se leva face à Avatarius, émue et lui offrit un baiser.

- Je te fais confiance, comme depuis toujours et je t'aime aussi.


Ainsi commença le premier jour de ces Ombrae incomparables qui trouvèrent enfin le repos sous le regard de l'aube mourant sur les récifs de Volcania.

..