[font=Arial Narrow]Il fait sombre ce soir ... Aussi sombre que le néant qui m'a fait ressurgir.
Seul le crépitement du bois dans la cheminée se fait entendre.

Assise dans mon fauteuil, je lance un regard par la fenêtre. Un regard vidé de toute émotion ... un regard vitreux.
Dans mes mains se tient un livre poussiéreux, un vieux livre m'appartenant depuis des lustres mais que jamais je n'avais pensé à ouvrir. Il est temps ... Temps de lire ce qu'il contient. Cette fameuse légende ...

Celle qui a été enfouie au fur et à mesure du temps.
La légende de Miriel.

D'un geste lent, je caresse la couverture en cuir. De la poussière tombe ... s'incruste dans les pores de mon fauteuil ... persiste sur ma main.
J'ouvre le recueil, tourne les premières pages, puis commence ma lecture passionnée.





<< Je suis lasse.


Moi qui pensait faire de grandes choses sur ces terres ... Moi qui pensait que je rencontrerai d'intéressantes personnes ... Tous mes espoirs se sont retrouvés réduits à néant.
Non je n'ai rencontré rien d'autre que des Hommes faibles essayant en vain de fuir la réalité. Des bouteilles, toujours des bouteilles. Si seulement tout pouvait être différent.


Je suis arrivée il y a peu ... Venue de loin, des Terres Nordiques plus exactement, je ne m'attendais pas à vouloir repartir aussi vite. Mon passé ne me manque guère mais je n'ai pas plus envie de rester ici que d'être là bas.


Il y a peut être une chose que je regretterai ... La compagnie d'un homme que je respecterai toute ma vie. Celui qui m'a permis d'être celle que je suis désormais, celui qui m'a permis de m'endurcir ... Fëanáro. Mon maître d'arme si l'on pût dire. Mais à quoi bon ...


Je pense avoir bientôt fini. Encore quelques mots, puis j'irai me préparer.


Fëanáro, si un jour tu lis ces lignes sache que tu as été parfait. Je ne pouvais mieux trouver que ta personne sur ces terres vidées de toute force. Tu as été celui que j'ai aimé comme un frère, celui qui me protégeait de quiconque s'en prenait à ma personne ... Tu seras celui qui me manquera le plus. Ce n'est peut être pas une surprise, mais sache-le.


Quant aux autres, pourquoi changerai-je de refrain ? Je vous souhaite à tous une bonne fin de vie ... Qui j'espère ne tardera pas trop.


Votre très chère et tendre amie-ennemie, Miriel.




Miriel referma sa lettre puis la laissa reposer sur la table, s'en allant ranger ses dernières affaires. Ses quelques vêtements, ses armes ... Elle ne négligea rien. Elle pensa même à laisser dans sa chambre un présent qu'elle souhaitait léguer à Fëanáro : le pendentif de sa famille, apportant paix et sagesse à celui qui le portait, représentant deux feuilles de chênes enlacées.


Ses affaires rassemblées, la jeune mercenaire sortit, essayant de se faire discrète en prenant soin d'emporter sa lettre.


Le ciel était encore sombre, le coq n'avait pas encore chanté sa première sérénade annonçant le lever du soleil. Telle une voleuse, elle entra dans l'écurie, puis sella son destrier bai cerise.



- Ne t'inquiète pas mon joli, nous retournons chez nous. Il n'y a plus rien à faire ici désormais.


Le cheval semblait en effet agité, mais d'une longue caresse sur le chanfrein Miriel parvint à l'apaiser. Aussi, une fois prête, la jeune fille monta sur son dos et tous deux se mirent à marcher à travers la plaines. Ils ne s'arrêtèrent qu'une fois pour se rassasier, lorsque le soleil eut atteint son apogée dans le ciel. Ils étaient alors arrivés aux Hautes Terres, dernière ville avant la frontière entre les Terres Argentées et les Terres Nordiques.


Ils reprirent la route aussi vite qu'ils le purent, désormais ralentis par la chaleur qui s'était installée. Un cri strident se fit entendre ...

Puis, sans avoir le temps de comprendre quoi que ce soit, une flèche vint s'enfoncer dans le jarret de Lyx qui tomba sous le coup quasi mortel. Miriel sauta de cheval juste à temps mais n'en était pas moins effondrée. Son cheval, celui avec qui elle avait partagé tant de bons moments ... Blessé, prêt à mourir. Elle se précipita à ses côtés, des larmes coulant le long de ses joues, tremblante de colère.



- Non ... Lyx ... Reste avec moi mon tout beau. Tu ne peux me laisser ainsi. Sois fort ! Bâts toi ! Lyx !


Le cheval la regardait, ne bougeant presque plus. Désormais, du sang s'écoulait du coin de son oeil, freiné dans sa course par son poil qui l'absorbait.



- Excellent ce poison ... Il tuerait même un dragon remplit de rage.


Un homme se dressait derrière Miriel qui se retourna, le foudroyant du regard.



- Ton stupide destrier sera mort d'ici quelques minutes ... Toi avec.



L'inconnu esquissa un large sourire carnassier avant de dégainer son épée. Une grande épée au manche rouge, éclatante aux rayons du soleil. Sans prendre le temps de réfléchir, Miriel se munit de la sienne et se positionna devant l'homme Sombre.


- Très bien, mais sachez une chose mon cher ... Je ne me rendrai pas sans combattre. A vous l'honneur.



Aussitôt elle se mit en garde, prête à parer les coups de son adversaire qui la prit de vitesse tant il était agile. Ainsi il la blessa aux côtes puis au bras droit mais ce n'était alors que des blessures superficielles. Miriel peinait à le toucher, pour ne pas dire qu'elle n'y arrivait pas. L'homme riait, la regardant se donner du mal pour rien. Cependant, l'heure tournait et il fut rapidement lassé de ce manège.



D'un coup d'épée que la mercenaire ne vit pas venir, il blessa Miriel au coeur. Sous le choc, elle ouvrit la bouche, du sang s'échappant de sa gorge.



- Tu n'avais aucune chance ma jolie ... dit il en lui caressant le visage de sa main rugueuse.


D'un geste brusque, il lui arracha son loup, elle s'effondra. Puis, à l'aide de ses dernières forces elle prit la lettre écrite à l'aube pour la lire une dernière fois. Une larme tomba sur le parchemin, puis une deuxième ... Des gouttes de sang les remplacèrent, colorant le jaune-marron de la feuille en un rouge sombre.


Nous ne savons pas, et ne saurons jamais si cette lettre fut entre les mains de Fëanáro. Même le corps de Miriel ne fut jamais retrouvé, si bien que beaucoup pensent qu'elle ne soit été qu'une légende. >>





Je reste pensive quelques instants ... Me remémore ce que je viens de lire.
Morte ... Morte pour avoir voulu s'en aller. Pourquoi ?

Une larme coule le long de ma joue. Encore cette injustice.
Injustice ...

Celle que je souhaite faire disparaitre à jamais.

En espérant y arriver, je referme le livre.
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