L’assommoir : partie I
Il existe des choses bien plus sombres que tout ce qu'on peut imaginer. Des sentiments plus noirs que l'obscurité elle-même. Aujourd'hui, j'en ai fais les frais.
Dans un calme total, autrement dit sur Sato, je m'en allais chasser quelques queues de fourreux pour m'en tricoter des colliers. Quand nous sommes dans un état d'ennui profond défini par une absence totale de perspective, on essai d'oublier comme on peut. Ça n'a pas l'effet d'une gnôle d'Ungor bien sûr, mais ça y ressemble. Entre délires et breuvages, on tombe vite dans la folie.
Cependant, cette fois-ci, aucun délire, aucun breuvage, juste la chute. Le nez dans le sable, j’eus beaucoup de mal à comprendre. Les os fracturés, la peau écorchée, que m'était-il arrivé ? Le visage arrangé, je tentais de me relever pour voir ce qu'il se tramait aux alentours. Cette force surnaturelle qui m'avait mise à terre pouvait-elle être d'origine badukienne ?
Ma vision était trouble mais la douleur bien réelle. Je vis la silhouette d'un chevalier noir gayette, monté sur une monture tout aussi sombre. Une aura incroyable s'en dégageait, mais elle était d’une tristesse incommensurable. Désabusée, je restais au sol. Quel était cet alambic qui distillait des frappes si violentes ? Aujourd’hui, suis-la seule à souffrir tant, ou est-ce tout un peuple qui pleure chaque jour les troubles semés par la misère de ce pauvre monde ?
Je tombai dans l'inconscience.
Sans un mot, sans un cri, il décampa, me laissant pour morte.