Ma main se pose sur les traces encore fraîche, sur le sol de terre humide. Mon index caresse les contours que les pieds bottés de ma proie à laissé. Puis je trempe mon doigt dans une flaque de sang.
Je reste de marbre. Aucun sentiment ne s’affiche sur mon visage. Qu’un inconnu vive ou meurt dans cette forêt maudite : je n’en ai que faire. Pourtant, je suis poussée par la curiosité.
Je me redresse. Entoure mes bras autour du cou d’Ombre, une panthère colossale aux poils noirs, qui se situe à mes côtés. Je lui murmure quelques mots à l’oreille, puis grimpe sur son dos. Je vérifie que mes lances sont toujours accrochées derrière moi, au niveau de ma ceinture, tandis que la bête renifle l’hémoglobine sur le sol, puis fait quelques pas en avant.
Souffrance. Flammes brûlantes. Qui partent de mon bras gauche, et qui se propagent dans tout mon être.
Inutile de ce tordre de douleur. Je n’ai ni le temps de le faire, ni l’envie. Je me contente de serrer les dents.
Ombre ressent ma colère, malgré qu’elle soit intérieure. Elle tourne lentement la tête, ses yeux jaunes m’examinent avec soin. Ses muscles sont tendus sous mes doigts. Je lui fais un signe de tête. Signe de départ. Et la panthère prend son élan, se met à courir à toute vitesse.
Je baisse mon buste, pose ma joue sur les poils soyeux de l’animal. Inutile de m’assommer avec une des grosses branches qui passent au dessus de ma tête. Il ne manquerait plus que ça.
Je jette un coup d’œil autour de moi. Je distingue des couleurs. Du vert. Du marron.
Et du rouge. Un rouge qui devient beaucoup plus net au fil de la course.
Je ferme les yeux. J’écoute. Aucun bruit. Tant mieux. Je n’aime guère les piaillements des oiseaux. Les piafs, je les aime surtout quand ils grillent sur un feu de bois. La viande d’un volatile, quand elle est bien cuite, est délicieuse.
Je rouvre mes paupières. Je constate que le soleil commence à se lever, un peu de lumière traverse le feuillage des arbres. Je n’aime pas le soleil. Il rallume le poison dans mes veines.
Quelle idée de rechercher un inconnu, ou une inconnue, que je ne connais même pas, et qui se trouve à l’agonie. Après tout, c’est possible que je fasse tout ce chemin pour finir par enterrer un cadavre.
En plus de ça, je suis à jeun. Mon estomac grogne depuis un bon moment, sans que je réponde à ses cris plaintifs.
Ombre s’arrête. Je relève mon buste maintenant que je n’ai plus de branches à éviter au dessus de moi. Je jette un coup d’œil devant moi. Puis, je descends tranquillement du dos de la l’énorme panthère. Je serre dans ma main une de mes lances favorites.
Et je fixe l’homme de mes yeux noirs.