Aventures en haute-mer (concours Celtics)

Nuseh de Guspay
Legio Ombrae


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Il y a 12 ans | Le 08 Jun 2011 00:05:21
Eden, Port de Baduk, de nos jours.

Le port de Baduk est sans nul doute l’une des agglomérations les plus importantes de l’Eden. Trop souvent oubliée de l’administration qui régit l’avenir des Cinq Contrées, la ville n’en est pas moins un florilège de souvenirs, ainsi qu’une porte tournée vers l’avenir. Ici, anciens héros retraités et aventuriers en devenir se mêlent, sans les discriminations puériles et incessantes qui sont le véritable fléau de ce monde. Ce brassage de cultures différentes, cet amalgame doucereux entre passé, présent et futur font du port une ville charmante, pour peu qu’on sache s’y adapter. C’est sans doute pour cette raison que je m’y suis établi. Au début, je cherchais un endroit où je pourrais étudier la nature humaine de ce monde, car telle est la mission que je me suis toujours fixée, à travers les millénaires infinis de mon existence. Et quel endroit m’aurait mieux sied que la première ville de Baduk, aujourd’hui plus peuplée que sa capitale oubliée, Lodaran ?

J’ai donc acheté une grande demeure au nord du Port. Les premiers mois, je me suis attelé à la découverte de cette ville. Le centre, dominé par la Grand-Place, n’a quasiment rien d’original : on y retrouve les boutiques, armureries et drogueries inhérentes à chaque ville de ces contrées. Les bars et restaurants y sont nombreux, permettant à chacun de venir profiter d’un peu de quiétude, après de rudes moments passés dans le chaos de ce monde, courant journée après journée à sa perte la plus totale. En fait, ce n’est pas la ville en elle-même qui fait sa particularité, mais plutôt sa situation géographique, tout d’abord, et surtout, son immense port, le plus grand des cinq contrées. L’agglomération est située au pied de la chaîne de montagnes du Han, qui est la demeure ancestrale des nains, forgerons et joailliers dont la réputation n’est plus à faire. Les nombreuses armes et protections forgées au cœur des montagnes, sous les neiges éternelles du mont Nian, point culminant de Baduk, ainsi que tous les bijoux, coffres et autres trésors trouvés dans les profondes mines des nains, tout transite ainsi des grottes de Han au port de Baduk.

Ce port a rapidement prit son essor, dès lors qu’on s’aperçut que le monde n’était pas plat, et que les 5 continents pouvaient être aussi bien rejoints par voie terrestre que maritime. Ainsi, le petit barrage construit initialement par les premiers autochtones de Baduk s’est grandement développé en une plateforme commerciale de premier ordre, dispersant les marchandises si convoitées des grottes de Han sur les autres contrées, de Dusso à Sato. De récents travaux ont aussi été effectués : deux imposants docks ont été bâtis pour entreposer les trésors des nains, et ont été fortifiés afin de résister aux pillages. Car sur mer, par les pirates, comme sur terre, par les hordes barbares, là encore, l’avarice et l’appât du gain facile font leur office. La plus récente construction du Port de Baduk se trouve être une gigantesque digue, conçue de manière magique pour repousser les caprices météorologiques des océans. De plus, la digue s’avançant dans la mer possède aussi un point de vue magnifique.

Nuseh de Guspay
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Il y a 12 ans | Le 08 Jun 2011 00:07:12
C’est sur cette digue que je me tiens actuellement, et c’est là que commence mon récit. Depuis quelques jours, les crieurs de la Grand-Place annoncent sans relâche que la cave sacro-sainte d’une puissante fratrie, les Celtics, a été honteusement pillée par un pirate sans vergogne. Au début, je n’accorde aucune importance à ces déclarations : les diverses fratries de ce monde occulte peuvent bien s’entredéchirer, je n’en éprouverai pas la moindre compassion. Mais finalement, quelques détails, totalement illogiques, retiennent mon attention : pourquoi un pirate irait voler, sur terre ferme qui plus est, de la boisson ? Pourquoi ce Glenn McFebail, dont le nom est toujours prononcé avec crainte, s’en est-il pris aux Celtics, au demeurant pacifique et paisible ? Il existe tant d’autres fratries à dépouiller, plus puissantes et plus riches, donc davantage de larcins à effectuer…

Je réfléchis longuement à la question. Et la réponse apparaît, simple : il y a quelque chose qui se terre derrière ce cambriolage en règle, quelque chose que les Celtics protègent, dont le pirate est au courant. Et surtout, quelque chose qui attise grandement Glenn McFebail, assez pour qu’il prenne la décision d’une expédition sur la terre ferme. Mon imagination se met en branle : je pense à des richesses d’un âge perdu, à des armes d’une puissance inconnue, à un savoir technique oublié, à de vieux grimoires magiques permettant d’accéder à des incantations dévastatrices… Toujours est-il que finalement, après m’être promis d’observer une nouvelle fois sans intervenir, je me vois obligé de rompre ce serment : ma curiosité est piquée à vif. Il en a toujours été ainsi avec moi, ce que je peux obtenir facilement, ce qui est mondialement connu ne m’intéresse jamais. Par contre, la difficulté, l’occulte, le mystère, le secret et l’ésotérisme sont mes passions, pour lesquelles je voue ma vie, débarrassée de tout ce qui est superflu : femmes, amis, enfants… je n’en ai pas besoin.

Et aussi, dans l’intérêt que je me découvre, au sein de l’histoire contée par les crieurs publics du port, figure aussi un souvenir bien vague. Le nom de Glenn McFebail ne m’est pas inconnu, et son navire, le Raven, encore moins. Je suis sûr d’avoir déjà entendu parler du pirate et de son embarcation. Malheureusement, il m’est totalement impossible de me rappeler en quelles circonstances. C’est pourquoi je prends subitement la décision de me joindre à la foule oiseuse des aventuriers, massés sur la plage et les quais, qui n’attendent que l’apparition du sombre bateau à la bannière du Jolly Roger. Nous sommes tous là, patientant sur le sable fin. Quelques pêcheurs du coin ont eu la décence de nous prêter leurs embarcations, qui mouillent sur le rivage, à quelques mètres de nous. Certains, dotés d’un sens naturel du commandement, se sont occupés de nous assigner selon un navire. Lorsque le Raven arrivera, disent-ils, il faudra que tout soit parfait pour bénéficier de l’effet de surprise maximum.

Dans un craquement sonore, le ciel se déchire, et la foudre s’abat. Le rideau de pluie, annoncé par les nuages menaçants qui s’accumulent depuis le début de la journée, fond finalement, alimentant l’écume des vagues qui s’élèvent, au rythme de la houle qui s’éveille dans le crépuscule. Les elfes, grâce à leur vue perçante, sont les premiers à le voir. Personne ne cache plus son impatience d’en découdre avec les pirates. C’est à mon tour de voir le navire. Il fend la tempête sans se soucier ni du vent grondant, ni des vagues qui lèchent sa poupe, ni de nous tous qui l’attendons. Nos chefs donnent le signal, et nous élançons nos esquifs contre le pirate. A mesure que nous nous approchons, je peux plus facilement constater les détails. Il s’agit d’un navire de classe « sloop ». Une trentaine de mètres de long, une dizaine de large. Je m’y connais assez en bateaux pour savoir que les sloop sont, de par leur petite taille, les embarcations favorites des pirates. En effet, ils sont très rapides, et très faciles à manœuvrer. A part l’homme de barre, les occupants d’un tel navire peuvent vaquer à leurs occupations, en l’occurrence ici se livrer à des actes de piraterie.

Nous ne faisons pas un seul bruit à mesure que nous approchons du bateau. Seul le clapotis des vagues contre le bois de nos barques vient rompre le silence que nous nous sommes imposés. Un bref coup d’œil autour de moi m’indique que l’embarcation sur laquelle je me trouve est la première à atteindre la proue du Raven. Mes camarades lancent leur grappin, vérifient qu’ils sont bien fixés, et commencent leur ascension le long de la figure de proue, représentant une sirène figée dans un cri muet. Avant d’entreprendre à mon tour la montée vers le pont du pirate, je caresse machinalement le petit fourreau de cuir passé à ma ceinture, contenant ma dague, mon unique arme. Un sombre pressentiment m’assaille, comme si j’allais devoir faire face à de très anciens fantômes… Je serre fort la corde de chanvre, à mesure que je grimpe. Me voici sur le pont du Raven. A côté de moi, mes camarades demeurent dans l’expectative. D’un geste, je leur indique la porte sous la barre, menant au château arrière du navire. C’est alors qu’un bruit nous fait sursauter. Une chaloupe, quelque part sur le navire plongé dans la brume, vient d’être mise à l’eau. Nous nous hâtons vers la source du bruit. Nous arrivons trop tard. La frêle chaloupe s’éloigne du navire, et je devine que Glenn McFebail s’échappe, ayant deviné que son navire était perdu. Dans l’ombre de la nuit, il se tourne une dernière fois vers son navire. Sa capuche glisse légèrement, et je vois son visage. Aussitôt, je me souviens. De là où j’ai rencontré, pour la première fois, le sinistre pirate.


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Il y a 12 ans | Le 08 Jun 2011 00:08:05
Nebullia, Port d’Oshgerrat, sur l’Agamemnon, année 978 de l’ère Archaïque.

« Amiral de Guspay ! Amiral de Guspay ! »

Je détournais les yeux de la carte des mers de Nebullia, sur laquelle moi et mes officiers étions concentrés depuis plusieurs heures, tentant de résoudre l’énigme de l’Île du Crâne. Un jeune aspirant, tout juste sorti des casernes navales d’Oshgerrat, m’appelait avec la plus grande impatience. Agacé, je fis un geste d’excuse à mes officiers, et ouvrait la porte de mes appartements à ce jeune impoli. Celui-ci venait pour m’annoncer que tous les préparatifs étaient bouclés, et que nous pouvions prendre la mer. Enfin une bonne nouvelle. Voici plusieurs mois que la flotte était bloquée à Oshgerrat, et que nous attendions le feu vert de l’administration portuaire. Nous avions découvert récemment de curieux parchemins, qui, mis l’un au-dessus de l’autre, faisaient penser à une carte menant à l’Île du Crâne, située dans la mer intérieure de Nebullia. Aussitôt, j’avais demandé à être le commandant d’une puissante expédition qui partirait à la recherche de l’île mystérieuse, sur laquelle nous espérions trouver des trésors perdus, ou une autre race… Erst Gulr n’avait pu refuser ma demande, et même s’il n’avait pu m’accompagner, m’avait pourtant doté d’une dizaine de galions, puissamment armés aux moyens de balistes et de catapultes. Le plus gros de ces navires était l’Agamemnon, d’une longueur de 60 mètres pour une largeur de 20, que j’avais choisi comme navire amiral.

Enfin, nous pouvions partir. J’ordonnais à mes officiers de préparer le départ. Je ne sentis pas de changement lorsque les dix cathédrales des mers glissèrent sur l’eau du port d’Osgherrat, avant de se ruer à l’assaut de l’immense mer intérieure, que personne ne pouvait se targuer d’avoir visité dans son intégralité. Je me repenchais sur les deux manuscrits que j’avais posés sur la table de mon bureau, dans le château arrière de l’Agamemnon. L’écriture rougeâtre était étrangement arrondie, ce qui était rare dans ce monde, où on préférait utiliser des formes strictes, en italique. Bizarrement… le texte était une succession de nombres qui, à première vue, ne voulaient rien dire. Seuls les mots crâne et île apparaissaient.



C’était là un énorme charabia qui ne voulait rien dire. Mais cela devait vouloir dire quelque chose. Quel intérêt y aurait-il eu sinon à laisser deux manuscrits complémentaires, dont l’association permettait de connaître la suite de nombres à six chiffres ? J’ai cru au départ que c’était là des longitudes et des latitudes. Sortant la carte sommaire que nous avions à notre disposition de la mer intérieure de Nebullia, je cherchais des rapports entre des positions et les nombres que je possédais. Rien ne me venait. Il fallait pourtant me dépêcher, car la flotte entière attendait mes instructions… J’eus soudain le sentiment que tous ces nombres n’étaient rien d’autre qu’un texte crypté. Je pris alors un énorme grimoire qui ne me quittait jamais, et qui recensait toutes les formes de cryptages connues à ce jour dans la république qu’Erst Gulr voulait instaurer. J’essayais déjà l’utilisation des nombres premiers, méthode selon laquelle chaque nombre premier devait être supprimé de la liste. Mais rien n’apparaissait. J’utilisais ainsi plusieurs techniques de décryptage. Et soudain, je trouvais, grâce au carré de Polybe.

Nuseh de Guspay
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Il y a 12 ans | Le 08 Jun 2011 00:08:46
Cette méthode n’était plus utilisée depuis longtemps, car elle ne comportait plus de secrets pour personne. Mais ma difficulté à identifier le parchemin au carré de Polybe prouvait tout le contraire : c’était dans les cachettes les plus évidentes qu’on ne cherchait jamais. Le carré fonctionnait de la manière suivante : on notait dans un carré de cinq lignes et cinq colonnes toutes les lettres de l’alphabet –le I et le J n’étant pas dissociés dans le langage nébullien- puis on remplaçait chaque lettre du texte à crypter par le chiffre de sa ligne et de sa colonne. Je ne retenais plus mon excitation ! Je traçais rapidement le carré de Polybe, sur un deuxième parchemin, et me hâtais d’y mettre toutes les lettres.



Puis, je commençais à décrypter le texte en ma possession. Ainsi déchiffré, le message était maintenant on ne peut plus clair :
AUCENTREDESMONDESTUTROUVERASILECRANERICHESSEDANGERLOINDUDEPARTPROCHEDUDESERTCOEURDESBRUMES
Soit
AU CENTRE DES BRUMES TU TROUVERAS ILE CRANE RICHESSE DANGER
LOIN DU DEPART PROCHE DU DESERT CŒUR DES BRUMES

Pour qui ne connaissait pas bien Nebullia, ce texte n’avait pas plus de sens que la suite chiffrée. Mais pour moi, qui avait voyagé et découvert plus qu’un homme normal ne le peut, le message était clair. Non loin du désert de Nebullia, au sud-est, se trouvait dans la mer un cercle étrange, embrumé. Les navires l’avaient toujours évité parce que, disait-on, c’était le repaire d’un dangereux pirate qui possédait une flotte monstrueuse, aidée par des Kraken et des Léviathans. Je n’hésitais pas une seconde. Mes dix galions étaient puissamment armés, et pourraient résister à n’importe quel assaut. Ce pirate de pacotille, s’il existait, serait envoyé au fond de la mer par le feu de mon Agamemnon ! A toute hâte, je quittais mon bureau, et sortait sur le pont. Tous les hommes du navire étaient là, attendant mon signal. Je devinais que la situation était la même sur les autres navires de la flotte. Aussi me contentais-je d’annoncer au capitaine Flint, mon second sur l’Agamemnon, que nous mettions le cap sur les Brumes. Aux hourras généraux et aux exclamations de joie de mes hommes succéda bien vite une tension palpable : avaient-ils bien entendu ? Les brumes ? C’était de la folie ! Je les calmais bien vite en leur annonçant que j’avais traduit le document double en ma possession, et j’insistais sur le fait que le mot annonçait des richesses à venir !

Naturellement je ne soufflais mot du danger qui était pourtant indiqué sur le papier. J’avais confiance en mes navires, et je savais que chaque homme ici m’était fidèle jusqu’à la mort. L’équipage de l’Agamemnon avait été trié sur le volet, entre puissants marchands sous les ordres d’Erès, le prince-marchand d’Oshgerrat, et mes propres soldats. Tous avaient suivi une formation accélérée, et était mieux formés que quiconque à leurs postes respectifs. Si pirates il y avait… il n’y en aurait bientôt plus. Du moins en avais-je alors la certitude.

Le voyage jusqu’au cercle des Brumes dura plusieurs jours. Ce n’était pas un problème, nous avions prévu suffisamment de vivres pour tenir trois semaines en haute mer. Quand nous arrivâmes enfin en vue des Brumes, l’impatience de la flotte était à son comble. Les jours passés à voguer sur la mer avaient été d’un grand ennui, et maintenant, l’Île au Crâne était plus proche que jamais. Nous allumâmes sur tous les navires de puissants flambeaux, afin de ne pas nous perdre dans le brouillard qui s’épaississait. Il n’y avait, outre les ordres des officiers, aucun bruit. Plus de discussions, plus de plaisanteries, tous étaient concentrés sur leur mission. Je voyais maintenant tout le professionnalisme de ces hommes, dévoués à ma cause, et qui ne désiraient qu’une chose, trouver l’Île. Nous naviguâmes plusieurs heures, jours ? Dans ce brouillard il n’y avait pas de soleil, pas de crépuscule pour nous indiquer le temps, aucun repère temporel pour nous aider. Finalement, au bout d’un temps semblant interminable, la brume s’échappa. Quand nous vîmes pour la première l’Île, nous crûmes tout d’abord nous êtres trop enfoncés dans la brume, et être sortis de l’autre côté du cercle. Nous pensions que la vaste étendue de terre qui s’étalait devant nos yeux fatigués était le continent nébullien, et qu’au-delà des montagnes que nous voyions poindre à l’horizon se tenait le désert. Le capitaine Flint, mon second, m’indiqua toutefois qu’il ne connaissait pas ces rivages. Nous avions trouvé l’Île ! C’est à ce moment que l’homme placé dans le nid de pie de l’Agamemnon hurla :


« Navires pirates à tribord ! »

Nous nous ruâmes tous à droite. Voguant vers nous à une vitesse démentielle, une trentaine de petits navires arboraient le Jolly Roger, qui annonçait que les pirates ne désiraient pas faire de prisonniers. Je donnais mes ordres, aussitôt relayé par mes officiers de la flotte. Les navires pivotèrent à tribord, armant leurs catapultes sur le groupe des pirates. J’ordonnais la mise à feu, et un véritable déluge de pierres et de carreaux de balistes s’abattit sur le groupe ennemi. Ceux-ci répliquèrent aussitôt, lançant des projectiles moins lourds mais tout aussi dévastateurs : je vis avec effroi le Jack Daniel, un de mes navires, sombrer dans un craquement effroyable. Néanmoins, malgré cette perte, nous étions de loin supérieurs aux pirates. Hélas. L’homme du nid de pie hurla de nouveau :

« Créatures sous-marines derrière nous ! »

Il avait raison. Nageant à une vitesse effroyable, cinq Krakens et au moins le double de Léviathans se rapprochaient dangereusement de nous. Si encore il n’y avait eu qu’une de ces créatures, nous aurions pu lutter… mais c’était peine perdue. Je tâchais d’ordonner le repli de mes navires, mais aucun ne put. Tous, je les voyais sombrer au fond des flots agités, l’un après l’autre. Je voyais tous mes officiers, tous mes hommes se noyer… Mais je n’avais pas le temps de m’en soucier. Je devais sortir l’Agamemnon de ce piège. Nous crûmes nous en être sortis quand nous vîmes les créatures marines s’éloigner du navire amiral. Malheureusement, tout occupés que nous étions à échapper aux Kraken et Léviathans, nous n’avions pas prêté garde aux navires pirates. Ces derniers s’étaient rapprochés de nous, et abordèrent l’Agamemnon. Je vis distinctement leur chef, un homme de haute stature, dont le visage était barré par une cicatrice, et qui tenait un lourd sabre avec une poignée en or massif. J’allais me lancer à l’assaut, pour défendre ma vie avec honneur, quand le capitaine Flint me barra le passage. Il me demanda de fuir, et de le venger un jour. Ma vie était trop précieuse, disait-il, pour s’éteindre sur le fil d’une épée ou dans la bouche d’un Kraken. Je profitais donc de la confusion qui régnait à bord à cause de la bataille pour me glisser dans une chaloupe, et me diriger vers l’Île.

Quand enfin je l’atteignais, je jetais un regard derrière moi. Juste à temps pour voir mon si cher Agamemnon être englouti par la mer… J’eus une dernière pensée pour le capitaine Flint, qui avait sacrifié sa vie pour que je puisse continuer la mienne. Je me promettais qu’un jour, je le vengerai. Mais pour le moment… je devais explorer cette île. Durant trois jours, je me nourrissais de baies et buvait de l’eau salée. Ce n’est qu’au matin du quatrième jour que je le découvrais. Au milieu d’une énorme forêt, un curieux portail orné d’inscriptions runiques de toutes sortes. Certaines runes m’étaient familières, d’autres non. Je prenais mon courage entre mes mains… et passais le portail.


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Il y a 12 ans | Le 08 Jun 2011 00:09:30
Eden, Port de Baduk, de nos jours.

« Nuseh ? Tu vas bien ? Tu as l’air étrange. »

Je reviens brusquement à la réalité. Gilmambor, mon ami et empereur, se tient à mes côtés. Le Raven, navire de Glenn McFebail, a été coulé. Mais le pirate a échappé aux vengeurs Celtics, qui ont toutefois promis qu’ils le tueraient dès que possible. Le capitaine Flint est mort depuis bien longtemps, et voici deux mille ans au moins que mon Agamemnon a fait naufrage, deux mille ans que j’ai passé le portail pour commencer mon étrange périple dans les mondes de la Création. Je vois les flots ramener sur la plage un morceau de la poupe du Raven. Une larme coule sur mon visage dissimulé par ma capuche.

« Rien, Empereur… Je pensais juste à un ami lointain… il est vengé, aujourd’hui. »