Un éclair zébra l’horizon déjà noirci des nuages qui s’amoncelaient et qui déversaient sur les terres d’argents une pluie torrentielle. Face à ce paysage qu’il admirait, le Régent, Etejena Sihus, était émerveillé. Derrière lui, Dunwich se racla la gorge. Sous le capuchon sombre qui cachait son visage meurtri, Aethen sourit. Il comprenait l’impatience de son apprenti. Lui aussi, il l’avait ressenti, dans son autre vie… Il abandonna finalement le tableau orageux, pour se retourner.
« Tu as raison, Dunwich. Il est l’heure. Nos amis ne nous attendrons pas. Allons-y.»
Et c’est ainsi que, dans ce début de soirée, le maître et l’apprenti quittèrent, le temps d’un rendez-vous, leur repaire. Leur destination n’était pas proche : aussi le voyage dura plusieurs jours. Aethen avait décidé de voyager incognito. Aussi étaient-ils partis à pieds, et n’utilisèrent point de pouvoirs magiques pour arriver au point de rendez-vous.
Il ne fallait pas se faire reconnaître. Jusqu’à son officialisation, la chose devait rester secrète. Elle ne devait être dévoilée qu’aux pauvres ères grouillant en ce bas monde que lorsque les choses seraient sûres. Et alors, sur les terres d’argents, le glas de la démocratie, de la liberté, de l’organisation sonnera, laissant place, inexorablement, au chaos.
Car voila le but qu’implicitement, tous recherchaient. Le chaos, mais un chaos si ténébreux, si maléfique… La destruction pure et simple de tous les sentiments autres que la tristesse, le deuil ou l’envie de se suicider. Et lui, Etejena sihus, trônant au-dessus de ce massacre, entouré de ceux qui le soutiendront. La vision n’était que virtuelle, mais un jour où l’autre, Aethen en était certain, elle se réaliserait.
Et alors, seraient récompensés au-delà de toutes leurs espérances ceux dont l’aide aura été précieuse. Le savoir, et le pouvoir, voici ce qu’ils gagneraient, mais en quantité suffisante pour pouvoir régner au-dessus des ténèbres et de l’enfer que le monde connu deviendra.
C’est ainsi que, perdu dans ses méditations, le Régent atteignit le point de rendez-vous. L’endroit se présenta comme un arbre solitaire, funestement surnommé l’arbre des Pendus. Arrivés là, les deux entités maléfiques s’arrêtèrent, et attendirent. Ils avaient un peu d’avance, aussi s’écoula-t-il un peu de temps pour qu’une troupe assez nombreuse, non identifiable à cause du crépuscule qui s’était installé, ne vienne à leur rencontre.
Aethen sonda l’air autour de lui, et n’y constata aucune animosité. Aussi se contenta-t-il de prononcer ces quelques mots, en guise de salutations :
« Bonsoir. Vous êtes ponctuels. »