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Emporté depuis la nuit ici-bas par le souffle inspiré du rêve, je me tenais au bord d'une route, sous un ciel pur entièrement doré, dans un pays de montagnes extraordinaire.
Je sentais, sans les regarder, le lustre, les aspérités et les arêtes d'immenses rochers mosaïqués, les gouffres aveuglants, le scintillement miroitant de nombreux lacs en contrebas, derrière moi.

Mon âme était saisie d'une sensation de polychromie, de liberté et de sublimité divines : je savais que j'étais au paradis. Mais dans mon âme terrestre, il n'y avait qu'une seule et unique pensée : pieds nus et misérable, au bord de cette route de montagne, j'attendais les habitants des cieux, charitables et radieux, et le vent, tel un pressentiment du miracle, jouait dans mes cheveux, emplissait les ravins d'une vibration cristalline.

Soudain, alors que je suffoquais de la splendeur de ces lieux, la route sur laquelle je me tenais s'emplit d'une bourrasque d'ailes... Les anges que j'attendais affluèrent, attroupés en une foule venue de précipices aveuglants. Leur démarche paraissait éthérée, tels des remous de nuages colorés, leurs visages diaphanes restaient impassibles, et seuls leurs cils nitescents frémissaient d'exaltation. Parmi eux planaient des oiseaux turquoise secoués d'un rire de jeune fille pleine de bonheur et d'agiles animaux orange prodigieusement mouchetés de noir cabriolaient : ils ondulaient dans les airs, projetaient silencieusement leurs pattes satinées et attrapaient les fleurs qui volaient ; ils me frôlaient, tournoyant et gambadant, les yeux radieux.
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