- Chapitre 1** : De retour des Limbes -

Les plaines de Baduk, le vent contre mon visage, les enfants qui courent dans les champs. L'air humide, non loin de la cascade des dragons puis, soudain, une goutte plus froide que les autres, ma vision se trouble. Le paysage devient blanc, moins dégagé, la neige tombe et entoure progressivement mes pieds. La toundra de Dusso. Son sourire ... Mais maintenant mes yeux me font mal. J'ai encore bougé, le sable à remplacé la neige, il s'enlise déjà dans mes bottes, le soleil me brûle la rétine. Satané désert de Sato, terre bénie et maudite. Que de chasses furent données ici, mais combien de fois le climat m'aura-t-il fait pester... Je dois sans doute rêver.

...

Un battement lourd, profond et seul dans le noir. Un long silence et ensuite un autre battement, suivit d'un autre et encore d'un autre. Chaque battement suivant son prédécesseur de plus près. Des paupières qui s'ouvrent, hésitantes, sur un noir complet. Il fait toujours aussi noir, mais quelque chose a changé, comme si j'étais enfermé, comme si ... Je ne sais pas vraiment. J'ai l'impression d'avoir rêvé jusque là mais je ne me souviens de rien. J'ai encore l'impression de rêver. Enfin non. Tout ceci me semble plus réel qu'à l'instant.

Un éclair. Une douleur me prend aux tréfonds de mon crâne. Des images défilent, des visages que je n'ai pas le temps de reconnaître, des croisements de fers dont je n'ai aucun souvenir. Une épée, longue et brillante, qui s'approche bien trop vite de mon visage et ...

Mes poings se crispent, mes épaules s'écartent, prennent leur place, je m'étends mais cette impression d'être cloîtré se confirme. Je suis dans une boite. Le couvercle vole en éclats. La lumière envahi mon champ de vision et m'éblouit pour quelques minutes, ceci dans une douleur bien plus prononcée. C'était définitivement des rêves. Je passe un long moment à me masser les yeux aux travers de mes paupières, je me redresse progressivement dans ce qui semble être un cercueil. Alors que je me masse les yeux et leur contour, mes doigts effleurent une légère crevasse près de mon œil gauche et finissent par suivre son tracé qui découpe purement mon visage en deux parties, tel un équateur incliné. Je regarde autour de moi, je connais ce lieu, je connais cette cave, je suis dans les sous sols de la Morgue. Je sors du cercueil sans prendre le temps d'y faire attention, le bois craque de ci de là et fini par lâcher. Qui a bien pu me mettre ici, qui m'a cru mort et qui a bien pu me faire passer pour mort. Mes pas se dérobent quelques instants sur le sol mais je ne tombe pas, je retrouve promptement mon équilibre. J'observe la pièce, j'inspecte les murs, le sol, je fais le tour de mon cercueil en quête d'une épitaphe, mais rien, je me retrouve seulement en face d'une plaque de métal non gravée. Il n'y a rien à trouver ici.

Je pousse la porte du fond de cette crypte, j'arpente lentement les couloirs du sous-sol, j'ouvre une à une toutes les portes à la volée pour ne rien trouver de plus que dans la première pièce. Je finis par monter les escaliers qui mènent au rez-de-chaussée pour me retrouver dans le grand salon. Quelques souvenirs me reviennent à l'esprit, de longues soirées passées au coin du feu, même si je n'étais pas de ceux qui résidaient vraiment à la Morgue.

J'avance et prends place dans un des fauteuils, maintenant couverts de poussière, placés en arc de cercle autour du foyer. C'est au moment où mon séant se posa sur le cuir que le creux de la cheminée laissa s'échapper un craquement. Je relève la tête, tendu et aux aguets, tournant la tête de droite à gauche et de gauche à droite frénétiquement. Une légère brise passa dans la pièce et la poussière sur le sol s'anima peu à peu pour faire place à une silhouette discrète à quelques coudées de moi.


" Howl ? "

" Pas vraiment ... un simple écho, un sort prévu pour ton réveil. Prends ton épée, et tu comprendra. "

Il indiqua l'âtre dans lequel le feu avait repris sans faire de bruit et au cœur des flammes, une épée. Une longue épée à la poignée noire mais pas totalement opaque et cette lame, rouge comme le sang qu'elle avait pu faire couler. Mon épée. Sans hésiter, je plonge ma main dans le feu et agrippe fermement le pommeau.

De nouvelles images s'imposent à mon esprit, le visage de Howl, des combats accélérés et puis une voix, celle de Howl, toujours. Il m'expliqua qu'il savait que je n'étais pas vraiment mort, pas définitivement en tout cas. Que ce n'était pas la première fois après tout. Mon épée trancha plusieurs têtes, imposa sa présence à maintes cages thoraciques et croisa le fer avec une épée blanche, impeccable, comme si elle n'avait jamais servie. A croire qu'elle n'était là que pour moi, que son porteur était venu pour m'affronter, moi et personne d'autre. Quelques coups et parades furent échangés, il prenait lentement le dessus jusqu'au moment où mon épée vola de mes mains et que la sienne vint trancher mon visage de bas en haut. Les souvenirs se troublèrent un instant et je vis alors par les yeux de Howl, mon corps tomba lourdement sur le sol et l'instant d'après Il était en face de mon assassin, mon épée dans la main, rattrapée au vol. La lame de mon épée pulsait, semblait devenir de plus en plus rouge pour ensuite devenir incandescente et s'enfonça dans le torse de celui qui m'avait mis au tapis. Son armure se mit à fondre, sa peau à se noircir et finir par prendre feu. Howl ne fit aucun mouvement jusqu'à ce que son adversaire ne soit plus qu'un amas de métal et de chair fondue sur le sol. Il empoigna mon corps et se téléporta dans les sous sols de la Morgue.

Les images s'arrêtaient là, à quand remontaient-elles, des années surement, pourquoi m'étais-je retrouvé sur ce champ de bataille et qu'étaient devenu ...


" Où sont ma fille et Yürèc ? "

" Elle est entrée dans le sommeil des vampires, persuadée de ta mort, elle n'avait plus la force ... il l'a suivie peu de temps après. J'ai perdu leur trace, ils ne sont pas resté ici pour prendre place dans un de leurs cercueils. Et pour devancer une possible question, j'ai changé de plan, je ne suis plus sur les terres argentées pour le moment. "

Et bien, en résumé, je suis seul. Je me relève de ce fauteuil et constate que je suis dans un linceul attaché ça et là, je reconnais bien là le Howl persuadé de mon retour. Il avait pas tord, pour finir.

Je prends encore le temps de revisiter les lieux, vides depuis quelques années sans doute. Je retrouve les anciens appartements qui me servaient lors de mes quelques visites ainsi que ceux de mes deux compères vampires. Au fond de mon antre d'emprunt, une unique armoire. Je l'ouvre et contemple un instant son contenu pour ensuite me tourner vers la glace fixée au mur. Mes cheveux sont devenus d'un blanc presque immaculé, seul ça et là reste quelques mèches grises. Il semblerait que mon coma ait laissé le temps me rattraper. Je constate aussi l'ampleur de cette cicatrice et repasse mes doigts dessus, les os furent brisés en leur temps. Je remet lentement mes habits sombres et cette longue veste en cuir qui avait, à la longue, remplacée le légendaire costard. J'observe mes mains, mes bras, referme plusieurs fois mes poings ... intense moment de réflexion. Je reprends mon épée à pleines mains et après l'avoir inspectée quelques minutes, je la range enfin dans son fourreau. Je rebrousse chemin jusqu'au salon et laisse mes pas me porter jusqu'à la grande entrée.

Je sors dans la nuit, d'un pas lent mais décidé. Alkantar est de retour sur ces Terres.