Dans l'ombre de la nuit, sous l'oeil discret de la lune noire qui touchait à sa fin, les profanateurs commencèrent leur besogne. On se trouvait dans un cimetière, dans le silence des morts et de la nuit on n'entendait que la terre jetée sur les côtés de la sépulture, puis, au bout d'un moment, un " klong " indiqua que l'outil qui creusait avait trouvé le cercueil.
Des chuchotements :

- Vite ! Vite !

Une ombre parmi les ombres alluma les quatre cierges votifs disposés aux quatre coins de la tombe et tous entreprirent d'ouvrir le cercueil à coups de burin sur des coins. Ils firent sauter les clous facilement et retirèrent prestement le couvercle qui s'était récemment posé sur l'homme qu'il laissa apparaître. Un homme plutôt vieux, qui semblait encore dormir tellement sa mort était nouvelle.
Sans scrupules, les ombres le soulevèrent un peu pour disposer son corps tête vers l'est, ce qui lui donna un air de pantin désarticulé et ridicule.
Ainsi débuta le rite macabre du groupe de nécromanciens. L'un d'eux jeta une poignée de poudre sur le défunt en murmurant des incantations :

- Dis-nous ce que tu vois. Dis-nous ce que tu sais.

Proférant prières et demandes, les sacrilèges s'affairaient autour du mort, faisant danser leurs longues pèlerines noires. Ils levaient les bras au ciel comme pour appeler des réponses et réalisaient des sortes de révérences qui les faisait se balancer stupidement comme les breloques qu'ils portaient à leur cou. L'un d'eux s'empara d'une fiole et la bu entièrement, il tomba en arrière et allongé sur le sol, pris de trémulations, il se mit à baver en disant des phrases incompréhensibles. Le rite maléfique prenait des allures de triste spectacle sordide. Tous plus ridicules les uns que les autres, ils ne savaient qu'inventer pour entendre parler l'homme qu'ils étaient venus déranger dans la paix de sa dernière demeure. Comment pouvaient-ils seulement imaginer que les morts puissent parler ? Comment pouvaient-ils croire que quiconque peut prédire l'avenir ? Et pourquoi joindre ces deux aliénations ? Les nécromanciens sont-ils fous, alcooliques, sadiques ? Et que veulent-ils donc tant savoir ?
Reste que dans leur folie, ils profanent les sépultures, saccagent le lieu en brûlant tout derrière eux, laissant les familles éplorées dans une seconde douleur inacceptable.

De tout temps, la mort a été sujet de respect, même les plus cruels des barbares s'arrêtent à celle-ci, ne s'acharnant pas sur un corps sans vie. De tout temps les tombeaux se sont fermés sur la mort comme un point final, coupant le contact entre celui qui s'en était allé et ce qu'il laissait derrière lui.

Seuls ces maléfiques chamans osaient s'aventurer au-delà, bravant toute loi contre l'espoir de savoir l'impossible. Personne ne sait s'ils obtinrent un jour des réponses, s'ils en obtiendront un jour. Il faudrait sans doute les décapiter pour qu'ils voient par eux-même s'ils ont quelque chose à dire aux vivants.