La nuit est tombée sur Boudok. Les grands arbres des forêts avoisinant Sherwood projettent leur ombre menaçante sur la ville, ajoutant au crépuscule une touche d'horreur. La lune, pleine, projette sa face blafarde sur chaque énergumène encore assez fou pour s'aventurer en ville. En ces heures-ci, la ville est aux mains des assassins, voleurs et criminels en tout genre.
La place centrale de Sherwood est semblable à un désert : le petit parc profite enfin de tranquillité, ayant du supporter des amours commençants, présents ou finis toute la journée. Désert ? non... Là, se faufilant entre les étalages vierges des marchands, cet homme encapuchonné répète un curieux manège. Trois pas, il s'arrête, regarde la lune, observe à terre, puis recommence ses pas.
Soudain, un rire étrange retentit : oh, il n'est pas horrible, non, d'ailleurs si on sortait ce rire de son contexte, nul doute qu'il n'aurait rien d'étrange. Mais là, dehors, dans la nuit froide, au milieu de nul part, le simple fait que cet homme puisse rire, c'est cela qui est si étrange. Il se penche à terre, semble ramasser - ou déposer ? - un objet, puis, satisfait de son apparente trouvaille, se dirige vers le centre de la place, vers le petit parc.
A son passage dans la lumière de a lune, puisque l'homme a quitté le sombre de la chaussée, on peut davantage le décrire : c'est un homme d'une trentaine d'années environ, vêtu d'une espèce de soutane tout aussi noire que ses cheveux qui en dépassent. Son visage, pourtant, reste ombragé, si bien qu'on ne peut en faire une description parfaite.
L'homme s'installe sur un petit banc gravé des initiales d'un quelconque amour jeune et lointain, sort de sous sa soutane une petite besace, et y prend une pipe, ainsi que du tabac. L'étranger bourre sa pipe, l'allume, et reste là, à contempler la lune, fumant son tabac âcre et malodorant. C'est à ce moment précis qu'un bruit derrière lui le fait sursauter.