Ah ! ... Cette morsure ! Je l'avais attendue depuis le moment où j'avais lu cette lettre de ma fille, m'annonçant sa venue expresse, je l'avais imaginée, idéalisée ... mais je l'ai encore, et toujours, sous estimée. Cette morsure, douce et violente à la fois, ces canines qui transpercent ma peau, ces veines qui se vident et ce corps qui s'inquiète, ma peau devient froide, la blessure l'affole et il n'en comprend pas l'origine, alors que mon esprit sait ce qui se passe. Je me délecte de cette sensation de crainte corporelle et de confiance spirituelle qui viennent se confronter dans mon système nerveux. Un large sourire nait sur mon visage, je sens quelques gouttes couler et tenter d'aller se prendre dans ma longue veste noire mais ma fille, aussi rapide que l'éclair, s'empresse de les capturer et les récolter avec ses coups de langue. Mes nerfs et mes muscles se tendent un à un, je sens mon sang quitter mon corps mais je sens aussi des parcelles de moi suivre ce flot d'hémoglobine. Ô magnifique sensation ...
Malgré moi, cet acte lui permet d'apercevoir certains de mes souvenirs, cette fois-ci je n'ai pris le temps de les arranger chronologiquement, c'est donc un flot chaotique qui envahi son cerveau et je la sens tressaillir par moment, elle est surprise, désemparée ... mais apparemment cette sensation de totale incompréhension lui sied, ne s'arrêtant pas de boire mon sang. En mon sang réside aussi une forme d'arcane lui transmettant, à chaque fois un peu plus, des parcelles de ma toute puissance.
Des picotements apparaissent dans les muscles de ma nuque et de mon épaule, elle boit à une vitesse folle, si les première gorgées avalées eurent pour seul but d'étancher sa soif, celles qui suivirent ne furent que gourmandise. Vilain défaut que la gourmandise, et ne voulant pas me sentir mal pour plusieurs heures, je décide à contre cœur de la repousser un peu. Je regarde le sang s'épancher de mes plaies et de sa bouche, elle me fait de petits yeux, signe de mécontentement.
Je suis désolé ma fille, mais toutes, et je dis bien toutes, les bonnes choses ont une fin !
Je passe ma main sur mes blessures, la laisse à cet endroit quelques secondes, mes pupilles s'agrandissent de façon surprenante pendant ce même laps de temps, si bien que je suis aveuglé par le feu. Lorsque je retire ma main, les trous ont disparu, seuls restent les traces de sang devenue noirâtre avec la coagulation. Je me remets de ce moment qui fut, disons le clairement, sensationnel.
Ce bébé avait beau être une bonne nouvelle en soi, il soulevait tout de même une certaine organisation : son éducation, sa protection. Après tout, il ne faudrait pas que celui devienne un simple barbare aux muscles hypertrophié et à la cervelle rabougrie.
Comment feras-tu Elenna ? Comment le protègeras-tu ? Ta formation n'est pas terminée, Yürèc est souvent loin de toi pour parfaire son art du combat et moi je demeure ici, je ne peux décemment m'occuper de cet enfant en cette cité plus que douteuse, même si personne n'oserait y toucher ... je me refuse d'éduquer un enfant en ce lieu ... comme je l'ai refusé à ton époque et ce qui m'a forcé à t'abandonner ...
J'enlève ma fille de mes genoux, me lève et va chercher une bouteille derrière le comptoir. Remplaçons ce sang offert par de l'éthanol. Ça désaltère et ça ouvre l'esprit ... comme a dit un vieux sage un jour :
<< L'alcool a été créé pour ouvrir les esprits et rendre les femmes faciles ... >>
Une phrase que jamais je ne nierai de tout mon vivant et je l'inculquerai à toute personne qui se targue de ne jamais toucher à la boisson enivrante. Dont la meilleure à mes yeux : la vodka. Ce liquide est comme moi, une vraie vodka est piquante, forte et l'on en garde le gout longtemps dans la bouche ... Je divague là ... ne nous emportons pas ! Restons sérieux.
J'apprécie cette taverne, car elle regorge d'ancienne bouteilles que je suis évidemment le seul à boire, car plus personne ne passe ici. Dans ces anciennes bouteilles ont peu trouver de tout, absinthe, vodka, liqueur de pomme, du vin et des fûts de bière qui ont surement plus de 10 ans. L'on peut même trouver - mais j'éviterai de le dire à ma fille aujourd'hui, elle a déjà trop bu et elle risque de subir les effets néfastes de l'alcool - des bouteilles de sang qu'on a laissé s'alcooliser avec le temps. En fait ces bouteilles sont nées d'un délire Hostile que je lui raconterai un jour.
Je me verse donc un verre, généreusement, admettons le. Je commence à tranquillement boire le liquide translucide qui se trouve dans ce récipient. J'observe toujours autant ma fille, la laissant réfléchir à mes paroles.
Je l'invite à prendre un autre fauteuil juste à côté de celui où j'étais assis quelques minutes avant, et me rassied. Je lui prends délicatement la main et plonge mon regard dans le sien.
Réfléchis bien ma fille, je ne voudrais pas que tu répètes les erreurs que j'ai pu faire dans mon passé, je veux que cet enfant sache qui il est et qu'il n'ait pas à errer de longues années avant d'être sur de son identité ...
Je souhaite que ce bébé soit heureux dés son premier jour
Tu ne peux imaginer, et je me répète, je le sais. Mais tu ne peux vraiment pas imaginer à quel point je suis content et fier de toi.
Je continue de tenir son regard pendant encore de longues minutes et je finis par vider mon verre et me relève à nouveau pour m'en verser un énième ...