Je marche d'un pas hésitant. Mes forces s'en sont allés, mon corps est brisé. Depuis des années j'erre.
Mes quêtes se sont soldées par des échecs et j'ai abandonné mes prétentions et mes espoirs, brisés d'eux-même par une contemplation excessive de mes succès passés.
J'ai été grand, j'ai été adulé et espéré. J'avais de fidèles lieutenants, des servants dévoués et ma troupe formait une armée solide. Nous avions des ambitions, des buts, de la vivacité, de la détermination.
Où est tout cela? Cela n'est plus.
J'ai tout quitté un soir, lassé, blasé, écœuré par la fatuité de ce monde et de ceux qui le peuplent. J'ai tout quitté, espérant me débarrasser de ma propre fatuité.
Les rapines apportant l'or, l'or apportant le pouvoir, le pouvoir apportant l'ennui, je me suis lassé de ce que j'ai construit.
La Guilde des Voleurs, fleuron d'immoralité et bastion qui accueillait en son giron les gueux, les tire-bourses, les aigre-fin, les truands, les malfaiteurs, pick-pickpockets, les filous, les pressureurs et autres indésirables chassés et pourchassés par les honnêtes gens, les paladins blancs et les adeptes d'une justice par trop expéditive, tenants d'une morale désuète, la Guilde, disais-je que j'avais créé, réunissant en son sein les meilleurs voleurs, les plus agiles et les plus âpres au gain, a été dissoute.
Mon passé est effacé et je n'ai aucun regret. Je ne regrette ni la puissance, ni la gloire. Si, j'ai un regret : j'ai trahi mes serments et mes compagnons en les abandonnant.
C'est ainsi qu'affaibli par les années, le cheveux autrefois noir se teintant de gris, le visage se ravinant davantage avec l'âge et une vie d'infortune, je reviens.
J'hésite à franchir les frontières des Terres d'argent. J'hésite... et pourtant. Je connais cette région mieux que quiconque. Et je sais que je peux y refaire fortune, recréer mon ordre, me refaire un nom. La puissance m'attend, je le sais, le sens.
Une impériosité, un frisson me parcourt l'échine. J'avance. J'y suis.
Je m'étais juré... Mais voilà... Un voleur n'a pas de parole, et certainement pas envers lui-même.