L’histoire se meurt… Et avec elle, de nombreux anciens partent dans un monde plus sombre, où le mot bise ne représente qu’un vent léger, et non une embrassade, où la chaleur n’est apportée que par les flammes crépitant dans la nuit noire, et non par une poignée de main, ou un enlacement.

Le monde se meurt, et je le regarde s’effondrer, peu à peu. Brique par brique, je vois les bâtiments s’étioler, le passé disparaître pour être remplacé par…

Le néant. Il recouvre toute chose. Le vide, l’absence. Vide physique, là où le palais reposait. Vide moral, là où une main apaisante était présente. Vide total, lorsqu’il n’existe plus, et lorsque nous redevient je.

L’Homme se meurt, et emporte avec lui la mémoire des temps anciens, où les guerres n’étaient que jeu, où le respect de l’adversaire primait sur sa destruction. Un temps où soumettre quelqu’un ne signifiait pas l’anéantir, mais le convaincre de son bon droit.

« Laisse toujours une issue à l’homme que tu combats, sinon il se battra avec l’énergie du désespoir ». Voilà ce qu’on m’avait appris, il y a de nombreuses années, alors que je n’étais qu’une gosse parcourant les terres de Baduk. Voilà ce qu’il me reste de ce temps. Cela et… Quelques souvenirs de lui, roi de cette époque, que j’ai connu déjà déchu par ses amis, oublié par ses ennemis et passé par le temps.

Le temps passe, et j’ai appris mes leçons. Le passé n’est pas là pour faire parler les petits vieux, d’une grandeur oubliée, d’exploits délavés, mais pour apprendre à avancer. Il était âgé, il avait vécu d’innombrables époques, où les dieux étaient encore maîtres sur terre, puis plus tard, lorsque la science privilégia la raison à la croyance. Il était là, il y a encore quelques temps, à couver mon sommeil. Lui qui avait vécu en des périodes sombres, lui qui ne pouvait dormir que d’un œil, son dernier repos sera eternel, et il sera le plus calme.

Le monde se meurt, et je regrette de le voir partir ainsi. De n’avoir pas pu me battre contre ces oublis, contre cette absence, contre cette faiblesse…

L’histoire se meurt, et peu semblent vouloir en réécrire une autre. Les mots sont là, toujours les mêmes, les plumes et les parchemins sont à foison. Mais qui pourra poser la première pierre de ce nouvel édifice ? Qui pourra oublier sa personne, pour faire vivre ces terres ?

Le courage me manque, et depuis bien longtemps maintenant, je vis recluse. Je ne peux apporter que quelques connaissances et quelques aisances à ceux qui ont encore la force de se battre pour que la vie sur ces terres continue.

Mon chemin s’achèvera bientôt, et avec lui, de nombreux souvenirs disparaitront à jamais, enfouis dans les ténèbres, par ma lâcheté, par ma faiblesse, par ma passivité.