Après la découverte du tumulus s'ensuivirent des énigmes toujours plus compliquées au fur et à mesure que nous progressions dans la quête de Kissy Frot. Qanah n'était peut-être pas à l'aise avec mon attitude et mes desseins, mais elle excellait dans la résolution des problèmes que nous rencontrions. Sans elle, je n'aurais pu suivre l'archéologue jusqu'ici. Mais l'aventure de cette dernière, sans que je le sache, me menait droit vers un cauchemar. Après la découverte de l'artefact magique que protégeait le cryptex, quelle ne fut pas notre surprise lorsque Kissy nous ordonna de nous rendre au plus vite sur le lieu de l'ancienne église qui trônait sur Baduk – je suivais une femme et cette dernière m'entraînait directement dans un lieu que je fuyais à tout prix. Quelle ironie. Elle hurla, même, afin que les aventuriers qui l'accompagnaient s'y précipitent aussi vite que possible pour éviter un désastre certain venu d'un autre monde. Alors que la troupe se mit en route, je restai immobile. Les ombres qui s'approchaient à toute allure m'importaient peu. Je ne pouvais décemment pas continuer. Mais Qanah jugea bon de me presser; il ne fallait pas rester ici sans quoi nous allions certainement mourir. Je grognai mon désaccord, puis lui fis confiance une fois de plus et me dépêchai de suivre le reste de la horde, l'esprit brouillé.

Fuir des démons pour se jeter à corps perdu dans les bras d'un autre.

C'était une guerre sans merci qui faisait rage sur Baduk. Les combats avaient commencé et je pouvais voir, au loin, un nuage de poussière s'élever et virevolter dans l'air au gré des coups de vent. Plus je me rapprochais, plus les cris et le bruit de la bataille s'intensifiaient. Je ne sus que craindre le plus : les démons réveillés, les Hommes, ou mon passé. À quoi bon continuer ? Notre sort ne dépendait pas de moi, seulement, mon inaction m'éloignait un peu plus de mon objectif. Qanah aurait voulu me retenir cette fois-ci, mais ne le put. J'attrapai le pommeau de mon arme et la défouraillai, alors que j'étais loin d'être un combattant émérite. Il fallait que j'avance et que je rattrape Kissy. Dans le tumulte du carnage ambiant, je cherchai quoi frapper sans vraiment comprendre d'où venaient les coups que je recevais ni ceux que je réussissais miraculeusement à esquiver. Dans la cohue, je ne reconnus aucun démon; finalement seule la folie des Hommes était une menace pour moi. Qanah fut soudainement prise de panique et se pétrifia lorsqu'une énorme déflagration nous éjecta plusieurs mètres en arrière. Le choc de l'onde et l'atterrissage furent plutôt rudes, ainsi Qanah mit quelques minutes avant de reprendre ses esprits, pendant que je restais inanimé. Nous fûmes recouverts d'escarbilles, de cendre et de cailloux. De plus grosses pierres nous contusionnèrent légèrement. Le temps qu'un épais nuage de poussière se dissipe, et Qanah aperçut un champ de ruines en lieu et place de l'église. Le brouhaha des combats avait cessé en même temps que l'explosion du bâtiment. Elle n'entendait plus que le gémissement des blessés et la voix de Kissy qui avait survécu. Sale et épuisée, Qanah l'observait marcher dans les gravats à la recherche d'un trésor quelconque. Elle se retourna.


Mieren ! Mieren !!

Je ne répondis pas.

Je me réveillai au refuge de la forêt. Un mal de tête énorme ralentit ma récupération. Ma chambre était silencieuse et calme, un rai de lumière à travers la fenêtre laissait transparaître la poussière qui flottait dans la pièce. Un verre vide trônait sur la petite table de chevet, à côté de moi. À l'odeur, je pus deviner qu'il contenait mon habituel lait au miel. J'avais dû le boire sans m'en rendre compte, à moins que ça ne soit Qanah. Je trouvai également un petit paquet ficelé accompagné d'une enveloppe. Je l'ouvris, dépliai la lettre et jetai un œil rapide en bas du papier. Il était signé par Qanah.


Kissy s'en est allée, voici tout ce que j'ai pu récupérer. En espérant que cela puisse t'aider. L'église de Baduk n'est plus, réfléchis-y, peut-être est-ce un signe.

Je déposai le mot et entrepris le dénouement du colis. Une chaîne apparut, et alors que je tirai dessus pour la sortir entièrement, je découvris un médaillon. La fatigue que j'avais accumulée m'empêcha de comprendre son motif et les inscriptions qu'il révélait, mais je savais à qui il appartenait. Je pris soin de le déposer délicatement sur la note.

Merci, Qanah... fis-je épuisé avant de m'allonger à nouveau.

... de rien.