Une page sauvée ... [ Yürèc - Elenna ]

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Il y a 13 ans | Le 12 Nov 2010 19:51:21
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Longue soirée dans le Caveau qui se termine, une coupe de vin à la main, la tête de ma douce Elenna sur mon épaule, les yeux clos, endormie profondément depuis bientôt une heure. Je me contente de finir ma coupe, à mon rythme, je bois le vin bien moins rapidement que le sang pour la simple raison que l’alcool de raisin ne me mène point à un état de frénésie qui me pousse à la gourmandise irréfléchie. Ce qui m’a demandé quelques exercices avec les années pour éviter de conduire mon ange à la mort, le sang d’Elenna est tout autre que celui d’une humaine ou même de n’importe quelle transformée, sans doute a-t-il vraiment quelque chose de plus dû à ses origines dont je ne capte pas encore toutes les subtilités. J’irai un jour m’adresser à Alkantar pour en savoir plus, ou plutôt à Howl, je pense qu’il est plus au fait de ces genres de choses quelques peu occultes pour un simple vampire tel que moi.

Mon verre vide, je le pose sur la petite table à côté du fauteuil que nous occupons, repousse légèrement sa tête afin de pouvoir libérer mon épaule qui commence à fourmiller, je guide délicatement le corps d’Elenna pour le mettre confortablement en position allongée en prenant soin de ne point la réveiller. Ensuite j’enlève mon long manteau, l’étend sur elle par pure tendresse, attention amoureuse, de par sa condition elle ne craindra jamais le froid. Je reprends le verre que j’avais posé et en profite pour ramasser celui d’Elenna également, vide depuis bien plus longtemps, la lie s’écaillant déjà à cause du froid qui règne ici. Je m’en vais poser les deux coupes sur le long meuble de chêne que nous utilisons pour stocker nos bouteilles, qui ne sont pas vraiment les nôtres pour certaines. Il y a ici des vins elfiques datant de bien avant notre venue, certaines bouteilles ont même l’âge d’Elenna … mais aucune n’a le mien, sinon l’on boirait du vinaigre c’est sur.

J’observe alors le visage de celle qui partage ma vie depuis déjà quelques longues années, et qui m’a fait l’honneur il y a peu d’une infante. Ce genre de visions est un privilège je dois dire, si un inconnu autre que son père ou moi-même venait à assister à son sommeil, Elenna perdrait alors une grande partie de crédibilité, elle qui parait si froide face à nos visiteurs désireux de nous rejoindre, de nous combattre, elle est bien différente à l’instant. Malgré tout, je ne doute pas de ses capacités à savoir replanter le décor face à un indiscret, effaçant alors toute la tendresse que celui-ci aurai pu voir sur son visage.

[ … ]

Un bruit soudain, sourd me sort de mes rêveries, qu’est-ce donc ? Un nouveau visiteur, ou alors Mosuke et Oscâr ne sont pas encore apte à se déplacer silencieusement en ce lieu ? A vrai dire, je ne sais combien de temps je suis resté à admirer ma compagne sans bouger, peut-être rentrent-ils d’une longue nuit de chasse, ont-ils fait honneur à mon sceau ? Trêves de questionnement, allons voir cela par nous même. Je prends les deux clés du caveau au mur, en dépose une sur le poitrail de ma douce et je quitte la pièce avec une certaine vitesse, prenant garde à bien verrouiller le Caveau, sait-on jamais que cela soit un assassin et non un de mes bras droits, il devra défoncer le bois de la porte avant de pouvoir s’attaquer à Elenna, lui évitant une lame sous la gorge en plein dans son sommeil.

En moins d’une minute je suis dans le Hall d’entrée, aucune présence ne se permet de titiller mes sens, à croire que personne n’est passé par ici, la porte n’a pas bougé. Aucune trace sur le sol, mais malgré tout l’on n'est jamais sur de rien, il reste en ce monde des assassins qui en valent le détour et tous n’ont pas pour projet de compter parmi mes élèves. Un tour dans les couloirs serait préférable, même s’il n’y a aucune trace, aucune odeur à suivre.
J’arpente calmement les couloirs, l’oreille aux aguets, je tiens à ne pas être surpris et mis à mal si combat il y a, je passe devant les quartiers communs, il n’y a apparemment rien ici. Rien de plus qu’une vieille maison qui se met à craquer de temps à autre je pense. La méfiance se dissipe et je reprends le chemin du Caveau, empruntant le dédale des couloirs qui mènent aux pièces cachées et personnelles, lorsque je passe devant la porte de notre cœur du Funérâriùm, je ne peux m’empêcher d’actionner la poignée et d’entrer dans la salle pour découvrir sans m’y être attendu la raison du bruit sourd et de cette ronde qui s’avère finalement totalement inutile … on se sent ridicule d’avoir stressé pour toute sa coalition en l’honneur d’un livre qui tombe d’une bibliothèque.

Je m’avance vers celui-ci et le ramasse, il est grand ouvert sur une page manuscrite, ce n’est point là un simple livre, c’est l’écriture de ma future femme. Un journal en fait, je me mets à feuilleter une à une les pages, aucun homme, ni même une femme en fait, ne pourrait vraiment me blâmer pour un tel acte, je suis sur que tout un chacun cède à cette fameuse curiosité qu’est le journal d’une autre personne . Je vois défiler devant mes yeux une narration que je connais déjà, ce qu’Elenna avait daigné me dire sur elle pendant les années qui nous ont vues unis. Sa naissance plus qu’atypique, ses déboires de la Légion des Ombres et j’en passe. J’arrive à la dernière page apparemment, je découvre alors une graphie moins calme qu’avant, un fil d’écriture plus stressé que dans tout les autres chapitres. Mon sourire nostalgique se métamorphosa en une légère grimace, le visage triste, voilà un passage que je ne connaissais pas encore, je ne doute pas qu’elle m’en aurait parlé d’ici quelques temps.

Des phrases résonnent encore dans mon esprit :

« Comment pourrais-je désormais vivre alors que ce que je fuyais depuis tant d'années, jusqu'à l'en oublier, m'a rattrapé ? Moi qui éprouvais déjà de la peine à insuffler chaque matin, qui luttais chaque jour pour trouver une raison à ma subsistance, qui ne restais finalement que pour eux. Eux. Dure réalité que celle d'une vampire. Si seulement j'avais su ... »

« J’étais censée vivre une heureuse éternité près de mon éternel amour, tu sais ? Mais pourrais-je seulement survivre tout ce temps avec ce fardeau sur les épaules ? »



Pendant un instant, je souhaite accomplir son désir, déchirer cette page mais je sais que si je me laisse à cet agissement, son journal en sera détruit par ma rage ... Je referme le journal, sort de notre chambre après l’avoir remis dans l’étagère, je finis mon chemin vers le Caveau d’un pas calme, une fois devant la porte, j’y insère la clé, la tourne et entre dans le lieu que j’avais quitté une demi heure auparavant, j’y retrouve Elenna, encore assoupie, qui n’a pas bougé d’un poil pendant mon absence. Je m’installe dans le siège collé à notre fauteuil. Je me refuse à la réveiller de force, je l’observe encore quelques minutes, je me demande alors comment un visage aussi paisible puisse vivre la détresse que j’eus lu à l’instant. Je finis par placer ma tête dans mes mains, penché, les coudes sur mes genoux …


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Il y a 13 ans | Le 14 Nov 2010 21:50:05
C'est une longue journée éprouvante que nous laissons derrière nous, confortablement assis dans notre canapé à nous enivrer du délicieux parfum volatil présent dans notre bon vieux vin tout droit sorti du placard. C'est une sorte de mise en bouche avant de nous laisser guider par nos envies, et alors de nous en aller vers les bois où il erre toujours de pauvres innocents au sang chaud. L'hiver vient de commencer, ce qui est une preuve de qualité concernant l'hémoglobine de nos patients puisque le corps se doit de rester à température constante et donc d'agir en fonction de l'environnement qui l'entoure. Une délicieuse nuit qui s'annonce, c'est certain. Mais étrangement, alors que ma coupe est désormais vide, je ne bouge pas, n'allant ainsi guère me préparer – bien qu'il soit de notoriété qu'une femme met toujours bien plus de temps pour s'entretenir qu'un homme, bien qu'il existe des exceptions à la règle j'en conviens -. Il faut dire que la simple pensée de me voir détachée de Yürèc qui n'a alors pas encore achevé sa délectation ne m'intéresse point du tout. Je suis à moitié allongée, la tête sur son épaule, depuis voilà une heure si ce n'est plus – le temps est une variable qui s'écoule si vite, lorsqu'il se doit passer lentement … Et vice-versa. – et je n'ai ainsi dire nulle envie de soulever ma masse corporelle hors de ce seul lieu où je suis véritablement heureuse. Un sourire se dessine sur mes lèvres, laissant apparaître deux petites fossettes sur mes joues quelque peu colorisées par la lumière ambiante. Puis, fermant les yeux, je finis par me laisser emporter par mes songes tout en espérant qu'ils ne m'apportent à nouveau de mauvaises nouvelles.

Je me souviens encore du rêve que j'avais fait alors que j'étais encore en Nebullia et que mon père n'était encore à mes yeux qu'un inconnu qui ne cessait de venir brouiller le silence de mes nuits. Il a finalement été la cause indirecte de ma transformation quand on y repense, mais je ne lui en veux pas. Après tout, cela n'avait pas été son but cette nuit-là et ne pouvait savoir à quel point j'étais encore faible. Quelque part cela m'avait permis d'accroître ma force et ma vitesse, au détriment d'une éternité que je n'assume finalement toujours pas. C'est un de ces rêves que je ne voudrai revivre, un parmi tant d'autres. Car si cette transformation m'avait radicalement changée, accroissant légèrement ma musculature, la force n'en reste pas moins une notion qui ne cesse d'être en rapport au mental et je ne nierai pas que mon suicide psychologique ne soit lié à ma désormais faiblesse.

[…]

Je m'avance lentement dans le couloir du Funérâriùm, laissant alors ma vision diurne me guider à travers l'obscurité qui a pris place. Tout semble laisser croire que je suis la seule à errer dans l'enceinte du bâtiment si ce n'est les petites bêtes qui nous tiennent compagnie lorsqu'il commence à faire froid au dehors. Car malgré la température glaciale de la morgue, elle n'en reste pas moins agréable par rapport à celle qui règne en dehors des murs. Je ne sais où je vais, si ce n'est que je suis épris d'une curiosité sans pareille vis-à-vis d'un bruit étrange qui semble provenir des murs. L'oreille alerte - car elle n'en reste pas moins une défense incommensurable -, les sourcils légèrement froncés et les jambes parées à esquiver une possible mais invraisemblable attaque, je continue ma marche solennelle en direction du hall où les bruits semblent être intensifiés. Je n'ai aucun doute sur le fait que ces grincements nous proviennent de ce lieu pourtant totalement dénué de restes humains comparé au reste des autres salles. Il faut bien savoir accueillir ses visiteurs, n'est-ce pas ? Bien que peu sociables, nous n'en restons pas moins de braves hôtes qui se pressent de nettoyer pour mieux vous accueillir ou plutôt pour mieux vous engloutir, si l'on veut être tout à fait honnête. Si j'en viens à énoncer l'absence de corps, c'est qu'il est toujours possible qu'une victime ne soit totalement inconsciente. Après tout c'est une preuve de fraîcheur que d'avoir son propre repas toujours en mesure de s'agiter - et donc d'avoir son sang s'écoulant dans ses veines à vive allure - , mais aussi une façon de se distraire à longue durée si tant est que l'on parvienne à laisser à la victime suffisamment de sang en elle bien évidemment. Enfin ce n'est ici qu'un interlude, et il est temps pour moi de reprendre le fil de mon récit qui n'est hélas guère aussi amusant.

Je parviens donc au centre de la grande salle vide de toute décoration et tout aussi sombre que le reste de la bâtisse bien que la lueur de la lune parvienne à se glisser sous la grande porte de marbre. Silencieuse depuis le début de mon épopée, c'est sans difficulté que je remarque la fin soudaine - mais néanmoins étrange - des grincements. Un long moment de calme qui, je dois dire, ne rassure guère et qui va jusqu'à me hérisser les poils que j'ai dans le dos bien que fort peu nombreux. Et mes craintes finissent malheureusement par être approuvées, tandis qu'une voix s'élève peu à peu pour s'en aller percuter les murs qui m'entourent tel un écho qui ne cesse de se produire. Plaçant mes deux mains de telle sorte que mes paumes soient contre mes oreilles, je tente d'échapper à ce hurlement. Je ne suis de celles qui se cachent dans une armoire en pensant échapper à leur sentence, mais plutôt de celles qui avancent vers leur ennemi même si elle savent que tout est déjà perdu. Sans doute parce que la mort n'est désormais rien de plus qu'un échappatoire, tandis que beaucoup d'autres ont encore de nombreuses choses à vivre. Néanmoins, je ne peux me résilier à atténuer le volume de la voix qui ne cessent de s'adresser à moi, telle une personne attendant son du.

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Il y a 13 ans | Le 14 Nov 2010 21:50:43
C'est ainsi, dans une démarche que l'on pourrait qualifier de funèbre, que je m'avance vers la grande porte qui sépare l'intérieur du dehors et ouvre l'entrée avant de m'extirper de la demeure. Mon premier regard est dirigé vers la lune, pleine cette nuit-là, qui scintille dans le ciel tandis qu'elle se pavane auprès des étoiles qui sont le plus souvent laissées de côté pour leur infime taille vue de notre terre. Mais ce n'est hélas pas ce que veut me montrer cette voix insupportable qui résonne désormais dans ma tête. Elle est telle un carillon que l'on aurait incorporé dans ma boîte crânienne, au point de me rendre folle jusqu'à vouloir m'aplatir un rocher sur le dessus de mon crâne.

« Plus loin, Elenna … Plus loin … Tu ne seras déçue, ne t'en fais point. »

Et je m'avance encore une fois, tel un pantin à qui l'on donne des ordres et qui ne fait, finalement, qu'obéir sans se poser de question. C'est ainsi que nous sommes lorsque plus rien ne nous est égal. Plus rien, ou presque …

Il me semble vous avoir dit que mon récit n'était hélas fort joyeux, ce pourquoi je vous invite à sortir vos mouchoirs dès à présent. Je parviens donc, après une longue marche à travers les bois entièrement guidée par la voix stressante qui ne cesse dans mon esprit, face à un spectacle dont je me serais bien passé. Ils sont tous présents, mes braves confrères, et même ma famille au complet – ce qui n'est pas difficile me direz-vous, vu le nombre que nous sommes - , tous en train de subir la souffrance la plus ignoble de tout ce qui peut exister en ce monde. Moi qui pensait jusqu'alors avoir été l'auteure des actes les plus répugnants et les plus répréhensibles semble avoir été battue. Mais quelle ignominie de penser à soi alors qu'un tel acte se déroule sous ses yeux. Et c'est une larme qui s'écoule sur ma joue, une fois de plus, tandis que la colère s'accroît de manière exponentielle en moi.

« C'est ce que tu souhaitais, n'est-ce pas ? Les voir disparaître, pour mieux partir ... »

Je secoue la tête, alors que le bourreau continue son office. Mosuke et Oscar ont déjà succombé, et c'est désormais au tour de ma fille de périr. Je ferme les yeux, ne souhaitant voir le massacre bien que je ne puisse échapper au cri tant ils sont effrayants.

- Tout est de ta faute, Elenna. Tout.

Je jette un regard en direction de mon père qui vient tout juste de m'adresser ces mots avant de trépasser à son tour. C'est la dernière chose dont je me souviens avoir vu.

[…]

Je me réveille brutalement faisant alors tomber sur le sol une clé dont j'ignorais totalement l'existence puis, me redressant, je me tourne vers mon tendre amour qui se trouve près de moi. Replié sur lui-même, il n'a du se préoccuper de mon état dans la mesure où je suis habituellement stoïque lorsque je dors malgré ce qui peut bien se tramer dans mon esprit. Mon visage est plus pâle que d'ordinaire, mes yeux plus humides et mon corps tremblant mais c'est davantage l'état de Yürèc qui m'inquiète le plus. Tendant mon bras vers lui j'essuie une petite larme qui naît dans le coin de son oeil puis, d'une voix calme je m'adresse à lui tentant au mieux de passer outre ce cauchemar qui s'en ira hanter encore longtemps mes nuits.

- Quelque chose ne va pas ?

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Il y a 13 ans | Le 28 Nov 2010 23:41:30
Perdu dans mes pensées, je ne constate pas le réveil assez brusque de ma dulcinée, une larme perlant au coin de mon œil, je consens alors à relever la tête lorsqu’un index au geste tendre vint essuyer doucement cette petite goutte prête à couler le long de ma joue. Je tourne ma tête vers elle et plonge mon regard dans le sien, un regard rempli de question, nombre de questions qui nous assaillent tous les deux. Je l’observe quelques secondes, dans un silence assez pesant, elle me semble plus blanche qu’à l’ordinaire, une mauvaise sieste surement, baignée dans la détresse qui la tiraille. Je ne sais pas depuis combien de temps cela dure, il n’y avait aucune date mais elle commence à ne plus savoir rester stoïque. Je finis par baisser les yeux, je cherche d’abord mes mots et j’aperçois ensuite la clé que je lui avais laissée au cas où elle se réveille et qu’elle souhaite me suivre et me rejoindre dans les couloirs du Funérâriùm. Elle n’en eut guère besoin, ma ronde ne fut point assez longue pour qu’elle remarque mon absence. Pour tout dire, elle a bien dormi encore une vingtaine de minutes après mon retour, je ne saurai vraiment dire combien de temps je suis resté enfoui dans mes paumes, mais cela ne doit pas dépasser la demi-heure.

Je me penche pour ramasser cette petite clé et la pose sur la table. Je la reprendrai plus tard, lorsque nous quitterons le Caveau, mais d’abord, je me dois de savoir ce qui se trame dans l’esprit de ma tendre, quels évènements même s’ils risquent surement de dépasser ma compréhension, peuvent-ils à ce point déstabiliser Elenna ? Elle d’habitude qui est si placide face à l’adversité et à ses divers problèmes. Sans doute est-ce encore un de ses soucis de famille, une famille qui reste, admettons le, d’une grande complexité. Je me souviens de l’état dans lequel j’ai retrouvé le Caveau après un de ses entretiens avec Howl, une rencontre qui avait porté le débat sur sa véritable nature si je ne m’abuse. Ce soir là, le sol était recouvert de son sang à elle, mélangé à un liquide rouge qui ne m’a pas dupé moi, mais également de bout de verre, j’avais aussi retrouvé une vampire épuisée par la discussion qu’elle avait eue et par ce qu’elle avait pu tenter de faire avant.

Je prends lentement la main d’Elenna dans la mienne, je la tiens fermement d’abord et relâche progressivement ma poigne pour venir frôler le dos de sa main avec mon autre main. Je me penche sur cette main, pour y déposer un petit baiser. J’ose espérer qu’elle ne prendra pas mal le fait que j’eus brisé l’intimité de son journal, ouvert ostensiblement sur le sol, m’invitant presque à regarder à l’intérieur. Qu’elle n’y verra pas là une justification pour fuir la discussion et les explications que j’attends d’elle. Je relève la tête, plonge à nouveau mes yeux dans les siens, y cherchant le courage de prendre parole, ce que je finis par faire.


« C’est plutôt à moi de poser cette question … »


Je prononce cette phrase dans un unique souffle, d’un ton morne. Sans doute a-t-elle déjà deviné ce qui cause ma tristesse. Je me demande en fin de compte si elle m’en aurait parlé par la suite si jamais je n’étais jamais tombé sur ce journal ou si je n’avais rien montré de ma lecture. Après tout, elle me cache un certain nombre de choses sur ses affaires de familles et cela ne me gène pas tant que ça. Dans tout couple, même un exemplaire tel que le nôtre qui est à l’épreuve des épées, de bien des malheurs et même à l’abri de la mort, il y a des secrets, certains sont gardés à jamais et d’autres pas, mais il en est de trop lourds pour être vraiment enfouis à jamais.


« Mon ange, je … non … autant aller droit au but, je ne suis pas doué pour les longs discours tu le sais bien, ma démagogie à toujours fait défaut. Alors voilà, j’ai lu ton journal Elenna, j’y ai lu les grands passages de ta vie, ce que tu m’as confié aux longs de ces années ensemble, ceux que nous avons vécu à deux mais … la dernière page … pourtant si courte se voit emplie de tant de meurtrissures inavouée … Quel secret pèse encore sur ta vie mon amour ? »

Je me laisse tomber de mon fauteuil, mes genoux viennent de se fracasser contre la pierre dans un bruit sourd, je fais la grimace quelques secondes, le temps que cette légère douleur s’en aille. A genoux devant elle, la regardant d’un air implorant. Mes mots sont surement très mal choisis, je n’ai jamais fait preuve d’énormément de délicatesse dans mes termes, même avec l’amour de ma vie il n’y a que mes gestes à son égard qui soient vraiment des exemples de tendresse. Je finis par poser mon front sur le haut de ses genoux, je regarde le sol par l’écart entre ces deux articulations, mes yeux s’emplissent alors de plus de sang qu’à l’accoutumée, des frissons me parcourent le corps, jusqu’à hérisser une partie de mes cheveux. Pour la première fois de ma vie j’ai froid. Je me redresse une dernière fois, mon regard fixé sur ses yeux, je suis prêt à tout entendre. Je prie pour qu’elle daigne m’avouer ce qui blesse son esprit et ses nuits.


« Je t’en supplie Elenna, confie moi ce qui se trame, explique moi ce qui ne va pas. Charge ton fardeau sur mon dos si cela peut t’aider. Qu’as-tu de si dur à cacher et pourquoi est-ce ressorti des abysses de ton esprit après tant d’années ? … Je ne veux pas te savoir aussi mal sans comprendre pourquoi. »

Je m’essuie d’un geste assez rapide de la main le coin des yeux, là où d’autres gouttes se préparent à descendre en rappel le long de mes joues. Je lui reprends cette main qui quelques minutes plus tôt était venue essuyer une larme naissante au coin de mon œil, je l’étreins fortement comme pour lui faire comprendre que je suis là et que je l’abandonnerai jamais quoi qu’elle puisse me dire et quoi qui puisse arriver. J’approche sa main de mon visage et la pose sur ma joue, fermant les yeux et maudissant ce qu’elle a bien pu vivre par le passé.


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Il y a 13 ans | Le 04 Dec 2010 13:05:28

C'est une larme qui se permet de répondre en premier, descendant ,sans être retenue, ma joue encore dénuée de toute humidité. Nulle autre réponse, ni même réaction. Je suis telle une statue de marbre, assenée d'un coup de massue, mais à qui il reste tout de même le choix de s'exprimer par la beauté d'un sanglot. Immobile je suis mais, fort malheureusement, mon esprit l'est beaucoup moins, accablé par trop de maux. Mon regard, posé depuis le début sur Yürèc, ne cesse de suivre les actions de ce dernier qui semble tenter du mieux possible de faire pardonner cet acte que je considère aisément comme irrespectueux. Assurément, j'ai toujours estimé qu'il existe chez tout tandem une barrière à ne guère franchir, chez l'un comme chez l'autre, et l'annonce qui vient de me titiller les tympans me déclare ouvertement que ma petite bulle vient d'être violée. Comment auriez-vous réagi face à un tel avertissement, tout en sachant que cela pourrait entraîner une longue conversation que vous n'auriez voulu partager qu'avec votre propre conscience ? Une seconde larme parvient à traverser les mailles que je tente du mieux possible de dresser, durcissant alors involontairement mon regard qui, à n'en pas douter, en ferait fuir plus d'un. Mais pas lui ; lui qui me tient la main comme s'il était en train de tomber dans un gouffre infini, tentant vainement de sauver sa propre existence. Ou peut-être qu'il ne s'agit pas de sa propre chute, mais de la mienne. Pour tout dire, je ne sais guère moi-même où je me situe si ce n'est que je suis assise au fin fond d'un canapé on ne peut plus confortable. Quant à mon esprit il s'auto-mutile à force de chercher sans relâche une raison à chaque acte. Je n'en peux plus.

Délicatement je retire ma main du visage de Yürèc, la plaçant ainsi sur l'une de mes deux cuisses qui ne cessent de trembler tandis que j'essaie tant bien que mal de rester la plus stoïque possible en exerçant une forte pression pour maintenir cette jambe agitée. Il est certain que je suis encore loin du contrôle parfait de soi-même mais je m'y essaie malgré tout. Je n'ai d'ailleurs rien à y perdre quand on y pense. Trop préoccupée je laisse, malgré moi, s'installer un silence pesant entre Yürèc et moi-même ; il faut dire que j'ai des difficultés à assembler des mots pour construire des phrases cohérentes. Baissant alors la tête, confuse, ce sont des larmes par dizaine qui se laissent attirer par la gravité, humectant mes joues devenues sales par l'assèchement des dernières gouttes d'eau avant de s'éterniser dans le creux de ma robe. Des images ne cessent d'être ressassées en mon for intérieur ; des réminiscences qui me reviennent, s'en allant remplacer des souvenirs inventés. C'en est trop.

Ce n'est qu'au bout de quelques longues minutes de souffrance dans le plus profond silence que je redresse mon visage, totalement défiguré par les larmes et les crispations, afin de m'exprimer avec une difficulté incommensurable. Ordinairement désignée comme étant une femme à la verve excellente, je dois admettre me sentir totalement délaissée de cette éloquence … Ou peut-être suis-je la fautive ? Après tout, vider sa vie de tout ce qui fait notre propre identité n'est-elle pas une forme de suicide ?


- Il arrive parfois que nos actes passés nous répugnent démesurément, au point que nous soyons contraints de nous réfugier derrière un semblant de vérité qui n'est en fait rien de plus qu'un mensonge.

Je plaque ma paume de main sur ma joue droite puis, d'un geste sec, j'essuie les dernières larmes qui continuent leur épopée avant d'effectuer le même manège sur mon autre joue qui est toute autant humide.

- Et c'est ainsi que se construit notre vie, sur un îlot de mensonges qui nous suivra tout le long de notre existence sans que l'on puisse admettre un jour ce qu'il s'est véritablement passé. Je ne me vois énoncer cette réalité un jour à qui que ce soit et encore moins aux personnes concernées c'est certain, mais je ne me vois guère plus continuer à vivre – si l'on peut appeler cela ainsi – avec ce poids sur la conscience.


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Il y a 13 ans | Le 04 Dec 2010 13:05:43

Je ne sais si je peux compter sur la discrétion de Yürèc ; après tout, ne vient-il pas de trahir une certaine confiance que je lui adressais jusqu'alors ? Le silence reprend peu à peu ses droits tandis que je baisse à nouveau la tête, la tenant fermement entre mes deux mains qui ne cessent d'exercer une pression plus ou moins importante contre mon crâne comme si elles souhaitent le voir fracassé. Vilaines. Je ferme les yeux le plus fortement possible tentant de vaincre le nouvel assaut des larmes, bien qu'assaillie par de nouvelles pensées : celles de mon rêve, en grande majorité. C'est un choix difficile qui m'est demandé, alors que je ne suis même pas en mesure de prendre ne serait-ce qu'une simple décision imbécile. J'en perds la tête.

Après tout, Yürèc n'est-il pas censé être celui que j'ai choisi pour poursuivre mon chemin éternel ? Il ne s'agit donc nullement d'une décision prise hâtivement, et par conséquent devrait appuyer l'avis qui énonce que je devrais lui faire confiance. Mais il s'est permis de lire ce qui à mes yeux me semble bien plus intime que le lien qui m'unie à lui. Seulement, ne suis-je pas en partie responsable ? Après tout, n'est-ce pas moi qui ait laissé ce journal là où tous peuvent le lire ? J'ai tenté le diable, il m'a rattrapé. Chacun son tour, après tout.

Douloureusement, je relève la tête. Je ne désire guère affronter le regard implorant de Yürèc, nullement envie de voir le mal que j'ai causé suite à cette erreur de jeunesse. J'attrape délicatement la main de celui qui, depuis le début, n'a guère bougé puis soupire légèrement avant d'oser prendre la parole une nouvelle fois.


- Il arrive parfois que la magie ne puisse combler les lacunes qu'entraîne l'absence d'une personne. Si seulement il avait été à mes côtés depuis le début, il aurait alors su que rien n'était de sa faute.

Je décline quelques instants mon regard, taisant alors mes mots afin de mieux les choisir pour la suite. Sans doute suis-je en train de faire la plus grosse erreur de ma vie, m'en allant me présenter comme une petite écervelée qui n'avait alors, à l'époque, rien d'autre pour se montrer intéressante que de faire des choix imbéciles. Mais je dois admettre que cela me procure, pour le moment, un allègement au niveau des épaules. J'ai tendu le fardeau, en attendant qu'il l'attrape.

- Ce que tu as toujours su de moi, mon Amour, n'a été rien de plus qu'un vilain mensonge. Je n'ai été embourbée dans la Legio Ombrae qu'une fois ma transformation effectuée. Il s'est en effet passé des choses entre le moment où j'ai quitté la demeure de Howl, et l'instant où j'ai pénétré en Nebullia pour la première fois. Pour tout te dire, j'ai commencé ma quête en me dirigeant vers un lieu de noblesse qui renfermait en son sein un pouvoir titanesque : la quête de n'importe quel individu assoiffé de puissance, me diras-tu. Très sûrement, mais il faut croire que cela n'a guère suffit.

Un spasme me parcoure violemment, alors que je revois ces deux crocs se planter violemment dans ma chair. Une douleur. Un hurlement. Une chute. Le début de la fin.

- Je suis la raison de ma transformation, Yürèc. Je suis la cause de mon déclin. Et ce désir infini de domination, qui ne cesse d'être présent et ne parvient à être comblé, me tue à petit feu. Sans compter cet ennui qui fait désormais partie intégrante de ma personne, mais sois rassuré tu n'es en aucun cas impliqué. Mon choix de devenir telle que je suis désormais a sans doute été effectué de manière prématurée, et autant le dire ainsi : je ne me le pardonnerai jamais.

Je fixe intensément Yürèc de mes petits yeux fatigué, puis tente du mieux possible de lui adresser un mince sourire.

- Oui, tu as très bien compris. Mon père n'a jamais été la cause de cette tare qui s'est finalement entichée de moi. Je suis la seule responsable, l'imbécile à n'avoir su résister à la tentation du Diable en raison de ses trop grands désirs.