Son ventre


Voici le temple des tréfonds, organique, aux parois minérales onyx gorgées de la puissance fondatrice d'un monde très antique, au sol luxuriant tapissé d'une myriade de plantes comme autant de lumières inconnues, lichens nourriciers en pleine ascension vers un monde mystérieux.
L'eau créatrice baignait ses stalactites et stalagmites, dans un océan aérien de teintes bleues, parmi les lapis-lazulis et les aigues-marines dont seule la poussière d'or des rayons du soleil parvenait à révéler la quintessence.
Dans une atmosphère humide, encensée par les émanations des limons et des eaux turpides, s'alanguissait au fond de l'antre de vie, la déesse.
La tête légèrement inclinée, elle écoute un serpent de jade, sagesse tentatrice, lui susurrer dans un langage mystique les secrets enfouis des roches orientales. De sa peau nue, elle pare la grotte d'un éclat nouveau, d'une chaleur moite qui réchauffe l'ancienne lave, devenue épaisse roche.

Voluptueuse, ce n'est que d'une prunelle ambrée, que d'un sein dérobé, que d'une longue jambe féline qu'elle s'offre avec dédain, abandonnant le profane aux transports infinis d'une lune sulfureuse, le laissant errer dans un labyrinthe de grenat fiévreux, orné de nacre, d'émeraude et de topaze, à l'air saturé d'un exaltant tourbillon de souffre, piqué de fragrance mentholée et perlé d'embruns marins, pour finalement le faire chanceler, d'un sceptre inquisiteur à l'endroit de son désir.

C'était elle, l'équinoxe des profondeurs mystérieuses, dont seule la cascade laiteuse du zénith parvenait à entrevoir les formes et à laquelle elle répondait par une auréole chatoyante.

Dans le tumulte, la déesse à nouveau se révèle, sous l'aigle, le sceptre se fait caducée, disparaît dans une vision d'or rouge, presque translucide et laisse apparaître le calumet conciliateur. Une fraîcheur apaisante enivre alors les sens ; la chair, dans un miroitement, se mue en feuille d'or sous les doigts alchimistes des caresses passées. Mais plus troublant encore, une incroyable gangrène de jaspe sanglante ruisselle sur le pied d'ivoire et poursuit son inexorable ascension recouvrant progressivement des jambes sur lesquelles semblent s'être incrustées les pierres précieuses de tout temps et de tout monde.

La métamorphose était en cours, gisant dans la torpeur d'une mare macabre, étendue sur son trône sanguinolent, cette Lilith entrelaçait le temps créateur et destructeur. Paradoxe subtile et délice ultime, la main gauche formait le « V » des déesses-mères préhistoriques, symboles de nature et source de vie, qui faisait naître les enfants et pousser les plantes.