Ombrae Vigilo

Membre supprimé
Il y a 13 ans | Le 05 Jun 2010 01:49:51
Préface


La construction de la crypte avait été faite en secret. Personne, à part les esclaves qui ne quittaient pas le chantier, ainsi qu’Elessar et Moach, ne savait qu’une crypte était construite. De plus, les deux maîtres de Nebullia étaient les seuls à connaître la raison de la construction de la crypte. Et pourtant, elle était toute simple. Malgré l’immortalité dont les Gulr jouissaient, Moach n’en était pas moins vieux : pour maintenir ses pouvoirs magiques toujours aussi meurtriers, il devait entrer dans un sommeil réparateur, protégé par une science inconnue des Hommes au sens général : les appareils que les Gulr avaient construits, au temps du Suprematio, n’étaient exploitables que par la race de leurs créateurs. Moach pouvait donc s’en servir en toute liberté.

Il avait donc convoqué Elessar, et lui avait remis le Bâton de Commandement. Puis, ils avaient fait construire la crypte, qu’ils avaient protégé ensuite des sorts de protections les plus efficaces, qui feraient de l’endroit un lieu inviolable. Enfin, le Gulr avait fait apporter tous les appareils étranges qui s’entassaient dans les caves de Nebullia. Il les avait disposés selon un ordre strict : cette science était magique, et chaque évènement avait sa valeur propre.

Puis, il s’était couché sur le lit. Après une dernière prière, et avoir donné ses derniers ordres à Elessar, son fidèle bras droit, il s’endormit. Dans un dernier moment de conscience, il vit le Censor actionner consciencieusement les appareils. Pour combien de temps Moach s’endormait-il ? Une dizaine d’années. Sauf si Elessar venait le réveiller. Et seul un évènement de la plus haute importance pourrait décider le Censor à accomplir un acte pareil…

Membre supprimé
Il y a 13 ans | Le 05 Jun 2010 01:52:45
Les paupières du Gulr fermèrent l’enveloppe charnelle de la dernière âme supérieure encore en vie. Et justement, à travers ce sommeil, c’est l’âme du Gulr qui s’enleva du corps. Au début, elle flotta, au-dessus de la carcasse désormais vide, semblant attendre quelque chose. Puis, invisible, imperceptible, elle s’éleva dans les airs. Puisque cette âme n’était plus qu’une conscience vaporeuse, les murs ne pouvaient l’arrêter : elle passa donc au sein même des matériaux, s’élevant toujours.

Elle ne s’arrêta pas lorsqu’elle domina la cime des arbres du Keytek, dont certains s’élevaient à quelques centaines de mètres. Elle ne s’arrêta pas davantage lorsque s’élevant dans les cieux assombris par la nuit, elle vit enfin, à l’horizon, le spectre fugace du soleil. Elle s’éleva encore et encore… Traversant l’atmosphère, le système solaire, la galaxie et ses étoiles…

Et puis, rapidement, ce fut le retour : un retour rapide, vertigineux. Pour qui avait encore une enveloppe charnelle, la montée d’adrénaline eût été mortelle : une telle vitesse n’était abordable que sous la forme d’un Gulr. Lorsqu’enfin, l’âme regagna le corps, et que ce corps s’éveilla, la crypte laissait apparaître en son plafond un trou énorme. Les appareils sur le côté fonctionnaient toujours.

Mais lorsque le Gulr se leva, et qu’il sorti dans la pâleur de l’aube, il vit que tout ici était différent. Certes, il était à Nebullia. Mais le paysage avait tellement changé. Les arbres du Keytek étaient entièrement cramés. Au loin, Nebullia, la prestigieuse capitale, n’était plus qu’un tas de ruines. Moach n’y croyait pas. Comment le prestigieux empire avait pu si vite tomber dans la décadence et le chaos ? Quelle armée avait été capable de mettre à bas la puissance d’Elessar ?

Et surtout, cette question qui revenait sans cesse le frapper, tel le marteau qu’on abat sur une épée quand on la forge : combien de temps avait-il dormi ? Ses questions commençaient à lui faire perdre le fil de sa raison, quand une créature ailée vint à se poser devant lui. Sa blancheur était telle qu’on avait du mal à en supporter l’éclat. Il semblait s’agir d’un aigle, mais le Gulr n’en était pas sûr. Interloqué, le Gulr ne savait que faire. C’est alors que, chose des plus incroyables, l’oiseau se mit à parler.


"A toi, dernier survivant d'une race de ma création,
Je te dédie ce message.
Depuis la création de l'univers,
Tu parcours les terres de l'Eden et celles de Nebullia.
Frappant toujours avec courage,
Tu fus le dernier en qui je plaçais mes espoirs.

Mais tu fus exilé en Eden,
Où sur cette terre qui représente l'équilibre par rapport à ma nature,
Tu tombais gravement malade.

Tu ne le savais pas, car je ne désirais pas te perdre tout de suite.
Tu as alors formé un disciple, qui aujourd'hui en sait beaucoup sur les Gulr
Elessar, le Censor.

Il en sait beaucoup, trop d'ailleurs, et voila qui m'amène à te donner mon dernier ordre.
Tu es malade, et ne dispose plus que de quelques heures,
Alors pratique ce que jadis, les Gulr de l'Eden t'ont enseigné,
Pratique ce qui t'a rendu si puissant.

Et ne fais plus qu'un avec Elessar. Je le juge digne de devenir un Gulr."

Gilmambor Saeculia Gulr
Legio Ombrae


Déconnecté
 Message
Posts : 101
Threads : 8
Il y a 13 ans | Le 05 Jun 2010 01:56:47


[…]

Encore une pierre enflammée, fruit d’une catapulte qui manque de m’écraser sous sa masse des plus importantes. Là-haut, à flan de falaise, je scrute mes troupes qui s’acharnent contre cette peuplade du sud de Nebullia, bien souvent jugée irréductible. Hélas pour eux, au vu de la bataille, ce jugement va se révéler faux. L’avant-garde de mes soldats, soutenue par les archers et sorciers embusqués à l’arrière, avance sans peine dans le sol pourtant marécageux de l’endroit. Je fais un signe à Yareth. Avec un sourire, celui-ci donne un ordre, et quelques secondes après, c’est toute l’infanterie qui se met en branle, anéantissant, brûlant et annihilant toute forme de résistance sur son passage. L’issue de la bataille ne laisse plus aucun doute.

Et pourtant.

Un voile se glisse, doucement, dans mes yeux. Au début cela ne me gène absolument pas, et puis ça devient un petit fourmillement, je vois des points noirs, puis je finis par ne plus rien voir… C’est comme si j’avais fermé mes yeux, sauf que je sais qu’ils sont encore grand ouverts… Et puis, parallèlement, il y a cette douleur, sourde et crétine, dans ma tête, qui s’installe aussi progressivement que la perte de la vue. Pour le moment je suis encore conscient, et aux cris que j’entends de mon état-major, je devine que je me suis affalé. Je les sens autour de moi, à travers cette migraine qui n’en finit plus de s’intensifier, je les sens qui me demandent ce qui m’arrive… Ils ne peuvent pas comprendre, et moi non plus.

Je ne sais pas ce qui m’arrive, je ne suis même plus capable de réfléchir, tellement la douleur est lourde. Je m’évanouis sous l’effet conjugué de l’incompréhension et de la douleur.

[...]

Membre supprimé
Il y a 13 ans | Le 05 Jun 2010 02:00:48
Le Gulr, dernier garant de la race supérieure, n’eut d’autre choix qu’acquiescer. Il n’était que le serviteur du Keya, doté certes de pouvoirs dépassant l’entendement mais qui ne devaient pas être utilisés pour un autre raison que celle de servir le créateur. Et au fond de lui-même, il se doutait de cette maladie, il savait que plus jamais les choses ne serait ce qu’elles avaient été par le passé, il savait que son temps était compté. Et surtout, il avait la satisfaction d’avoir lui-même formé celui qui deviendrait le premier d’une nouvelle lignée : Elessar.

Elessar… Qui d’autre pouvait reprendre les rênes de la glorieuse cité de Nebullia ? Durant tout le temps où les Gulr avaient été absents de ce monde, le Censor n’avait jamais désespéré du retour de ses maîtres. Et voila que maintenant, le Keya allait lui faire un présent, de ceux qu’on ne pouvait refuser, ou même espérer : Elessar allait entrer dans l’histoire comme le premier humain avec qui un Gulr allait fusionner.

Car tel était l’ordre du Keya. Et subitement, la lumière se fit dans l’esprit du vieux Moach. Son réveil, les arbres brûlés, les ruines : tout n’était qu’une simple mais cependant habile mise en scène du Keya, qui lui montrait ainsi l’avenir de Nebullia si Elessar ne devenait pas le Gulr, et l’Empereur. La décadence, le chaos, la destruction : il semblait qu’Elessar était le seul espoir de la Legio Ombrae.

En se concentrant, Moach quitta une nouvelle fois son corps. De longues heures qui ne signifient rien pour un esprit désincarné, il resta là, à observer son corps. Il savait très bien que le moment était venu, et que plus jamais, il ne reverrait cette crypte, que d’ailleurs, il ne verrait plus jamais rien. La mort l’attendait, il allait déverser son âme et ses connaissances dans le corps d’Elessar, qu’il allait refaçonner, et puis il s’en irait, rejoindre tous les autres Gulr, dans cet endroit d’où jamais personne n’est revenu.

Lentement de nouveau, l’âme s’éleva dans les airs. Mais elle n’alla guère loin cette fois : on lui rapportait qu’Elessar était souffrant. Dans cette maladie incomprise des soigneurs, Moach vit le geste du Keya. Il alla donc dans la chambre du Censor où se dernier reposait. Par bonheur, par hasard ou par intervention divine, le souffrant était seul plongé dans une espèce de coma. Le Gulr savait qu’il pourrait y rester des siècles et des siècles, et que lui seul avait la clé de cette inconscience.

L’âme se coucha sur Elessar, l’enveloppant d’un halo rougeâtre. Alors, tout se passa très vite. Elessar parut s’élever dans les airs, et les appartements s’illuminèrent des éclairs blanchâtres qui se dégageaient dangereusement du corps d’Elessar. Ce corps qui d’ailleurs se transformait : la fusion s’opérait à merveille. Enfin, Elessar redescendit, et toujours inconscient, était étendu dans son lit. Pour Moach, il expira sans spectateurs, quelques minutes plus tard. Ainsi périt le dernier des Gulr, ayant offert son héritage.

Gilmambor Saeculia Gulr
Legio Ombrae


Déconnecté
 Message
Posts : 101
Threads : 8
Il y a 13 ans | Le 05 Jun 2010 02:05:46
Le soufflement d’une explosion me fait bondir dans mon lit. Suis-je toujours sur le champ de bataille ? Si oui, pourquoi ma tente est-elle meublée de la même façon que mes appartements de Nebullia ? Cela n’est pas logique. Des images parviennent en trombe, je n’en puis plus… Ces images, venant d'une autre existence que la mienne, je le sais, elles me sont totalement étrangères. Cette migraine me reprend, mais d’un autre genre, comme si elle provenait de plus loin. Je vois des choses que je n’ai jamais vécues, c’est à rien n’y comprendre, et ma raison se perd dans cet enchevêtrement de pensées étrangères. Je crie, en espérant vainement que ça va arranger les choses.

Bien au contraire. Certes, les servants accoururent, soulagés de me savoir vivant par ce cri. Mais ils restent tous sur le pallier de ma chambre, comme estomaqués. On peut croire qu’ils voient en moi un revenant. Et, au même instant, tous se plaquent au sol, embrassant le marbre, pleurant à chaudes larmes. Je ne comprends absolument rien. Ce n’est que quand je me lève, que j’aperçois que mes mains sont gantées de cuir, et que je suis vêtu d’une longue soutane de la même couleur brune. Le cœur battant, je commence à me douter de ce qui m’est arrivé.

Mais je ne veux y croire, c’est impossible ! Pourquoi moi ? Certes, toute ma vie, tous mes actes, toutes mes pensées sont entièrement tournées vers le Keya, mais enfin, un tel présent ne s’est jamais vu ! Me déplaçant, j’arrive devant une glace, et je reste bouche bée. Le reflet renvoyé n’est autre que celui d’un Gulr, qui présente une caractéristique étrange… un œil blanc, pour la pureté d’Eziak, et un rouge, pour la soif de pouvoir de Moach…

Mes deux instructeurs. Je comprends alors d’où venait l’explosion qui m’a réveillé. Par la fenêtre, je vois des ruines, à l’endroit où s’élevait encore hier la crypte des Gulr. C’est fini. Je suis le seul, dorénavant. Et ce corps, cette puissance, cette mémoire, ce sont ces ultimes cadeaux. Une voix acerbe me fait me retourner. Aelildan m’apostrophe, me demandant si ce qu’on dit est bien vrai. Puis il s’interrompt, car je viens de me retourner. Il n’a que le temps de souffler le mot fatidique : empereur.

Et, ce mot dit, tous s'agenouillent, en un même geste. Silencieusement, ils attendent que j'honore mon rang.

Et ce dernier me convient bien. C’est un nouveau statut, pour une nouvelle vie, pour un nouveau départ. La recherche de la puissance, et la vengeance, tels seront mes nouveaux crédos. Et pour ces actes, il me faut un nouveau nom. Gilmambor, empereur de la Legio Ombrae. Ainsi, le maudit refera surface.