J'avais pris ma plume noire, autant prendre un objet de la couleur de l'encre, pour écrire… Goldô était parti de bon matin, j'avais préféré rester au lit et me prélasser. Allongée, encore nue de ma nuit, hors des draps pour rafraichir mon corps frissonnant de ses caresses, je réfléchissais. Comment écrire les sentiments, lorsqu'ils sont si puissants ? Comment les décrire ? Je me lançais.

Je t'écris ce poème
Pour te dire que je t'aime…

Je voulus rayer cette première phrase, le rire commençant à me vriller les côtes. Depuis quand j'écrivais de tels mots ? Pour calmer cette crise , que je m'étonnais moi-même d'avoir provoqué, je m'allongeais sur le ventre, les larmes aux yeux de cette hilarité passagère. Reprenant mon calme en même temps que mon souffle, je me remis à l'écriture.

J'suis pas assez niaiseuse
Pour toutes ces choses vaseuses,
Et encore moins pathétique
A dire ces trucs classiques.

Non, plus sérieusement,
T'est le meilleur amant
Tu m'bouffes de l'intérieur
Lorgnant mon postérieur

Déjà quand j'étais gosse
Candide et peu féroce
T'avais été touché
De tant de naïveté

Et regarde comme j'suis fière
Maint'nant on fait la pair
Enfin, plus toi, faut l'avouer
C'est toi qui m'fait rêver

Maint'nant j'suis a tes pieds
Cœur offert et poings liés
Et si t'essaies d'partir
C'est clair, j'te fais souffrir

Mais si pour te garder
Je dois te ligoter
Ton cachot sera moelleux
Humide, chaud, généreux

J'm'agiterais devant tes yeux
Tu feras des envieux
J'te dresserais sans me forcer
Avide d'te contenter

L'boulot est commencé
Il t'faut me supporter
Fallait pas m'allumer
Depuis quelques années…

Je relisais mes mots. Ce n'était pas de l'art, mais ils me plaisaient.

C'était à mon tour de sortir de ce cocon chaleureux. Une longue journée m'attendait. Je pliais la feuille et la déposais sur son oreiller, qu'il la trouve en rentrant. Il me fallait maintenant me motiver, pour m'habiller, sortir, voir la société…