Plus j'avançais dans ces terres, plus le temps me paraissait long… Lourd à vrai dire. Mon passé, mes amours, mes peurs, mes ennuis… J'étais passé par beaucoup de clans de renommée, j'avais gravi beaucoup d'échelons, je m'étais imposé comme cador partout où je suis passé.
Mais tout ceci ne m'était d'aucune utilité. Au fur et à mesure que je devenais puissant et redouté, tout ce que je chérissais disparaissait pour me laisser, moi, le virtuose dans la Mort, seul… Terriblement seul.

J'avais entendu parler d'une arène pour les champions… Sans goût ni âme puisqu'encore une fois je n'ai trouvé personne à ma hauteur. C'était définitivement plus de mon ressort ces guerres incessantes qui n'avaient ni saveur, ni but, juste un duel de paysan pour savoir lequel était le mieux habillé.
Je m'enfermai donc dans une forteresse où je recueillais quelques amis perdus en cours de route, on discutait du bon vieux temps puis ils disparaissaient, eux aussi pour me laisser là... ou las, plutôt. Et c'est souvent quand on s'y attend le moins que l'opportunité s'offre à nous. Un message sorti de nulle part venait d'atterrir au pied de la forteresse aussi clair que de l'eau de roche : Arminas Oronar Gulr me demandait au plus vite.

Je ne connaissais cet individu que de nom à vrai dire, mais quand on loue mes services, c'est souvent pour une cause importante. Qu'avais-je à perdre ? Plus rien, puisque je ne désirais plus rien, si ce n'est le calme de cet endroit bien trop grand pour moi. Puis bon… ça ne me coûtait rien d'aller voir ce qu'il me voulait, après tout. Au mieux je m'en sortais comme à chaque contrat, au pire j'entrais rejoindre mes amis dans le Royaume des Morts.

Armé et l'esprit tranquille, je décidai donc de me rendre à cette taverne. Ce n'était pas l'endroit que je préférais, mais bon, un gars avec une grande capuche noire, ça ne devait pas être très dur à retrouver parmi tous les alcooliques présents. Comme à mon habitude, j'allais arriver quelques minutes en retard afin de voir s'il s'agissait juste une perte de temps ou s'il voulait vraiment louer les services du seul vrai chasseur de tête de ces terres. Peu importe la taille, jamais personne ne m'avait résisté.
J'avançais donc dans la taverne lorsqu'il m'apparut dans le coin : Capuche noire, yeux rouges perçant l'épaisse fumée présente dans la taverne.
« Il a l'air pressé le monsieur… »
L'homme me dévisageait car il était en retard mais qu'importe. Quand on faisait appel au meilleur, il fallait parfois s'armer de patience.

Je m'installais donc en face de lui et sa réaction ne se fit pas attendre :
« Tâchez de ne plus jamais me faire attendre, mercenaire. Ou bien il se pourrait que ce soit la dernière chose que vous feriez. Et sachez que l'on se lève, en ma présence. »

Ahah qu'est ce qu'il ne fallait pas entendre. Bientôt j'allais m'excuser d'être venu au monde aussi. J'ai donc très vite décidé de lui rétorquer
« Vous avez besoin de moi. Si vous voulez du respect, montrez-en un peu ».

Un rictus et rien de plus. Il enchaina directement avec les motivations de sa présence et je le regardais dubitatif tout en réfléchissant « le gars me propose un plan foireux avec des gars sous mon aile que je ne connais pas et j'dois retenir et capturer vivant le chef… Et au besoin lui arracher la tête. Bon plus qu'à voir la bourse promise, le reste j'peux largement m'en occuper. ». Je n'attendais pas longtemps avant de voir une grosse bourse remplie de pièces d'or à l'effigie de son clan s'écraser sur la table. J'attrapais la bourse et me levais tout en lui disant :
« C'est d'accord. ».
Il me fixa lourdement et sans réfléchir j'annonçais :
« C'est d'accord, Censor »
Va savoir pourquoi j'avais dit ça, la magie qui émanait de lui, peut-être. Il avait l'air déterminé, comme je pouvais l'être quand je décidais de trancher la gorge à tous ceux qui me résistaient avant de les envoyer dans l'au-delà.

Je trouvais sans tarder un endroit non loin de la destination pour me ressourcer et me préparer. Un virtuose se devait d'être irréprochable quand il s'adonnait au seul plaisir qu'il lui restait : Les assassinats. Mes deux lames affûtées, mon équipement prêt, je m'entrainais à trancher l'air avec une grande maitrise. J'étais confiant car demain, le projet que m'avait proposé Arminas Oronar Gulr me plaisait. L'arrestation d'un Empereur et la mort de ses compagnons, ça ne m'était encore jamais arrivé. Un nouveau défi, une nouvelle gloire à ajouter au tableau de chasse ! Et puis… un nouveau refuge peut être ?
Je me posais sur un rocher pour m'étirer avant de m'endormir. La nuit fût plutôt courte car il me fallait être prêt de bon matin.

J'arrivais devant les portes du palais avec la garnison qu'Arminas Oronar Gulr m'avait confiée… Pas un seul de mes « compagnons » n'avait l'air serein. Ils respiraient tous la peur de la rébellion, comme figé dans le temps. Pauvre petits… Sûrement mal préparés.

Un homme encapuchonné, comme tous les autres en fait, m'apparut et il ne me fallut pas longtemps pour comprendre lequel était ma cible : Capuche blanche, avec les yeux blancs. Je laissais donc la garde s'occuper de son compagnon et je me lançais directement sur ma cible, ne m'assurant qu'aucun des trois autres gardes ne puisse m'approcher de près ou de loin.
Il paraissait tranquille, tout comme moi : fléau imposant à la main, mais mes fidèles doubles lames n'arrivaient pas à l'approcher. Cette fâcheuse manie de se protéger sans attaquer… J'attendais la bonne opportunité, tantôt faisant semblant d'approcher son flan, tantôt je fonçais sur lui pour qu'il s'essouffle le temps d'une estocade.
L'opportunité ne se fit pas attendre. L'homme se fatiguait, il leva son bras pour assurer un coup lourd et puissant et je profitais de ce moment pour tenter de lui trancher la gorge… C'était sans compter sur un réflexe inné qui le fit reculer d'un pas, ne me permettant que de le blesser au visage et de découper sa capuche.
Son visage m'apparaissait comme la peste : Un visage raté, meurtris, fatigué.
Dans mon élan je m'approchais de lui et son fléau me retomba sur le bras, me désarmant de ma première main. Je peinais à tenir debout lors de la frappe mais je l'avais aussi blessé… Je repris vite mes esprits et enchaina les estocades mais sans succès. Je décidais donc de reculer afin de mieux analyser l'homme et de jeter un coup d'œil en arrière pour voir l'étendue des pertes et les probabilités de finir ce combat : Un duel qui se profilait comme une défaite pour l'homme en capuche face à ce jeune de ma compagnie et l'Empereur face à moi, nullement prêt à se retirer. Je parvenais à esquiver chaque attaque qui se faisait de plus en plus brutale et rapide.
Puis arrivait le moment où le jeune homme se portait à mes côtés ; je lui glissais ma stratégie pour en finir une fois pour toute :
« Tu es vaillant petit. Tu prends son flanc droit qui est très rarement exposé et je m'occupe du reste. Tu es prêt à mourir pour la Cause des Justes, jeune homme ? »
Il hocha la tête et se lança telle une brute sur son Empereur. La massue termina dans son crâne sans qu'il puisse lever son arme. J'en profitais, d'une roulade habile, pour passer dans son dos afin de l'empaler et de mettre un terme à ce combat. Lorsque ma lame toucha sa cible comme toujours, Eziak Gulr réussit à reprendre le contrôle de son fléau et me l'écrasa dans la cage thoracique…

Je ne sentais plus mes membres ; je me voyais jonché sur le sol, ne sachant bouger. M'aurait-il lui aussi finit ? Je n'y croyais pas. Pas moi, impossible. J'avais certes envie de retrouver mes anciens compagnons mais pas si tôt, pas après tout cela…
Des bruits de pas se firent entendre dans la cour, j'eu à peine le temps de me retourner que je me retrouvais évanoui.

Je me réveillais par courts instants, juste pour m'apercevoir que j'étais alité, des hommes vêtus de soutanes blanches s'occupaient de moi.
Je fermais de nouveau les paupières et lorsque je repris conscience, je vis deux yeux rouges et rien d'autre.

A nouveau, je sombrais dans le néant et ne m'en réveillais plus jamais.