<< Maman... Maman... MAMAN !!! >>

Le petit garçon hurlait ce mot comme si sa vie en dépendait. Il se tortillait de gauche à droite couché contre la terre dure et froide qui lui servait de paillasse. Sa respiration était haletante, son corps, parcouru de tremblements. Ses cheveux d'un noir de jet tenaient plaqués contre son front à cause de la sueur qui avait également envahit son haillon ainsi que le bout de tissus qui lui couvrait le buste.

Tout n'était que néant autour de l'enfant, maintenant recroquevillé sur lui-même au pied d'un arbre. La noirceur de la nuit ne laissait rien percevoir des alentours. Les rayons de la Lune n'arrivaient même pas à percer les nombreuses branches feuillues de la forêt.



<< Cours Tomy, vite! Va-t-en! >>

Les yeux clos, serrant sa mère autant que lui permettait sa faible force, l'enfant sanglotait. Il ne comprenait pas ce qu'il se passait. Cela faisait maintenant une semaine qu'il voyageait avec ses parents en compagnie d'une dizaine d'autres familles dans les plaines verdoyantes des Terres Argentées. Ils avaient quitté leur village comme de nombreuses personnes pour tenter la grande aventure, pour enfin vivre dignement dans un monde dont tous rêvaient. Chaque soir, le Sage, comme on avait coutume de l'appeler, racontait des contes aux enfants du petit groupe sur les terres qui allaient bientôt leur servir de foyer. Il leur parlait de ces animaux tous plus magnifiques les uns que les autres, de cette multitude d'hommes et de femmes qui provenaient de tous les coins du Monde. Les yeux scintillants de joie, les bouches grandes ouvertes, les enfants buvaient chaque parole qu'on voulait bien leur offrir avant de se coucher pour rêver d'un monde merveilleux qu'ils allaient enfin découvrir, dans quelques jours seulement.

Mais cette nuit - là, quelque chose d'inhabituelle c'était produit. Après s'être emmitouflé sous une épaisse couverture et avoir reçu le bisou quotidien de sa mère, des cris de panique se firent entendre du côté opposé du petit campement. Son père arriva aussi tôt, tenant une épée, qui n'avait jamais quitté son étau, à la main .

<< Des chiens d'Aethen! Il faut que vous partiez, rapidement! >>

Jamais il n'avait vu son père dans un tel état. Il parlait précipitamment. Ses yeux reflétaient une émotion dont le jeune garçon ne comprenait pas la signification. Son regard se posa ensuite sur sa mère dont la pâleur le rendit encore plus perplexe. Après un baiser de quelques secondes, son père partit dans la direction d'où provenaient des bruits de combat.

<< Je veux aussi y aller maman! Je veux faire comme papa! Les chiens me font pas peur , je peux y aller dis?>>

Tout en parlant, il ramassa un bout de bois en forme d'épée que lui avait confectionné son père. Il regarda sa mère, sautant d'un pied à l'autre comme lorsqu'il demandait la permission d'aller jouer avec ses amis les journées de beaux temps. La réaction de sa mère le surpris au plus au point, elle qui était d'habitude si souple pour ce genre de chose. Elle se précipita vers son sac, y rangeant tout ce qui se trouvaient à porté de main, puis parti en courant après lui avoir fermement prit la main.

Tout autour d'eux n'était que chaos. Les femmes et les enfants tentaient désespérément de s'enfuir, chacun prenant une direction différente. Tous les hommes étaient occupés à combattre les pillards. Se laissant conduire par sa mère, le petit garçon regarda en arrière. Il eut un hoquet de frayeur lorsqu'il aperçu les « chiens » mentionnés par son père. Des hommes vêtues de noir, portant des masques et armés de sabre étaient en plein combat avec les amis de ses parents. Soudain, la silhouette de son père lui apparu. Il courrait dans leur direction, tenant de la main gauche son bras droit dont le bout manquait.

<< PAPA ! >>


L'enfant arriva à se dégager de la poignée de sa mère et partit en direction de son père mutilé. Avant qu'il n'arrive à sa hauteur, celui-ci s'écroula au sol, face contre terre. Sa respiration n'était pas continue. A chaque expiration, un crachotement se faisait entendre accompagné de filets de sang. L'enfant se jeta, contre son père des larmes commençant à lui brouiller la vue malgré son incompréhension total de la situation.

<< Papa, relève toi! On doit partir avec maman! Allez... s'il te plait!>>

Il essaya vainement de soulever son père qui était bien plus grand et lourd que lui. Des émotions fortes commencèrent à l'envahir. La peur lui nouait le ventre. Il comprenait maintenant que c'était cela qu'il avait vu dans les yeux de son père. Il était en colère aussi. En colère contre ces gens qui venaient troubler leur voyage pour une vie magnifique, en colère contre son père qui restait couché là alors qu'ils devaient s'enfuir, en colère contre sa mère qui s'était écroulé à côté de son mari en pleur au lieu de continuer à courir, en colère contre lui-même car il ne savait rien faire pour arranger tout cela...

<< Cours Tomy, vite! Va-t-en! >>

Ces mots raisonnaient dans sa tête tandis qu'il s'accrochait comme il le pouvait à sa mère. Il ne voulait pas partir sans eux, il ne pouvait pas. Jamais il n'avait été séparé de ses parents et il n'était pas prêt à le faire.

<< Pars chéri... Maman va rester avec papa... >>

Pourquoi ne pouvait-il pas rester ? Il resserra son étreinte autour de sa mère.

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Il voulait aussi dormir avec eux, comme les nuits d'orage, comme lorsqu'il faisait un cauchemar. Il allait se réveiller et tout irait bien. Sa mère lui sourirait en l'embrassant et en lui disant que tout était fini, qu'elle était là pour le protéger

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Une fois ces paroles dites, elle repoussa son enfant à deux reprises puis se coucha conte son époux qui ne bougeait presque plus à présent. Le petit garçon se releva, des larmes coulant lentement contre sa joue avant de s'écraser contre le sol où une mare rouge avait déjà imprégné le sol. Il fit quelques pas en arrière, gravant à tout jamais cette image dans sa mémoire. Ensuite, il se retourna et se mit à courir, aussi vite que le permettaient ses courtes jambes. Ses poings étaient serrées de tristesse et sa mâchoire crispée à lui en faire mal.

Il n'aurait pas su dire combien de temps il avait couru. Il ne s'était pas arrêté, ni même retourné, lorsqu'il était entré dans la forêt dense qui entourait la clairière où il s'était passé le drame. Ses jambes lui faisaient mal, l'air glacial lui brûlait les poumons à chaque respiration. Sa tête commençait à tourner, sa vue se troublait une fois de plus mais pas à cause des larmes cette fois-ci. La fatigue se répandait dans tout son corps. Il n'arrivait presque plus à lever les pieds et il n'amortit même pas sa chute causée par une racine sortant de terre. Le choc fut brutal. L'enfant passa une partie de la nuit là, tantôt conscient, tantôt inconscient. Il ne savait plus distinguer la réalité du rêve, le vécu de l'imaginaire. Ses parents ne pouvaient pas être morts, non...


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Non! Elle lui avait dit qu'elle dormait avec son père! Qu'elle était toujours présente près de lui! Petit à petit, le calme revint en lui. Il sentait une chaleur dans son corps. A présent, il ne tremblait plus, ne frissonnait plus, ne pleurait plus. Ses parents étaient là, tout proche, en lui. Un sourire se dessina doucement sur ses petites lèvres rouges.

<< je vous aime...>>

Sa tête roula sur le côté, il tomba dans l'inconscience pour le reste de la nuit.