J’observe les flammes qui dansent dans l’âtre de mon salon personnel à la Nécropole HôSTiLe, j’aime regarder le feu, cela me calme et m’aide à réfléchir. Surement une histoire d’origine démoniaque et chaotique. J’ai ce soir, grand besoin de réfléchir, réfléchir à ce que je viens de faire et à ce que je vais faire par la suite. Après tout, je viens d’abandonner ma fille dans le Keytek à la suite d’une lourde décision, pendant des semaines je me suis affairé à peser le pour et le contre concernant son éducation avant de la faire apparaitre du Néant. J’ai du alors trancher en faveur de son abandon dans cette forêt, figurant dans le domaine des Ombrae, protégée par des filandres d’ombre qui la laisseront sortir en temps voulu.
Pourquoi abandonner ma propre fille me demanderont certains. Pour moi ce choix est clair et sans appel. La cité HôSTiLe renferme les pires mœurs de ce monde perpétrées par des mortels : alcoolisme à l’extrême, orgies, consommations accrues de fioles emplies d’alchimie, quasi esclavagismes des femmes pour effectuer des pratiques bien plus douteuses que le nettoyage et la cuisine … et j’en passe. Je refuse que ma fille serve aux lubies de mes compères. Evidement, je sais très bien qu’une grosse partie de cette bande aura du respect à l’égard de cette enfant, tout simplement parce qu’elle est mienne, mais je n’ai pas encore assez d’influence auprès de cette engeance au complet pour garantir la sécurité totale de ma fille.
Je me masse un peu les sinus et enlève mon large chapeau noir qui cache habituellement une importante partie de mon visage. J’étais debout jusqu’à présent, debout derrière l’un de mes deux fauteuils en cuir en face de la cheminée. Ces deux fauteuils, très confortable soit dit en passant, je les avais placés légèrement en diagonales l’un par rapport à l’autre, pour que, lors de longues discussions, chacun puisse être face à l’autre sans devoir se courber et se faire mal au cou – rien de plus gênant qu’un torticolis – mais aussi sans avoir un seul côté de son corps qui se réchauffe. Je sais c'est un détail auquel personne ne prêtera attention, mais que voulez vous, je suis maniaque.
Dés mon arrivée dans cette assemblée meurtrière, je me suis, et c’est le mot, amusé à arpenter chaque couloir, l’un après l’autre. Surtout les moins fréquentés je dois dire, pour être ainsi à l’abri de l’agitation de cette troupe quelque peu barbare. J’avais, au bout de quelques jours, trouvé un ancien salon inoccupé, une énorme salle rattachée à une chambre et avais chargé quelques uns de nos esclaves de ranger et aménager ce couple de pièces à ma façon.
Cela fait bien deux ou trois longues décennies que j’occupe ce salon et malgré ce qui s’y passe, car il faut bien avouer que je ne déroge pas aux traditions HôSTiLes, l’on ne peut presque jamais y sentir les effluves de l’alcool dont je suis si grand consommateur et encore moins ceux de la mort … je dois surement tenir le lieu le plus propre de la Nécropole, mis à part bien sur, certains couloirs. Les murs sont en roche noire, roche dont je ne connais guère la nature, avec ça et là, de larges pentacles dessinés sur la pierre. Sorts de protection en tout genre et portails vers d’autres plans. Le dernier à avoir été utilisé se trouve juste au dessus du foyer, lien vers mon stock d’âmes … oui je n’ai point trouvé de nom à ce monde, manque d’imagination et d’esthétisme mais après tout je suis le seul à en connaitre l’existence et donc n’ai pas besoin de le nommer.
Je m’assois et me calle au fond de mon siège
« Il va falloir que tu la retrouve … »
Oui, il le faudra tôt ou tard, pour parfaire la condition que je lui ai octroyée. Le Chaos et le sadisme bouillonnent encore dans ses veines et son esprit. Mais infligera-t-elle la douleur ? Inspirera-t-elle la peur ? Ou quittera-t-elle le chemin que je lui ai tracé ?
Qui sait, un bon samaritain pourrait la recueillir, la canaliser et la faire évoluer sur un chemin qui m’est contraire. Je ne peux laisser faire ça !
Je passe machinalement ma main dans mes cheveux et dépose mon couvre-chef sur la petite table en bois brut entre les deux fauteuils. Une table tachetée des auréoles de verres que je pouvais boire en une seule soirée, ou deux … en matière de boissons je ne suis pas très maniaque par contre et donc je laisse trainer mes verres ça et là.
« Il serait bien fâcheux que tu la perdes … Alk’ … »
Comment s’assurer qu’elle fera ce qui doit être fait, sans devoir bien sur me révéler à elle ? Envoyer quelqu’un en qui j’ai confiance ? Pourquoi pas, oui. Mais je suis le seul à vraiment pouvoir lui inculquer ce qui doit lui être enseigné.
Comment pourrais-je veiller sur elle sans que je sois pour autant obligé de devoir quitter les hostile ou encore, et surtout, comment l'éduquer sans être amené à me présenter à elle ?
« … »