Le feu de cheminée réchauffait la pièce de par son intense flamme. Celle-ci produisait également suffisamment de lumière pour apercevoir distinctement ce qu’il y avait à voir en ces lieux. La taverne privée de la nécropôle était chaude, intime, recluse et seuls quelques privilégiés y avaient encore accès. Mes compagnons d’armes et moi-même avions repris l’habitude de s’y réunir de nouveau plusieurs fois par semaine depuis quelques mois. La scène semblait immuable, comme figée et insensible au temps qui passe. Goldô se trouvait affalé dans son fauteuil en cuir marron, verre de Jack à la main, cigare aux lèvres. Ajira et Naji se trouvaient sur les tabourets hauts accoudés au bar derrière lequel se trouvait Dio qui servait autant de verres qu’il en consommait. Shiraï et moi-même se partagions un grand canapé d’angle sur lequel avaient défilé plus de filles de joie que de produits nettoyants. Nous avions repoussé les autres poufs, canapés et fauteuils devenus inutilisés contre le mur du fond, entassés et recouverts de poussière. Le temps passait et peu à peu nous tombions dans une routine léthargique. Nos chasses se faisaient rares et principalement en solitaire. Cela ne pouvait plus durer et nous en prenions tous conscience petit à petit.

Vint une soirée comme les autres, semblable en tout point à toutes celles que nous passions ensemble à boire, rire et manger. Cette soirée fut marquée par l’intervention surprenante de Naji, plus habitué à faire des blagues grivoises qu’à s’exprimer sérieusement. Nous ne saurons jamais s’il avait réfléchi son discours avant de le prononcer ou si le whisky ingurgité à l’excès avait permis d’activer en lui quelques connexions neuronales mais il nous demanda de l’écouter et prit la parole.


"Mes amis, mes frères, cela ne peut plus continuer ainsi. Nous n’inspirons plus la même peur qu’autrefois. Nous ne nous amusons plus autant qu’autrefois. Nous ne volons plus autant qu’autrefois. Nous ne tuons plus autant qu’autrefois. Il faut que cela cesse et que nous recommencions à montrer aux yeux de tous qui nous sommes réellement. Nous ne sommes plus très nombreux, il est vrai, mais notre puissance collective n’est plus à démontrer. Et puis … Que diriez-vous que quelqu’un que vous connaissez bien se joigne à la partie ?"

Nos regards étaient fixés sur Naji qui avait réussi à attirer toute notre attention. Nos visages béats et le haussement simultané de nos sourcils lui firent comprendre que nous ne percutions pas à qui il pensait. Il devança alors notre question en reprenant la parole de son air le plus suffisant.

"Et si Ankavôs reprenait forme humaine pour se joindre à nous ?!"

L’annonce fit l’effet d’une bombe et sembla arrêter le temps l’espace d’un instant, tout le monde resta figé. Goldô manqua de s’étoquer avec sa fumée de cigare alors que Dio recracha au sol la gorgée qu’il était en train d’avaler. Je fus le premier à prendre la parole pour insulter ce niais de Naji.

"Timbré de fou, va falloir que t’arrêtes de boire toi j’te le dis, moi qui croyais que t’allais nous ramener Myky ou même Aaly pour qu’elle se "joigne à la partie" comme tu dis !"

La totalité des hommes présents dans la pièce se mirent à rire à grands éclats alors que Naji devint écarlate de colère.

"Vous n’en avez pas marre de n’pas être sérieux ? Suivez moi au lieu de glousser comme des pouffes."

Naji sortit de la taverne et se dirigea au travers des couloirs alors que nous le suivions tous en nous demandant ce qu’il tenait tant à nous montrer. Les couloirs de la nécropôle étaient déserts, la plupart des chambres devant lesquelles nous passions n’étaient plus occupées. Les plus belles chambres étant situées à l’étage, nous avions laissé libres celles-ci pour nos invités ou pour ceux qui étaient trop saouls pour monter les marches jusqu’à la leur ! Il s’arrêta devant la chambre de la métamorphose et y pénétra. Nous le suivons en fermant la porte derrière nous. C’est ici que les nouveaux serviteurs doivent prêter serment devant notre Dieu, Ankavôs avant d’être accepté au sein du Convoi. Je n’avais plus mis les pieds dans cette pièce depuis plus de six ans maintenant et pourtant je me souvenais parfaitement de son intérieur. Ce n’était pas compliqué me direz-vous, une pièce circulaire, noire, entièrement vide hormis une statue se dressant au centre de l’espace. Cette statue représentait notre Maître de son vivant, dressé sur son cheval noir, vêtu d’une longue cape, chapeau imposant posé sur le crâne et armé de sa longue faux. Au pied de la statue était posée une plaque gravée laquelle nous n’avions jamais rien compris et écrit en dialecte inconnu. Une nouvelle fois, Naji n’attendit pas nos interrogations pour nous expliquer dans quelle idée farfelue il s’était encore empêtré.

"Nous y sommes, je suppose que vous vous souvenez tous de cet endroit, nous y sommes tous passé un jour ou l’autre. Récemment j’ai fait la connaissance de Kissy Frot, cette folle dingue d’aventures et de civilisations anciennes. Elle a réussi à traduire d’anciennes stèles ces dernières semaines et j’ai donc pris contact avec elle avec une idée derrière la tête, traduire ce qui est gravé ici, aux pieds de notre Dieu. Je l’ai fait venir ici, ne m’en voulez pas de ne pas vous en avoir informé, je savais que c’était interdit et avait peur que vous me preniez pour un fou si elle ne trouvait rien. Et figurez vous que mon intuition était la bonne, sachez que ce message."

Il montra la plaque du doigt alors que tout le monde se pencha en avant pour lire ce qui était gravé dessus : "Uw gp ditjvzba c zvms kg arngiis p'zgb sir e'octov msrqwao zi vcgvzqvs qzg xgffjbvgg qzqirwgzsa roe ho ncik. Xstc jbprzc stvzmosao rqts dps uqb nhs i tshngq c ghmjqxfr xcuos wz z'ixovn dzgjh zh yws w'vizcw eziauw n os zczydsz c an xocus ro hm ecaqoqpqez rm uivqfm osf drmcik. Vjqfs qz dwwjbdf ww hbph akacgsugbg xizkshs, gievr li'qn sfo dwugvwzm fs zz tikfr msdgbvm o tc jvz. Dwwf pzzi kz gz tiwrev fmodydf uc Ynmfqiirg rmu qujgmu ehd cvv zr kzcu qbocgg an qwm : Fi fvbo, fsf vamu, rrn fmnwdpsa, fsf govvseisa. Ls pjaxvs fpf bqw, Niyixcf"

"Signifie en réalité ceci."

Il sortit un parchemin de sa poche, celui-ci portait le sceau de Kissy. Il le donna à Goldô qui le déroula de sorte que tout le monde puisse le lire.

"Si tu parviens à lire ce message c'est que j'aurai rejoint la totalité des personnes décapitées par ma faux. Cela voudra également dire que mon âme a réussi à survivre comme je l'avais prévu et que j'aurai réussi à te rallier à ma cause et te convaincre de suivre mes idéaux.

Avide de pouvoir ou tout simplement curieux, sache qu'il est possible de me faire revenir à la vie. Pour cela il te faudra remplir ma Karriguel des choses qui ont le plus côtoyé ma vie : Du sang, des âmes, des reliques, des lanternes.

Je compte sur toi, Ankavôs."

Mes compagnons et moi-même ne savions pas comment réagir et restions bouches bées. Je décidai alors de briser la glace et de leur exposer l’idée qui venait d’apparaitre dans mon esprit.


"Je pense que la question ne se pose pas, Ankavôs a toujours su nous guider de par son esprit, vous imaginez comme il devait être puissant de son vivant ? Je pense qu’il aura un tas de choses à nous apprendre et nous permettra un peu plus d’asseoir notre puissance sur ces terres. D’ici sept lunes, cela fera exactement huit années que Goldô a découvert notre nécropôle et rencontré l’esprit de notre Maître. Et si nous le ramenions à la vie pour cette occasion ? Ce serait un sublime hommage."

Les rictus d’impatience présents sur les visages de mes compagnons trahissaient leur empressement et leur approbation à propos de ma proposition.

"J’y pense, pour réunir autant de sang, d’âmes et de babioles en si peu de temps, pourquoi ne nous pas nous servir des habitants de ces terres ? Entre les sots, qui nous aideraient pour pouvoir se mesurer à notre Dieu en pensant pouvoir le battre. Les couards, qui nous aideraient en échange de la promesse de les épargner. Ou bien encore les cupides, qui nous aideraient en échange de quelques une de nos fioles. Le tout serait bien vite réuni !"

Les sourires s’élargissaient encore un peu plus, tous étaient pressés de pouvoir se dérouiller et pouvoir ressusciter notre Maître. Goldô intervint enfin, il était le chef éternel du Convoi même si d’autres avaient également eu ce rôle au fil des années.

"Bien, Naji, je suis fier de toi et désolé d’avoir douté de ta parole dans la taverne. Quant à toi Tim’, ton idée est extrêmement ingénieuse, nous ressusciterons Ankavôs sans nous donner le moindre mal et en tuant quelques pleutres, je sens que nous allons passer une semaine merveilleuse. C’en est assez pour ce soir, allons nous coucher. Demain je remettrai la Karriguel d’aplomb avec Ajira. Naji, Dio, préparez nos meilleures boissons et nos meilleurs breuvages je pense que nous allons en avoir bien besoin cette semaine. Tim’, Shiraï, occupez-vous de mettre au courant la populace que la Karriguel et les HôSTiLe vont reprendre du service et qu’elle a besoin de bras. Passez bien le message que quiconque se mettra en travers de son passage se verra décapiter sur le champ de nos propres mains, ou de ceux qui se rallieront à notre cause. Mes amis, au lit !"

[…]

Le lendemain, chacun s’occupa de réaliser la tâche qui lui était assignée par le chef. La nouvelle se répandait comme une trainée de poudre. En moins d’une matinée la terreur, la curiosité et l’attente emplissaient le climat des terres d’argent.

La Karriguel et ses serviteurs se mirent en marche, c’était le premier jour d’une semaine de traques et de pillages. La première escale eut lieu au port de Baduk, les habitants avaient répondu à notre appel en masse. Nous nous retrouvions vite avec une dizaine de personnes, hommes, femmes, enfants, guerriers, mages, voleurs qui se rallièrent à notre cause. Les quelques fous qui s’opposaient à nous tombaient très rapidement au sol sous nos assauts. Le port habituellement paisible n’avait plus connu tel effluve de sang depuis des années. La devise HôSTiLe prenait ici tout son sens : « La mort, le jugement, l'enfer froid, quand l'homme y songe, il doit trembler ...»

Les jours passèrent, les âmes des opposants s’amassaient dans la Karriguel, membres de la Dark-Alliance, des Arachnea, des Ad Vitam Aeternam, des Ombraes ou même de sombres fous, tous avaient trouvé le repos éternel sous nos lames. Mes frères d’armes et moi-même faisions partie des plus efficaces en matière d’assassinats, j’ôtai la vie à une bonne cinquantaine de manants et opposants durant la semaine. Helba, Gwenaelle, Tycman, Egamel, et j’en passe tombèrent tous après m’avoir provoqué en duel.

Les jours et soirs se suivaient et se ressemblaient, de ville en ville nous étions accompagnés de sympathisants de plus en plus nombreux.


[…]

Le jour J est enfin arrivé, aujourd’hui, jour le plus important de l’histoire HôSTiLe. Cela fait maintenant six années que je sers fièrement Ankavôs et bataille aux côtés de mes frères. Des liens forts se sont créés entre eux et moi, au point de les considérer comme ma seule et unique famille. Je n’avais encore jamais connu autant d’excitation qu’en ce moment précis, un mélange d’empressement, d’angoisse, d’hésitation, de peur, tout simplement. A l’heure de vivre ce moment intense, je pense à ces personnes sans qui je n’en serai pas là. Et sans qui la famille HôSTiLe ne représenterait pas non plus ce qu’elle représente à l’heure actuelle. Albi, Alésiô, Alkantar, Bibine, Démonia, Hélios, Ike, Kratôs, MelziÖ, Mølgard, Psy, Sahar, Shalkô, Virgô, Zelgadis. Mes amis, si vous saviez comme vous me manquez, j’espère que vous passez de bons moments ensemble là où vous êtes ! Je me perdais dans mes pensées, le bruit de la foule présente devant la nécropôle me sortit de ma torpeur. J’étais assis, seul, dans la chambre de la métamorphose devant la statue d’Ankavôs. Je saisis mon épée que j’avais poseé au sol, la rangea dans son fourreau et me dressa, droit et fier devant mon Maître.

"Ankavôs, vous êtes l’homme qui a permis à la famille HôSTiLe de voir le jour. Vous êtes celui qui nous a inculqué nos idéaux et notre philosophie. Nous avons toujours tué et volé en votre nom. Ce soir, sachez que je vous serai fidèle et que ma lame sera votre jusqu’à ma mort."

Après avoir placé toute la fierté dont j’étais capable dans ces mots, je tournai sur moi-même et sortis de la pièce afin de rejoindre mes compagnons d’armes devant la nécropôle, en l’honneur d’Ankavôs, en l’honneur de mes frères disparus, en l’honneur des HôSTiLe.

HRP : Voici l'écrit m'ayant permis de remporter le concours RP de notre animation. Je tenais à remercier la totalité des participants ainsi que l'équipe d'animation pour la bonne tenue de celle-ci. Je tenais également à remercier tous les membres de mon clan, passés et présents, pour tous les plaisirs qu'ils m'ont apportés au travers de ces pixels bleus. J'vous kiff les plôws ! <3