Les battements de mon cœur résonnaient dans mon crâne à toute vitesse. J’avais même l’impression que mon cerveau cherchait à s’extirper de celui-ci tout comme mon cœur de mon thorax. Les milliers de grains de sables dans les quels je me tordais de douleur s’accrochaient à ma peau bouillante et dégoulinante de sueur. Tout mon être me démangeait, mais le pire restait ma tête. Je m’arrachais presque la peau, c’était comme si un parasite était là juste en dessous de l’épiderme, je forçais encore et encore mais il était inatteignable, impossible de m’en défaire. Les hurlements de douleur qui s’échappaient de ma bouche étaient plutôt lourds à supporter même pour mes propres tympans. Un court instant, une demi-seconde pendant laquelle la douleur était moins forte je me surpris même à penser que ces cris d’horreurs étaient plus terrifiants encore que mes grognements de lycan. A peine eussè-je le temps d’y réfléchir que les sifflements et les bourdonnements incessants reprirent de plus belle.
Durant mon interminable exil je développais fréquemment des crises passagères dû à une maladie de l’esprit qui jusqu’alors m’avait été incurable, du moins le seul remède susceptible de me soigner n’était pas à ma portée, mais j’arrivais à maîtriser la souffrance tant bien que mal. Hors cette fois je ne contrôlais plus rien, je me tortillais, je me débattais, j’étais horrifié. La haine m’avait mené à la peur, la peur d’être devenu un lâche et un couard incapable de réagir et de laver son honneur. La culpabilité me dévorait de part en part, leurs satanés sarcasmes résonnaient en boucle dans ma tête, ricochant à chaque coin de mon crâne et amplifiant la douleur à chaque instant. Foutues araignées, elles ne me laisseraient donc jamais en paix.
La douleur finit par atteindre un pic, le point de non retour comme pourraient le comprend certains. Je n’en pouvais plus j’étais dépasser par les évènements je n’étais plus le maître. Mon corps opérait la métamorphose, mais c’est comme si du poison l’empêchait de fonctionner correctement. Mes os se brisaient, ma mâchoire se déformait puis revenait en place, du sang s’écoulait de mes yeux j’avais presque l’impression que mes pupilles elles même coulaient sur mon visage. Je fus pris de spasme, mes muscles tressaillaient, se contractaient puis relâchaient ! Ils me brulaient de part en part, je les sentais se déchirer avant de guérir et déchirer de nouveau. La lycanthropie me sauvait la vie d’un coté, mais d’un autre contribuait activement à ma souffrance, m’empêchant de mourir et de connaître le repos.
Cependant je sentais que mon heure était proche, ma condition avait ses limites et je n’en avais jamais été aussi proche. Il n’y avait personne pour me sauver, je vivais reclus et aucun être sur terre n’était au courant ou n’avait eu vent d’informations quant à ma localisation. C’était un des bons cotés des territoires inconnus, si peu explorés il était difficile d’établir une cartographie précise des régions et des nombreuses richesses qu’elles avaient à offrir. J’attendais patiemment dans la souffrance, je perdais peu à peu mes sens. J’étais frigorifié en plein soleil, ma peau brulée ne dégageait plus aucune odeur, tout devenait flou autour de moi, les grains de sables ne m’irritaient plus, je ne parvenais plus à bouger et finalement, la douleur commençait à s’estomper.
L’ombre de la mort se rapprochait peu à peu de moi, prête à m’envelopper et me faire traverser la voie entre le monde des vivants et celui des morts… Ca y est, j’y étais ! Je ne sentais plus qu’elle, la délivrance, la fin d’une longue et pénible existence. Le visage de ma chère et tendre Lucy m’apparut alors, je voyais à peine mais j’avais le sentiment qu’elle me caressait le visage. J’aurais tant aimé lui prendre la main une dernière fois et lui dire à quel point je l’aimais, une chose que je n’avais jamais faite malgré toutes ces années passées ensemble. Elle était mon équilibre, la paix dans ma vie de guerrier… Et qu’avais-je fait ? J’avais tout gâché.
Ma dernière heure était venue, mon salut, enfin… Une dernière pensée me vint à l’esprit, les visages des plus grands combattants avec qui j’avais eu l’honneur de croiser le fer. Alliés ou ennemis qu’importe ils faisaient tous partis de ma légende. J’avais envie de sourire, je ne sais pas vraiment si mon corps réagirait encore à ma volonté mais j’en avais envie, j’étais presque heureux, du moins je le pensais.
[...]