La masse sombre de l'animal se perdait presque dans les ténèbres de la nuit, cependant le craquement des branches sous ses pas lourds ne laissaient aucun doute sur la position de celui ci et du chemin qu'il empruntait. Insouciant et surtout inconscient du danger qui le guettait, l'imposante créature continuait à avancer en grognant dans la pénombre de la nuit, certainement à la recherche de nourriture elle aussi.
Tapis dans l'ombre j'attendais le moment opportun pour porter l'assaut, me délectant de la mise a mort qui attendait le plantigrade. L'adrénaline montait déjà, l'excitation était à son comble à la simple pensée de la cruauté qui allait se déchaîner sous peu, quand soudain,
la pluie se mit à tomber, et l'orage gronder. Prit de peur, l'imposant ours prit frénétiquement la fuite et entra par malheur dans mon champ d'action.
Déchirant la nuit d'un hurlement rauque et macabre, je bondissais sur ma proie refermant sauvagement ma gueule sur la gorge de la bête, l'envoyant immédiatement valser dans le décor. Elle n'eut pas le temps de pousser le moindre cri que j'arrachais avec férocité la chair et la trachée sans la moindre difficulté.
La chute de l'animal provoqua quelques vibrations au sol, le sang ruisselant de la large plaie ouverte. Mais alors que cette blessure aurait été fatale à la plupart des êtres vivants, je me surpris à voir la bête respirer, enfin que dis-je, à suffoquer avec horreur dans une marre de son propre sang, l'apogée pour moi.
Je décrivais des cercles autour de la créature agonisante, inspirant à pleine narire la fétide odeur mortelle, m'imprégnant de la souffrance ambiante. Il y avait bien longtemps que je n'avais pas pris plaisir à la chasse, quel imbécile. Tellement préoccupé par mes pensées sadiques, je ne vis pas le monstre s'éteindre, je posais alors sur lui un dernier regard dédaigneux et reprit mon chemin laissant le soin aux corbeaux et autres charognards de se délecter de sa carcasse.
Contrairement à la plupart des prédateurs je ne chassais pas que pour me nourrir mais surtout pour le plaisir et pour me parfaire à l'art de tuer, de renforcer cette idée que j'étais bien au sommet de la chaîne alimentaire. J'avais conscience que durant ma longue absence d'autres créatures en avaient profité pour tenter de me détrôner, mais je restais le super prédateur, celui que tout le monde craignait encore, celui qui n'était jamais tombé après des âges de guerres plus féroces les unes que les autres.
[...]
L'averse c'était calmée, durant ce court laps de temps j'avais abandonné péniblement ma forme de lycan, j'étais toujours capable de me métamorphoser à volonté, je n'avais pas perdu ce contrôle parfait qui faisait ma force, cependant je n'étais plus habitué à sentir un à un mes os se briser et mes muscles se déchirer. Avec les siècles j'avais même l'impression que la cicatrisation n'était plus aussi efficace que dans ma jeunesse, enfin..
J'avais enfin rallié les abords de la grande cité portuaire, depuis le plateau j'apercevais les lumières de la ville encore vivante malgré l'heure tardive, et le remous des vagues sur la plage du port. un bien apaisant spectacle.
J'aimais le contact de la brise océane glacée sur ma peau ardente à la fin d'une telle journée. Mon entraînement me demandait une énergie conséquente, et ma petite escapade nocturne, bien que savoureuse, m'avait coûté le peu qu'il me restait. Je me laissais tomber en arrière dans l'herbe fraîche et m'abandonnais peu à peu aux bras de Morphée.. Mes paupières se mirent à cligner avec plus de lourdeur à chaque fois, jusqu'à ce qu'une familière odeur sucrée ne vienne titiller mes narines.
Mes yeux se rouvrirent, aux aguets je me concentrais pour localiser la provenance des effluves, et me mis à machinalement la pister, comme envoûté. J'arrivais enfin devant une importante bâtisse éclairée par endroit en marge de la ville, malgré les siècles à fouler cette terre je n'avais jamais eu connaissance du dit lieu, et les questions commencèrent à fuser dans ma tête.
J'abandonnais vite ces interrogations, il y avait de l'activité par ici et je discernais plusieurs voix en approche de ma position, aussi je décidais de rester discret pour ce soir, je pris bien garde de me mouvoir dans l'ombre afin de ne pas être remarqué, une alerte à cette heure ci me vaudrait certainement une bonne bagarre à l'ancienne, mais elle ne vaudrait certainement pas la rencontre que je risquais de faire si mon flair ne m'avait pas trompé, et par expérience, je savais qu'il ne le faisait jamais.
L'endroit semblait déserté en amont de la vallée, c'était le moment pour moi d'escalader la longue muraille et chercher une faille, en toute discrétion il y va de soit. Je dénichais finalement une trappe mal renforcée sur le toit, sans soucis je la fis céder et me glissa à l'intérieur de l'imposante forteresse, toujours guidé par ce délicat parfum.
J'arrivais finalement devant devant la fameuse pièce qui dégageait cette succulente odeur qui avait bercé mon enfance, je fermais les yeux un instant et me remémorait ces quelques souvenirs vagues et lointains du jeune insouciant maladroit que j'étais...
Puis je crochetais enfin et avec habileté la serrure, prenant soin de ne pas faire trop de bruit afin de ne pas réveiller son occupante, enfin pas tout de suite du moins.
Une fois la porte refermée derrière moi, un léger soucis me traversa l'esprit : Je n'étais vêtu que d'un pagne grossièrement ficelé, j'étais trempé et il y avait fort à parier que l'odeur déplaisante qui se dégageait de ma peau trempée ne plaise à ma ravissante et raffinée génitrice. A peine eus-je le temps de relever la tête, que je vis à l'autre bout de la pièce, éclairée celle ci, son nez se plisser et ses paupières se contracter, comme lorsqu'un mauvais songe dérange votre sommeil.
Je restais donc patiemment dans l'ombre, les yeux luisants, observant avec admiration la seule femme de ma vie, celle qui me l'avait donné, celle qui ne m'avait jamais déçu et qui ne m'avait jamais oublié alors que je l'avais moi même abandonné en m'exilant de ce monde...
Elle finit enfin par se lever, raviva le feu presque mort de la cheminée et avec une expression de dégoût je dirais, tourna la tête dans ma direction, scrutant les ténèbres.
Dans une démarche peu habituelle, elle se mit a avancer timidement vers moi. Je la sentais craintive, et il y avait de quoi, ces lieux n'étaient pas réellement gage de protection pour ceux qui y résidaient lorsque la nuit leur imposait de rebrousser chemin à l'aventure et aux dangers. Étant moi même surnommé le destructeur de cité, j'étais le mieux placé pour savoir à quel point il était facile, avec de braves et dévoués compagnons d'armes, de réduire ce genre d'édifice en miette.
J'abandonnais ces pensées et repris mes esprits, les ombres dansantes de la pièces et autres jeux de lumière sur son corps de déesse la rendaient merveilleusement belle, et la délicieuse harmonie de sa voix étirait à présent un sourire sur mon visage. Je fis un pas en avant vers la lumière, prenant bien soin de ne pas paraître brusque afin de ne pas l'effrayer, et croisa enfin son regard pétillant.
-Bonsoir mère, j'espère que tu n'attendais personne d'autres..
Un rire délicat s'échappa de ma bouche, je passais rapidement ma main sur le coté de mon crane, feignant de me recoiffer avant de me gratter l'arrière du cou, presque gêné.
-Aurais tu quelque chose que je puisse me mettre sur le dos ?