Il est une légende qui a marqué mon cœur d'aventurier. Cette légende, c'est celle du pendentif des larmes d'Ezechir. Si vous le désirez, je vais vous la conter.

C'est la forêt : sombre, angoissante, impénétrable. Il s'avance pourtant sans peur dans le sentier qui lui est inconnu, pourtant lui n'a que seize années. On l'a prévenu que la forêt regorgeait de monstres qui seraient bien heureux d'assouvir leur faim de sang humain. Mais il n'a eu cure des avertissements : malgré son jeune âge, c'est un aventurier, et le danger l'excite. Il ne saurait dire pourquoi, mais c'est ainsi. Lorsqu'on lui a parlé pour la première fois de cette sombre forêt où personne n'osait s'aventurer, et surtout quand un devin lui a déclaré qu'il y avait un pendentif secret caché au centre des grands Arbres, c'est là, assurément, qu'il a été poussé d'entreprendre cette quête.

Ce pendentif, d'après le devin, aurait le pouvoir d'accorder un vœu à son détenteur. Et justement, lui, l'aventurier, a besoin de ce vœu. Car il se nomme Grumdeï, et il est amoureux d'une fille aussi jolie que les fleurs qui éclosent au printemps, aussi fraîche que les flocons de neige qui tombent en hiver, aussi rayonnante que le soleil qui brille en été, cependant elle a l'air aussi triste que les feuilles qui tombent en automne. Grumdeï, malgré toute sa soif d'aventures, est un grand timide, si bien qu'il n'osera jamais aborder celle qu'il veut comme femme. Aussi s'est-il mis en quête du pendentif secret, qu'on appelle pendentif des larmes d'Ezéchir, appelé ainsi en raison du saint prêtre qui avait fait tant de bien sur ces terres, il y a si longtemps.

Voici maintenant huit jours que le jeune homme est parti de chez lui, trois jours qu'il erre dans la forêt, où il semble s'être perdu. Personne ne peut l'aider, ici. Pris de désespoir, il s'arrête, et pleure. Car il croit qu'il mourra ici, oublié de tous. Cependant son cœur est guidé par un but si noble que la lumière divine se fait sentir, éclairant le chemin comme elle le fait toujours à ceux dont l'âme est noble et qui sont perdus. Suivant la lumière, il débouche bientôt sur une petite clairière. Au centre, un mausolée, encore plus petit.

La nuit est tombée, la lune est pleine. Il a peur, et ne cesse de se retourner, se sentant épié, suivi. A tout moment, il s'attend à voir surgir devant lui un des monstres sanguinaires dont on lui a parlé, mais finalement, il arrive à entrer dans le mausolée. Il n'y a rien, à l'intérieur, rien d'autre qu'un grand et profond escalier poussiéreux, glissant. Prenant encore une bonne dose de courage, le jeune homme s'avance, espérant voir le bas de l'escalier. Peine perdue : les marches semblent s'enfoncer loin, très loin en-dessous de la terre. Pis encore, les insectes et reptiles qui glissent sur les dalles de pierre froide qui servent de marches à l'escalier chuintent et sifflent, provoquant une brusque montée d'adrénaline dans le corps de Grumdeï. Pourtant, ce dernier, courageusement, va descendre l'escalier. Il va manquer de tomber, plusieurs fois, et devra se battre contre les bêtes de l'escalier, dans le noir, mais il arrivera sain et sauf en bas de l'escalier, dans la pénombre la plus totale.

C'est à ce moment qu'une brusque lueur illumina les alentours, montrant ainsi où se trouvait Grumdeï. C'était une longue salle, soutenue par des piliers qui semblaient très anciens. La pierre qui faisait le sol était humide, et glissait, au même titre que l'escalier. Et au fond de la salle... un homme. Un vieil homme. Il avait une longue barbe, aussi blanche que ses cheveux. Il portait une toge rouge sombre, qui allait bien avec le ton sombre des lieux. En guise d'accessoires, il se tenait debout à l'aide d'un grand bâton, et autour de son cou pendait un pendentif fait d'or, avec pour unique ornement une boule contenant un étrange liquide : les larmes du saint prêtre. Enfin, le pendentif. Après toutes ces épreuves de courage et de sang-froid, le cœur de l'aventurier se souleva de soulagement. Il y était presque, maintenant.

"Hi hi hi ! Petit aventurier, je sais ce que tu veux, mais connais-tu au moins l'objet de tes désirs ? As-tu une quelconque idée de ses pouvoirs ? Hi hi hi, Si-fait, c'est là un joli trésor !"s'esclaffa le vieil homme du bout de la salle.
"Je... Je suis Grumdeï, et désire le pendentif. Donnez le moi, je vous en conjure ! Voici une semaine que je suis parti de chez moi. une semaine de peur, de doute, de désespoir. Et voici que je touche au but... Je vous promets de ne pas mal m'en servir... "

"Hi hi hi ! Je te crois, petit aventurier ! Ce pendentif est sacré, je veux bien te le donner, mais pour cela tu dois connaître son histoire ! Il a été fondé voici plusieurs siècles, lorsque les créatures de ces terres ne savaient pas encore parler, par Jolas, qui déchira les dieux, fourbe qu'il était (Boum que ça a fait ! Hi hi hi) et fut envoyé sur ces terres en guise de punition. Arrivé là, il s'aperçut bien vite qu'il était devenu mortel, le bougre ! Alors il convoqua les plus grands sages, pas des freluquets comme maintenant, non, des vrais ! Hi hi hi ! Et ces derniers forgèrent ce pendentif qui donne le droit à un seul vœu ! Au début il ne voulait que son profit, l'immortalité, mais finalement il eut un élan de bonté, et donna aux peuplades de la Terre le droit de parler ! Hi hi hi ! Ainsi il se vengea des dieux, en faisant des peuples leurs égaux ! Puis il mourut, et le pendentif fut perdu.

Puis le prêtre, Ezéchir, le vieux là qu'on dit qu'il a fait pas mal de bien, il a retrouvé le pendentif. De joie, il a pleuré dessus, et hop ! les larmes sont entrées dans le pendentif. A sa mort, on l'a enfermé ici, c'pendentif !Enfermé dans un mausolée, au fin fond d'une forêt dangereuse, qu'on disait ! Le vieux Grisard, il a trouvé le pendentif et son gardien, et il a exaucé son vœu ! Hi hi hi ! Et maintenant, tu veux faire ton vœu ? Hi hi hi ! Vas-y !"


Disant cela, le vieux qui avait l'air un peu fou et sénile tendait le pendentif qu'il avait retiré d'autour de son cou à Grumdeï. Ce dernier resta plusieurs minutes là, à regarder l'or du pendentif scintiller à la lueur des torches. Puis il le prit, le mit autour du cou, et parla d'une voix claire et forte :

"Oiseau et Ours, Lièvre et Poisson, que mon aimée soit mienne !"

A des centaines de lieues de là, la jeune fille du village s'écroula à terre, inconsciente, évanouie, comateuse, morte. Le jeune aventurier le sut immédiatement, et un grand chagrin se propagea dans tout son corps. Le chagrin laissa bien vite place à la fureur, et c'est haineux que Grumdeï se retourna vers le vieux fou.

"Je croyais que ça exauçait mon vœu ! Tu m'as trompé ! Puisses-tu mourir, trompeur !"

C'est à ce moment que le vieil homme changea du tout au tout. Dans un nuage de fumée, il se métamorphosa. Sa tête s'allongea, et son corps se couvrit de poils. Grumdeï avait maintenant devant lui la réplique même de Jolas. Ce dernier s'avança vers le jeune homme terrorisé, et ouvrit une bouche aisément garnie en crocs saillants.

"Pauvre imbécile. Je te l'ai dit, ce pendentif n'appartient qu'à celui qui l'a porté en premier. J'ai déjà usé tout ce pouvoir pour vous donner à vous, immondes créatures abjectes qui m'avez banni de votre monde, le droit de savoir vous exprimer. Vous ne méritez pas de vivre. Ainsi, tu as entrepris ce long voyage, jeune fou, pour quelque chose qui ne servait à rien, et tu y perds au change, parce que maintenant, tu vas mourir."

Un claquement de dents, et c'est la fin. Le jeune Grumdeï n'est plus.