[HRP : réponse au rp d'Arminas ici : https://www.silver-world.net/forums.php?action=showthread&id_thread=82725&id_forum=77

Suite de rp co-écrits entre Gil' et moi-même dans un premier temps, si d'autres veulent se greffer à l'histoire, merci de m'envoyer un mp. (Mais juste laissez-nous sortir de prison avant !)]

An 3 de l'âge Apothéotique, peu après la résurrection d'Eziak Gulr, Nebullia

La nuit était tombée depuis plusieurs heures déjà. Le silence nocturne n'était brisé que par les talons des troupes de la Legio Ombrae effectuant leur ronde dans la capitale de l'empire millénaire. Il n'y avait personne d'autre qui osait s'aventurer dehors, l'obéissance aux dogmes impériaux n'étant à l'époque pas une futilité et la traîtrise sévèrement punie par les moines-soldats de l'Anima Templi. On racontait qu'ils étaient devenus maîtres dans l'art de la torture, même si ce n'étaient que légendes et histoires sombres… car personne n'était jamais ressorti des gêoles de l'Âme du Temple en étant de raconter ce qu'il y avait vu et entendu. La plupart des prisonniers qui étaient relâchés avaient toujours les oreilles ou la langue coupée. Et, fait étrange, il y avait comme une absence dans leur regard, comme si en plus d'oter des membres, les moines-soldats opéraient également l'esprit de leurs victimes.

Pourtant, dans cette rue à peine éclairée par quelques torches vacillant dans l'obscurité, à plusieurs centaines de mètres, un homme encapuchonné se hâtait de rejoindre une place un peu plus loin, jetant à intervalles réguliers de brefs coups d'oeil derrière lui afin de s'assurer de ne pas être suivi. Une forme noire, allongée, serpentait sur les pavés derrière l'homme, sifflant doucement dans la nuit. Une fois la place atteinte, l'homme s'arrêta devant une statue qui était alors en construction et ôta la bâche qui recouvrait l'œuvre inachevée, dévoilant un escalier secret s'enfonçant dans les profondeurs de la capitale. Après un dernier regard derrière lui, l'inconnu descendit sans crainte dans les ténèbres souterraines, toujours suivi par le reptile au sifflement sinistre. Il devait y avoir une centaines de marche qui venaient tout juste d'être taillées. Arrivé devant une lourde porte, l'homme frappa par trois fois, et sans attendre de réponse, la poussa et entra dans la salle qui se trouvait au-delà.

Cette dernière, on le sentait, n'avait pas encore été aménagée au complet. Elle était éclairée par de curieuses lanternes qui descendaient du plafond. On y trouvait plusieurs tubes à essais et assemblages de verres, dans lesquels flottaient parfois de bien curieuses mixtures aux couleurs les plus étranges les unes que les autres. Au-dessus d'un orifice qu'on devinait devenir une cheminée plus tard, trônait une gigantesque tapisserie représentant un gigantesque serpent se mordant la queue : l'Ouroboros, symbole de l'éternité adopté par les moines-soldats de l'Anima Templi. Il y avait vers le fond de la salle un chevalet, sur lequel était couché un autre homme. Du visage de ce dernier, dissimulé derrière une soutane noire, on ne percevait que deux lumières dorées, scrutant le nouvel arrivant. Une voix rauque et souffrante, mais cependant goguenarde, sortit de la soutane et s'adressa à l'homme qui venait d'entrer dans la pièce.


”Ah. Vous vous êtes fait attendre. Faisons vite, voulez-vous ? Je me suis installé mais je n'ai pu cadenasser les liens pour me maintenir enchaîné au chevalet. Si vous vouliez bien…”

Le nouvel arrivant hocha la tête et s'avança dans la pièce, dévoilant sa propre soutane rouge sombre. Deux sceaux étaient peints sur celle-ci : à gauche, sur le coeur, l'Ouroboros, et à droite, le symbole de la Métempsycose, un Ordre de l'Eden depuis longtemps éteint, mais qui avait fait vaciller en son temps les pouvoirs les plus divins. Ces deux symboles identifiaient l'être sous la soutane rouge comme Lord Clarius, le prêtre maudit de l'Anima Templi, qui avait servi sous les bannières du Conclave, de l'Ordre de Tassith et de la Métempsycose, et dont Nuseh de Guspay s'était offert les services. On racontait que le paiement du Lord se réglait en chariots remplis de vierges mortes, qu'il réanimait d'une vieille magie nécromantique dans le seul plaisir de pouvoir les torturer. Clarius était reconnu aujourd'hui dans Nebullia comme le maître des tortures de l'Anima Templi. Le reptile qui le suivait, connue dans l'Empire sous le nom de Seranesh, et redoutée comme l'une des plus féroces armes du Lord, alla se lover dans un coin du laboratoire.

Clarius s'approcha du chevalet, et après un bref moment d'hésitation, comme tous les soirs, boucla les verrous afin de maintenir sa curieuse proie sur le chevalet. Il retourna une clepsydre pendant à son cou, laissant les premiers grains de sable servir de témoin du temps, puis il commença son office. Le Lord avait la particularité de mêler aux tortures physiques des plantes et des potions connues de lui seul - ce qui lui avait d'ailleurs valu l'admiration de l'Alchimiste. Son stratagème préféré était de droguer brièvement sa victime, la rendant insensible à la douleur, puis de planter sous chaque ongle des pieds et des mains de longues piques d'argent. Il n'y avait alors plus qu'à attendre que la drogue cesse son effet. Les plus coriaces arrivaient à résister à la douleur lorsqu'elle était progressive. Leur cerveau entraîné leur permettait en effet d'ignorer les signaux nerveux envoyés par les blessures de leur corps. Cependant, avec la technique du Lord, la douleur était immédiate, et tellement intense, que bien peu pouvaient supporter. Généralement, la victime vidait alors immédiatement son sac et, histoire de finir son travail et de laisser une marque indélébile à sa proie, il coupait un membre ou deux.

Pourtant, ce soir-là, comme tous ceux qui avaient précédé avec son ”prisonnier” du soir, le Lord ne posait aucune question. Il avait déjà placé toutes les piques et s'était un peu reculé, attendant que la drogue fasse son effet. Malgré les soirées qui s'enchaînaient avec ce rituel macabre, il ne comprenait toujours pas ce que sa victime cherchait à obtenir. Il fallait bien être immortel pour se laisser ainsi torturer ! Parfois, il lui venait à penser que son interlocuteur était, comme le disait la rumeur, purement fou. On disait de lui en effet qu'il avait traversé des dizaines et des dizaines de monde, et seul le sacrifice d'Ebereka avait permis son retour parmi les Ombrae. Mais ce soir, Clarius avait décidé de lui demander pourquoi il s'infligeait cette douleur plusieurs fois tous les soirs. Après tout, au fil des semaines depuis lesquelles durait cette torture, il était né une confiance presque fratricide entre le bourreau et la victime. Plongé dans ses pensées, le Lord ne vit pas la lumière dorée des yeux du torturé vaciller, indiquant que la drogue avait finit d'agir. Par contre, il faillit sursauter quand les premiers hurlements retentirent. Se précipitant pour ôter les liens qui retenaient sa victime, il fut interrompu par cette dernière.


”Rah … Laissez-moi… terminer... Je dois… souffrir… tenir… Il faut…”

Alors, le Lord recula, et attendit de nouveau. Plusieurs dizaines de minutes, parsemées de hurlements de la victime. Quand finalement, l'homme couché lui demanda de le libérer - ce que le Lord fit immédiatement, ôtant également les piques d'argent- Clarius le regarda, interrogateur.

”Je sais… Vous voulez… des réponses… laissez-moi reprendre… mon souffle…”

Puis, quelques minutes plus tard, la voix rauque était moins souffrante, reprenant son air taquin, nasillard, qui laissait paraître une suffisance sans limites.

”Vous savez, Clarius, les pouvoirs qui me sont conférés sont une fabrication artisanale, pour la plupart. La puissance des Gulr n'est obtenue que par l'Al-Khemie, une substance obtenue au cours de mes siècles d'errance dans le monde de Nebullia et qui modifie leur code génétique afin de les rendre parfaits aux yeux du Keya. Un jour, les questions seront chuchotées, puis exprimées en public. La fronde naîtra alors des mécontents qui n'auront pas les réponses, et une rébellion entraînera l'ordre que nous connaissons dans les méandres de l'oubli.

L'Empereur et le Censor seront enfermés, à jamais. Ils seront d'ailleurs peut-être même tués, afin qu'on soit sûrs que les héritiers légitimes de Nebullia ne reviennent jamais. Quant à moi, je serais torturé, des heures, des jours, des semaines entières, jusqu'à mourir sans libérer mes secrets. Car, voyez-vous Clarius, au-delà de l'Al-Khemie, au-delà même d'Ebereka… il existe un secret plus ancien encore, un secret que les académiciens de Volegia voulaient révéler au monde et qui leur a valu une guerre secrète.

Votre talent pour la torture n'est plus à démontrer. Aussi, vous devez m'entraîner pour que je sois un torturé crédible, que je subisse des heures entières d'affreuses mutilations que viendront me causer ces barbares, ces traîtres qui auront cru connaître les préceptes de notre religion mais qui ne vivaient en fait que pour l'appât du gain. Avant de finalement cracher le morceau. Du moins, c'est ce qu'ils croiront. Je leur livrerai l'emplacement de ce laboratoire secret. Ils y trouveront plusieurs de mes secrets, comme l'Al Khemie, car voyez-vous, il faut que cela paraisse crédible.

Puis, grâce à ces secrets, ils se fabriqueront une armée de Gulr, croyant que la potion seule leur donnera la piété d'entrer dans les grâces du Keya, ignorant les longs enseignements d'Erst Gulr et la dévotion des premiers d'entre eux. Ils m'enfermeront alors, dans un lieu inconnu, me laissant là pour l'éternité…

Mais je n'ai pas encore abattu mon plus précieux atout. Une manipulation si énorme que personne, pas même Gilmambor malgré sa grande intelligence, n'en a vu les prémices.

Voyez-vous, j'ai un fidèle, parmi les fidèles, qui est depuis toujours tapi dans la plus grande ombre qui soit : la lumière la plus totale. Il me retrouvera. Et ainsi, l'histoire recommencera.

Mais assez parlé, Clarius. Je suis reposé à présent. Vous pouvez recommencer. La nuit est encore longue.”


A la lumière de ces explications, la confiance de Clarius pour Nuseh de Guspay, l'Alchimiste des Gulr, avait encore monté d'un cran. Les chefs passés du Lord, qu'il s'agisse de Darius ou de Athena Exclamation, étaient de redoutables stratèges qui avaient fait ployer par la force brute les plus imposantes places fortes. Mais aucun n'avait le talent de l'Alchimiste pour établir un réseau tentaculaire qui infiltrait des organisations entières, rendant le futur prévisible et lui permettant ainsi d'anticiper les situations les plus extrêmes… même au prix de terribles sévices.

Le Lord saisit de nouveau les piques d'argent et la fiole qui contenait la drogue pour Nuseh, et s'approcha de nouveau du chevalet.


(à suivre)