-Serais tu si désireux de perdre la vie !? Comment oses-tu parler en notre nom! C'est ce que nous sommes, et c'est un honneur pour nous tous de vivre ainsi de guerre et de gloire !
Je reconnaissais là le tempérament de mon frère d'arme, directe, agressif ! Reakhon tenta bien que mal d'apaiser l'assemblée une nouvelle fois, bien qu'il savait pertinemment qu'il ne faisait pas le poids face à Sharok.
-Sharok, calme toi par tous les saints je t'en prie, nous devont l'amener au Roi, son père.
Respectueux des traditions il s'arrêta net, mais la flamme qui brulait dans ses yeux ne s'estompait pas. Acculé, Shruikahn attendait son destin.
-Qu'avons-nous tous à voir là-dedans? C'est ta propre inconscience qui t'a amené à perdre les grâces du dieu loup et ta patrie, as-tu conscience de tes actes? Croyais tu réellement que nous aurions ployé le genou face à un quelconque adversaire ?
Une fois de plus, Reakhon cherchait des réponses et avait posé le doigt au coeur du problème. Sa capacité de réflexion et son sens aigu pour la stratégie l'avait hissé tout en haut de la hiérarche martiale de notre armée, hors élite bien sûr, mais parfois nous le trouvions encore trop tendre, nous autre Lycans
-Mais par amour, par amour de ma terre... Des terres désormais promises aux Akkadiens !
[...]
Le calme qui régnait se faisait pesant, aucun d'entre nous ne brisait la tranquillité macabre qui s'était installée suite au froid lancé par Shruikahn. Des coulées de sueurs froides s'échappaient du front du sorcier, qui se mit enfin à desserrer les dents.
-Vous n'êtes qu'une bande de malandrins sans scrupules, pilleurs saccageurs sans la moindre once d'humanité, la mort ne serait que sentence trop douce pour des êtres comme vous...!
La stupéfaction avait chassée toutes les autres émotions de nos esprits, seul Reakhon restait de marbre. Le regard sévère, il fixait Arahk avec une animosité plutôt prononcée.
-Une nouvelle fois, tu as déshonoré notre ordre. Au moins cette fois, tu ne t'es pas enfuis comme un misérable.
Le craquement de ses phalanges en disait long sur son état d'esprit actuel, hors, ce fut bien le seul son qui émanait de lui à cet instant. Reakhon venait de réveiller en nous une vieille cicatrice douloureuse. Par le passé, Arahk avait failli, laissant notre peuple à son sort plutôt que de se battre pour lui. Même si nous lui en voulions, il faisait de l'une des 4 familles originelle, et de par cela bénéficia de la grâce du haut roi, mon père, de ce fait nous le pardonnâmes également, sans oublier.
-Une nouvelle fois, tu as mené le Khuladrium aux portes de l'échec. Te laisser les rennes de l'avant-garde est décidément la pire des bêtises que nous ayons pu commettre. A cet instant, je ne comprends toujours pas comment le haut roi a pu faire de toi et ta maison protecteurs du royaume.
Ses paroles étaient dures, Sharok chercha à s'interposer mais je l'en empêchais. Je comprenais la réaction de mon frère d'arme. Bien qu'il partage le sentiment de Reakhon, il devait être révolté qu'il ait pu parler ainsi de notre Haut Roi.
-Arrêtes de te voiler la face Sharok. Nous savons tous ici que cela est vrai. Une fois de plus, Arahk nous a déshonorés.
Il s'exprimait avec une aisance déconcertante, et le ton accusateur associé à son éloquence nous hypnotisait littéralement. Toute ses paroles étaient si frappantes... Il ne cherchait jamais à tourner autour du pot, très directe, parfois même blessant. C'était très certainement pour cette raison qu'il menait les armées de main de maitre. Je me rappelais de lui lorsqu'il me commandait, cette ère fut la plus prospère de notre règne sur les terres argentées. A l'époque, Arahk nous avait abandonné, et c'est lui qui nous mena à la victoire. Alors que tous nous croyaient perdus, nous repartîmes seulement de plus belle, terrorisant chaque être doté d'intelligence, exterminant une à une toute race, toute once de misérable vie nous barrant la route. La nostalgie me prit, ce sentiment qui n'apparait que lorsque le présent n'est pas à la hauteur du passé. Je m'étonnais moi-même de ressentir quelque chose, de mon vivant je n'avais que rarement ressenti une parcelle d'émotion. La voix de mon frère me ramena à la réalité.
-Tu n'es plus en odeur de sainteté, aussi une fois que cette histoire sera finie, nous t'exilerons. Pas de stèle, pas de mémoire… Il ne restera de toi que tes cendres, et les ragots de fermiers que conteront les paysans sur ta lâcheté. Tu n'es plus rien Arahk, plus en notre sein.
Aucun ne prit la parole, pas même moi qui approuvait pleinement ce jugement. J'aperçus une larme couler sur les joues du guerrier déchu, qui finit tout de même par prendre la parole.
-Tant de méprise à mon égard. Tant de haine, tant d'interrogations... Vous savez, je n'ai jamais souhaité cela, certes j'ai fuis mes responsabilités à divers moments, certes je vous ai déçus, certes je ne mérite plus ma place, pas seulement dans notre horde, mais également dans vos coeurs. Des raisons, je n'en ai pas et je pense que je n'en ai pas besoin. Je ne souhaite pas me défendre, je n'ai aucune excuse. Je n'ai à ce moment que deux choses à l'esprit. D'une part me lamenter d'avoir été si faible et d'avoir détruit une si puissante entité, un si puissant lien, et d'autres par réparer le mal que j'ai pu faire, que j'ai pu Vous faire. Mon échec n'a d'égal que ma tristesse en ces temps sombres. Je ne cherche point à redorer mon blason à vos yeux, mais à me racheter vis-à-vis de mes erreurs, et je payerais mes écarts de ma vie et de mon âme pour ne pas mourir comme un lâche à vos yeux, vous mes frères que j'aime tant, en dépit de ce que vous pouvez penser. Je porterais ce lourd fardeau à jamais.
La sincérité avec laquelle il s'était adressé à nous nous avait tous, à mon sens, touchés. Pour la première fois depuis des lunes, nous sentîmes la sensibilité du grand guerrier.
Même Hondshew avait décroisé les bras... Rêvais-je? Bon dieu non. Shruikahn rompit malheureusement ce moment solennel, sur un ton assez agaçant.
-Tout cela est bien des plus touchant mais... Qu'allez-vous faire, que pouvez vous faire à présent?
Nous avions presque oublié la présence du sorcier, qui à mes yeux ne méritait que la mort pour chatiment. Porucha avait déjà dégainé sa dague et s'avançait sur lui, le pas glissant. Reakhon s'interposa et l'arrêta immédiatement. Il ne chercha pas à contester, mais cet instant ouvrit une brèche à Sharok, qui envoya le traitre à mes pieds d'un coup violent. Reakhon se retourna mais trop tard, j'empoignais ma propre lame et trancha la gorge de mon frère de sang, sans états d'âme. La voix de Reakhon résonna dans mes pensées "Non! Shiraï non!" mais je n'en avais rien à faire à vrai dire. Je plongeai rapidement dans les yeux de Shruikahn avant d'ajouter.
-La mort, le jugement, l'enfer froid... Quand l'homme y songe il doit trembler.
Mon frère me dévisagea, tout en crachant du sang il trouva la force de laisser quelques mots à mon égard.
-Un jour, ma magie noire imprégnée en toi s'emparera de ton être entier, et ton existence sera hantée à jamais par ce moment.
Il ne ferma pas les yeux, et continua de murmurer comme pour me lancer une malédiction. Premier témoin de ce sombre spectacle, je le vis finalement s'éteindre.
-Que va-t-il se passer maintenant... Murmurais-je. Hondchew gloussa, et s'avança.
-Parle dieu loup, le plan est simple : Les traquer, les trouver, les tuer.
Je n'avais pas eu le plaisir de beaucoup le côtoyer le passé, hondchew était un fier guerrier, un poil arrogant mais très efficace au combat. Par-delà son manque de rigueur, c'était un brave compagnon, du moins c'est ce que me laissais entendre Raymanir lorsqu'il me contait les légendaires batailles de Khulad autour de bon feu de camps. Perplexe face à la simplicité de notre frère d'armes, Reishiryu prit la parole.
-Imbécile, dois-je te rappeler que nous n'avons pas à faire à la simple vermine d'aujourd'hui? Cet ordre est plus évolué, en avance sur les autres races. Ce n'est certainement pas avec ton manque de discipline que tu risques de les vaincre.
- Remettrais-tu en cause mes talents?
-Il a parfaitement raison, espèce de débile. Grogna Porucha.
Les esprits s'échauffèrent, une fois de plus c'est Reakhon qui remit de l'ordre profitant du calme anormal dont faisait preuve Sharok.
-Calmez-vous mes frères, gardez votre énergie pour les Akkadiens. Nous devons tous rester unis, afin de lutter pleinement face à notre ennemi. Nous devons faire un état complet de la situation, qui sait peut-être nous attendent ils a quelques kilomètres au sud de la citadelle. Nous devons rester vigilants et organisés.
Nous prîmes tous le chemin de la citadelle, mais Reakhon nous arrêta, Sharok et moi.
-Vous aurez des comptes à rendre au haut roi pour ce geste, et je m'en assurerais.
Sharok l'attrapa à la gorge et ne lui laissa pas placer une phrase de plus.
-Peut être alors devrais je te tuer maintenant et sceller ton destin ?
Il l'envoya contre terre, devant tous nos frères, qui baissèrent la tête à notre passage, les évènements qui s'annonçaient n'étaient guère bon, et tous vivions peut être nos derniers instants. La seule chose que je me rappellerais ce jour, c'est que j'avais tué mon plus jeune frère de sang-froid, pour le bien être de ma patrie