Prologue : Une entrée en matière difficile.

La nuit était en train de tomber sur les terres argentées. Un vent très léger soufflait, faisant virevolter quelques feuilles mortes. La fraicheur s'installait, petit à petit.
Enkina aperçut au loin une ville. Elle était à plusieurs centaines de pas, vers le Sud. Les lumières, chaleureuses, semblaient l'appeler. Elle hâta le pas. Elle savait qu'être seule dehors, à cette heure ci et à son âge était extrêmement dangereux : les voleurs, les assassins, les ivrognes étaient légion, à guetter dans l'ombre une frêle victime.
Elle enfila sa capuche, cachant ainsi ses cheveux longs et son visage, dont les traits ne laissaient aucun doute sur son sexe. Elle posa la main sur le pommeau de son épée.

«Avec toi, je n'ai rien à craindre» murmura-t-elle pour elle, dans le but de se rassurer.
La ville semblait reculer au fur et à mesure qu'elle avançait . Elle commença à chantonner une chanson que lui chantait son père quand elle était petite. Son père, qu'elle n'avait pour ainsi dire jamais connu. Les seuls souvenirs qu'elle avait de lui, c'était cette chansonnette, cette épée en or, et un pendentif.
Alors qu'elle passait à côté d'un fourré, elle entendit des murmures. Elle resserra ses doigts autour du manche de l'épée. Deux hommes surgirent tout à coup, tout de noirs vêtus, l'air belliqueux, chacun portant une grande massue. L'un d'eux était très grand, chauve, une barbe naissante assombrissait son visage. L'autre, beaucoup plus petit, arborait une grande tignasse rousse, les cheveux emmelés. Sa barbe lui arrivait presque aux genoux. Elle devina sans peine qu'il s'agissait d'un nain.
Le grand homme s'avança, massue en main :

«Eh gamine, file ton pognon! C'est ça ou tu bouffes la terre!»
Le nain s'esclaffa. Enkina les observa, tour à tour, pesant le pour et le contre. Ils n'avaient pas l'air très habiles avec leurs armes. Sortant d'un geste rageur l'épée de son fourreau, elle cria, d'une voix qui se voulait ferme :
«Crevez donc, bande de blobs!»
Elle se jeta sur le grand homme, épée dardée en avant. L'homme l'esquiva sans peine, tendant juste son pied pour lui faire un croc-en-jambe. Avec l'élan qu'elle avait pris, Enkina ne put l'éviter, et s'écroula donc sur le sol, lamentablement. Le nain se plaça au dessus d'elle et, avec son petit rire sardonique, l'assoma.

[Quelques heures plus tard.]

Enkina se réveilla. Elle était allongée, à même le sol. Une pluie très fine tombait. Elle tenta de se relever, mais sa tête la lança si fort qu'elle dut attendre quelques minutes avant de pouvoir re-tenter. Elle s'accroupit et se tâta le crâne. Une grosse bosse s'était formée. Sa bourse avait été dérobée. Heureusement, elle ne contenait quelques centaines de pièces d'or.
Mais ce n'était pas là le plus grave. Elle glissa ses doigts autour de son cou. Il manquait quelque chose. Le pendentif, laissé par son père. Elle vérifia sur le sol : peut-être avait-il chu pendant «la bataille». Il n'y avait rien, hormis des traces de pas. Enkina laissa s'échapper un long cri, empli de désespoir. Elle se jura de tout faire pour un jour retrouver ce pendentif, si cher à son coeur...