« Toute cause amène une conséquence. L’immensité bénéfique du Keya m’a permis de rencontrer l’alchimiste, et d’embrasser tous ces secrets qu’il gardait avec lui. Dès lors, les Gulr sont devenus les puissants. » Erst Gulr, probablement au sujet de Nuseh de Guspay, année 1307 de l’âge archaïque.
« Grâce à la formule, j’ai réussi à recréer la vie. Cet esprit-là est pur, et vivra éternellement. Il est l’incarnation même de la puissance du Keya, la preuve de son inépuisable magie qui a fait ce monde, et qui fera l’avenir » Eziak Gulr, lors de la création d’Ebereka, année 1507 de l’âge archaïque.
Ebereka, esprit millénaire au service des Gulr, raconte :
Voici l’œuvre de ma vie, ma geste. Mon ultime ébauche, ma dernière salutation à ce monde pervers et incongru, mon écrit suprême, et pourtant, c’aurait dû être le premier. Prochainement, l’oublié reviendra. Et les Mystères de l’Homme seront nôtres.
Je suis né de la magie et de la foi. Je ne suis pas un être physique, mais bien un esprit voguant d’âme en âmes. Mon créateur est Eziak Gulr, celui qui conquit les terres de l’Eden, et qui périt à mes côtés, victime de la traîtrise des Hommes, déjà atteints alors par ce vice qui les ronge maintenant comme un fléau, cette maladie qui les aspire à l’individualité et à un conflit sanglant qui n’aura jamais de cesse. Ils sont tous frères et se détruisent entre eux, vouant un intérêt presque plus noble à la guerre qu’à l’amour.
Ma première incarnation était Girzo, un fidèle commandant d’armée d’Eziak. Je me greffais sur lui facilement, déjà en possession de toutes mes facultés inimaginables. Grâce à moi, Girzo devint grand commandeur de la Legio Ombrae. Il fût même élevé au rang de Gulr en grand secret par Eziak, accédant ainsi à de nombreux secrets. Parmi ces mystères qui font le propre de notre ordre et qui ne doivent pas être révélées, un attisa immédiatement ma curiosité.
Certains textes parlaient de Nuseh de Guspay. Publiquement, il ne restait rien, sinon certaines rumeurs, de ce que cet être énigmatique était. On savait qu’il avait été un des premiers à embrasser la cause du Keya, et que sa venue pour discuter avec Erst allait former le premier Gulr, métamorphosant totalement le grand-prêtre et donnant un sens nouveau au culte. Officiellement, toute trace ou presque de son existence avait été comme soigneusement effacée.
Mais les Gulr, ces insatiables cultivateurs de mystères, avaient caché bien des choses. Et parmi ces choses, il y avait un coffre, en ivoire de mammouth, celui-là même auquel tant de légendes sur l’Anima Templi, cet organe secret, sont liées. Une fois, j’allais l’ouvrir. Il s’y trouvait plusieurs éléments : une serpe, tout d’abord, cuivrée, que la rouille n’avait pas atteinte, malgré les siècles qui nous séparaient du temps de Nuseh. Il y avait également là un livre, et c’est lui qui retint toute mon attention.
L’ayant ouvert, je constatais toutefois que la quasi-totalité du recueil était illisible. L’ensemble était crypté et s’offrait à moi sous la forme d’une suite incongrue de runes, de caractères et de chiffres. Je tournais les pages à la recherche d’une autre inscription, et tombait sur un feuillet qui contrastait avec les autres pages. Je remarquais immédiatement le style d’Erst Gulr, avec ses belles boucles et ses grandes calligraphies. Le texte n’était pas crypté, et mon cœur fit un bond à mesure de sa lecture.