Je savais où le trouver. Il n’aimait pas être dérangé quand il prenait ce petit temps, rien que pour lui. Mais il me passait tout, et il me passerait cette offense. Régulièrement, il s’isolait, je n’avais jamais trop su pourquoi. Les mois passants, je l’avais observé, et je l’avais suivi. Maintenant, je savais.
J’approchais de l’eau presque glacée, regardant le sol, pudiquement. Prenant sa tunique, je glissais silencieusement dans le lac et lui lançait l’étoffe.
Tu peux te couvrir, s’il te plait ? Je voudrais qu’on discute.
Malgré ses plaisanteries grivoises régulières, je savais qu’on pouvait avoir une conversation sérieuse, et il s’exécuta, sans même s’ombrager de mon ton peu avenant. Je retournais m’asseoir sur la berge. Je sentais le froid sur mes pieds. Il s’approcha de moi, le tissu rapidement passé autour de la taille. Il semblait intrigué par ce qui m’amenait.
Je ne comprendrais jamais pourquoi tu viens là. Au début, je pensais que c’était pour évacuer la pression, la violence de longues journées de combat, la hargne que tu reçois de victimes rageuses d’avoir cédées sous tes coups. Et puis je me suis imaginé que tu n’étais pas le gros bourrin que tu laissais paraître, et que tu aimais prendre soin de toi. Que tu te plaisais à prendre de longs bains de minuit, pour laisser l’eau froide raffermir ta peau.
Je lui souriais et me relevais. Je marchais dans l’eau, sentant le froid s’immiscer dans mon corps. Les places étaient inversées. Il était sur la berge, me regardant, surement se demandant pourquoi je l’interrompais ainsi dans ses ablutions. J’avançais plus profondément, le niveau m’arrivant maintenant à mi-cuisses. Je me retournais vers lui.
Mais revenons aux choses sérieuses. Tu me connais, depuis maintenant bien longtemps. Tu as invité Dio à partager cette grande aventure des Memor. J’ai suivi, tout naturellement, comme faisant partie des bagages. Tu avais pris un package, sans même t’en rendre compte. Et le temps a passé. Maintenant, Dio est moins présent, et je dois faire mes preuves par moi-même.
Je réprimais un frisson. Le froid m’agressait plus violemment que je ne le pensais. Vaincue par cette eau sans même qu’il n’y ait eu de combat, je remontais la rive pour rejoindre Shiraï. Je m’assis à coté de lui, tentant de lui voler sa chaleur.
Mais je ne suis pas douée à grand-chose. Qu’est ce que j’apporte aux Cor Valeo ? Ma fidélité, sans faille et indéfectible. Mon bagout, qui peut être aussi incisif qu’une arme, lorsque je suis bien lunée. Ma force de frappe ? Mieux vaut ne pas trop compter dessus. Une seule de tes attaques assure la puissance d’une dizaine des miennes.
Mais je suis là. Alors, si tu as besoin, n’hésite pas !
Je tournais mon visage vers lui et esquissais un sourire.
Dis, t’aurais pas une serviette pour me sécher ? Il faut être maso pour aimer passer du temps ici…